Comptes rendus

Behiels, Michael D., La francophonie canadienne. Renouveau constitutionnel et gouvernance scolaire (Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, coll. « Amérique française », no 12, 2005), 432 p.[Record]

  • Stéphane Savard

D’abord parue en version originale anglaise sous le titre Canada’s Francophone Minority Communities : Constitutional Renewal and the Winning of School Governance (2003), l’étude de l’historien Michael D. Behiels cherche « à définir et à analyser le rôle joué par les communautés de la minorité francophone du Canada dans l’élaboration et la mise en application des droits garantis par l’article 23 » (p. xvi) de la Charte canadienne des droits et libertés. Pour ce faire, le chercheur divise en quatre son analyse, un découpage surtout temporel qui témoigne ainsi des quatre phases distinctes où les membres des communautés minoritaires francophones participent aux débats constitutionnels et luttent pour l’obtention de la gouvernance scolaire. Davantage une mise en contexte, la première phase regroupe les décennies 1960 et 1970. Elle souligne l’effondrement des assises institutionnelles du Canada français catholique et la réorganisation associative, communautaire et politique des communautés minoritaires francophones selon une division territoriale provinciale. Aussi, l’auteur fait part de la création de la Fédération des francophones hors Québec (FFHQ) dès 1975, rassemblant l’ensemble des associations francophones provinciales, et de ses premières stratégies de lobbying politique et de prises de parole sur la scène publique. Pour les années 1980-1982, M. D. Behiels relate les événements entourant l’intensive ronde de débats constitutionnels qui se termine par le rapatriement de la Constitution. Il dénombre plusieurs stratégies utilisées par les communautés francophones minoritaires pour exprimer leurs opinions, en l’occurrence les revendications publiques, prises de position médiatiques, pressions politiques et jeux de coulisse sur les États fédéral et provinciaux. Peu écoutées, elles obtiennent tout de même le droit à l’instruction publique dans leur langue, un droit protégé par l’article 23 de la Charte des droits et libertés qui laisse une ouverture à la gestion scolaire mais qui, néanmoins, se voit soumis à la clause « là où le nombre le justifie ». Beaucoup plus longue que les précédentes, la troisième phase se définit par trois études de cas portant sur les batailles politiques et juridiques livrées par les organismes franco-ontariens, franco-albertains et franco-manitobains pour faire respecter les dispositions contenues dans la Charte des droits et libertés, plus particulièrement celles de l’article 23. Ainsi, de 1982 jusqu’au début des années 1990, des organismes ou individus de ces communautés luttent devant les tribunaux et obtiennent des jugements favorables : la décision de la Cour d’appel de l’Ontario en 1984, le jugement de la Cour suprême du Canada en 1990 dans l’affaire Mahé c. Alberta, et enfin le Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques en 1993 dans le cas des Franco-Manitobains. Comme M. D. Behiels le souligne avec justesse, ces décisions sur des cas types permettent aux membres des communautés en question – mais aussi des autres groupes minoritaires francophones – d’exercer des pressions politiques plus efficaces et ainsi d’obtenir une écoute plus attentive de la part des représentants politiques de leur province respective. Quant à la dernière phase, celle-ci se concentre sur les débats constitutionnels du lac Meech et de l’Accord de Charlottetown qui ont lieu entre 1987 et 1992. Là, les membres des communautés minoritaires francophones s’immiscent dans le débat politique en protégeant la conception pancanadienne du bilinguisme et du biculturalisme, tout en se montrant ouverts à la conception du dualisme territorial Québec/Canada préconisé par Robert Bourassa. Ménageant la chèvre et le chou, ce qui leur fait subir d’importantes querelles intestines, ils obtiennent peu de succès, mais réussissent néanmoins à consolider « leurs espaces politiques symboliques et réels au sein de la fédération canadienne » (p. 332). Malgré le caractère parfois très factuel de l’analyse, la volumineuse étude possède plusieurs caractéristiques dignes de mention. Une …