Comptes rendus

Mann, Susan, Margaret Macdonald. Imperial Daughter (Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2005), xvi-286 p.[Record]

  • Micheline Dumont

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  • Micheline Dumont
    Professeure émérite
    Université de Sherbrooke

Il y a près de 25 ans, alors que l’histoire des femmes devenait un champ important de la recherche historique, il semblait parfaitement inapproprié de s’adonner à la biographie historique. On venait de lancer le projet de placer dans l’histoire les anonymes par excellence que sont les femmes, pourquoi s’embarrasser d’examiner les destins exceptionnels ? Susan Mann avait alors avancé quelques réflexions théoriques sur la biographie féministe. Dans Feminist Biography (Atlantis, 1985), elle formulait quelques propositions choc : « Hierarchies and leaders appear to be some of the evils of a society dominated by men » ; alors pourquoi s’ingénier à écrire la biographie de celles qui ont participé à ce pouvoir ? Elle critiquait également la manière avec laquelle on rédige habituellement les biographies de femmes, accentuant leurs contacts avec « leurs » hommes ou, au contraire, en montrant que leurs réalisations avaient mis en péril leur féminité. Enfin la tentation était grande de leur prêter ne serait-ce que l’embryon des idées et des analyses qui inspirent aujourd’hui les chercheuses féministes. Mais en bonne pédagogue, elle proposait toutefois quelques conditions pour pouvoir réaliser une biographie féministe. Tout d’abord, ajouter au récit « the political commitment of feminist scolarship » : révéler le passé dénié aux femmes. Ensuite, modifier la forme traditionnelle de la biographie en contestant l’héritage culturel dans lequel se déploie la vie de l’héroïne. Examiner attentivement de quelle manière les abstractions théoriques qui conceptualisent l’histoire des femmes se réalisent à travers un individu. Enfin, partir de cet exemple pour informer sur le statut des femmes dans une société donnée. En conclusion, elle suggérait que la biographie féministe pourrait bien être une des formes prochaines de l’histoire des femmes. Eh bien, la démonstration est maintenant faite. Il est possible d’écrire une biographie féministe qui se révèle également une biographie rigoureuse, érudite, passionnante et instructive. Qui dit mieux ? Margaret Macdonald (1873-1948) a été Major de l’armée canadienne durant la guerre de 1914-1918, à titre de « matron-in-chief » du large contingent d’infirmières qui ont travaillé dans les hôpitaux militaires canadiens en Angleterre, en France, à l’est de la Méditerranée et sur les navires qui transportaient les troupes. Une fois sa mission terminée, elle a disparu dans l’anonymat de son village de Nouvelle-Écosse en 1923. Retracer la biographie de cette femme représentait une tâche redoutable. Les deux caisses de documents relatifs au service qu’elle a dirigé ont disparu après la guerre, rendant ces femmes « out of history and back into the privacy of women’s life » (p. 102). Sa soeur cadette, qui conservait précieusement les lettres envoyées à sa famille durant plus d’un demi-siècle, a brûlé l’ensemble de sa correspondance en 1974. L’auteure nous révèle ce fait dans un bref post-scriptum (p. 189). Et pourtant, son érudition remarquable a réussi à reconstituer l’écheveau de ce destin exceptionnel. Ne ratez pas la note 20 du chapitre 4 ! Le chapitre 1, « A Regular Little Trump », retrace l’enfance, les études et la vocation d’infirmière de Macdonald, alors qu’elle se rend à New York dans une école d’infirmières. Le chapitre 2, « A Yen for War », retrace son parcours professionnel accidenté au moment de la Guerre hispano-américaine, de la Guerre d’Afrique du Sud et de la construction du Canal de Panama. Le chapitre 3, « Matron-in-Chief », décrit et analyse minutieusement son travail d’organisation, de gestion et d’inspection au sein de l’armée canadienne, durant le premier conflit mondial. Le chapitre 4, « An Officer and a Lady », rend compte du caractère ambigu de sa fonction, alors que les prescriptions du genre venaient heurter les exigences …