Comptes rendus

NEWHOUSE, David R., Cora J. VOYAGEUR et Dan BEAVON, dir., Hidden in Plain Sight. Contributions of Aboriginal Peoples to Canadian Identity and Culture (Toronto, University of Toronto Press, 2005), I : xxiv-458 p.[Record]

  • Marie-Pierre Bousquet

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  • Marie-Pierre Bousquet
    Département d’anthropologie, Université de Montréal

Cet ouvrage collectif, nous informent d’entrée de jeu ses directeurs, veut répondre à une nécessité : celle de présenter les contributions, méconnues, des peuples autochtones à la construction du Canada et à son identité contemporaine. Sous ce terme vague de « contributions », mot clé du titre, pouvaient se ranger quantité de réponses, rassemblant autant des idées que des patrimoines matériels et des hommes et des femmes célèbres. Des réponses, il y en eut, puisque ce volume, à l’issue de l’appel à publication lancé en 1999, est annoncé comme le premier de deux, documentant une grande variété de thèmes et de réalisations, qui vont de l’indigénisation de certains aspects du système de justice canadien à des courants artistiques et des portraits de chefs, acteurs, peintres, sportifs et autres personnalités. Les auteurs de ce livre proviennent d’horizons divers : se côtoient des professeurs d’université, des étudiants (de Cora Voyageur, à l’Université de Calgary), des conservateurs de musée, des écrivains, des consultants d’organisations et des serviteurs de la fonction publique. Parmi eux, on remarque Bryan Cummins, anthropologue, Carol LaPrairie, criminologue, Gerald McMaster, qui a marqué le Musée canadien des Civilisations, Drew Hayden Taylor, écrivain ojibwa, David T. McNab, historien métis, J. Rick Ponting, sociologue, ou encore la regrettée Gail Valaskakis, autorité en matière de médias autochtones, qui est décédée en juillet 2007. Le livre comporte neuf sections, sept d’entre elles (de tailles inégales) étant consacrées à des thèmes précis : les traités, les arts et médias, la littérature, la justice, les identités culturelles (« Culture and identity »), les sports et enfin l’armée. Chacune offre de brèves biographies, de deux ou trois pages, d’illustres figures autochtones, passées ou présentes, certaines nous ayant quittés après la parution du livre (Harold Cardinal en particulier, décédé le 3 juin 2005). Ces profils sont insérés entre de plus gros chapitres, portant par exemple sur les relations entre les Autochtones et le gouvernement, sur le développement des communications au Nunavut, sur les systèmes alternatifs de justice, sur les noms chez les Inuit ou sur les cowboys de rodéo. À côté de chapitres qui suivent un modèle très universitaire de construction du propos, on trouve des essais plus personnels, comme celui sur le sens de l’humour chez les Autochtones de Drew Hayden Taylor, ce qui décloisonne agréablement les documentations historiques, au ton volontairement détaché, de leur froideur pour leur donner une résonance plus concrète et plus vivante. Au premier abord, l’impression de fourre-tout qui se dégage de la table des matières peut gêner. Que l’artisanat mik’maq en matière de mobilier voisine la dépossession des territoires fait craindre que le projet politique contenu dans le titre de l’ouvrage n’aboutisse en fait qu’à un catalogue dénué de fil conducteur, brassant large pour rehausser la visibilité des Autochtones dans la société canadienne (ou plutôt atténuer leur invisibilité) et non destiné à aborder véritablement leur apport à la mosaïque culturelle et sociale du pays. En fait, peut-être est-ce le mot contributions qui trompe le lecteur : c’est aussi de tribut, souvent lourd, dont il est question. Car un apport peut autant venir d’une addition que d’une soustraction : les Autochtones n’ont pas toujours donné leurs legs au Canada de leur plein gré. Prenant en compte ces deux dimensions, l’ensemble apparaît dès lors plus équilibré, ne tombant ni dans le piège de la victimisation ni dans le panégyrique exagéré, et suit une ligne éditoriale qui se détache heureusement d’un « eurocanadianocentrisme » que l’on appréhendait. À cet égard, l’introduction, dans la première section, doit retenir l’attention, car elle contient tout le programme théorique et analytique qui sous-tend l’apport documentaire. Elle fait le …