Comptes rendus

CHRISTIE, Nancy, dir., Transatlantic Subjects. Ideas, Institutions, and Social Experience in Post-Revolutionnary British North America (Montreal, McGill-Queen’s University Press, 2008), 477 p.[Record]

  • Renaud Séguin

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  • Renaud Séguin
    Département d’histoire, Université de Toronto

Il y a près de 15 ans, Phillip Buckner, alors président de la Société historique du Canada, déplorait l’absence d’études sur les colonies canadiennes dans l’historiographie de l’Empire britannique d’après 1783. L’histoire des possessions coloniales des autres hémisphères monopolisait alors ce champ d’études. Buckner reprochait également aux historiens et historiennes du Canada d’écarter la composante impériale au profit d’une perspective téléologique axée sur la marche vers l’autonomie politique et la formation du sentiment national canadien. Depuis cet appel, plusieurs aspects de l’impérialisme britannique au Canada ont été étudiés avec brio. Il suffit d’évoquer les excellentes monographies d’Adèle Perry et de H. V. Nelles. Le collectif dirigé par Nancy Christie se distingue cependant par sa contribution magistrale non seulement à l’étude de l’Empire britannique mais également à l’histoire de l’identité sous toutes ses formes. Fruit d’une collaboration amorcée lors d’un colloque à l’Université McMaster en 2004, cet ouvrage réunit des articles variés articulés autour des diverses dimensions de l’identité britannique telle que définit par J. G. A. Pocock, qui est d’ailleurs l’auteur de la préface. Dans l’introduction, Nancy Christie réussit cependant à définir une trame commune unissant chaque texte, ce qui fait en sorte que la valeur de ce collectif dépasse la valeur individuelle de chaque texte. Donald Fyson étudie dans son chapitre l’attitude des nouveaux sujets francophones face aux institutions implantées par les autorités britanniques, de la Conquête aux Rébellions de 1837-1838. Il avance que, malgré certaines résistances, les habitants s’adaptèrent rapidement au nouvel ordre politique. Les francophones du Bas-Canada s’approprièrent à leur avantage les instances judiciaires du régime britannique et les utilisèrent tant en ce qui concerne les causes civiles et criminelles que la gouvernance locale. Les conflits politiques qui apparaissent à la fin des années 1820 viennent toutefois ébranler leur confiance envers les institutions impériales. Pour sa part, Nancy Christie expose comment l’analyse du portrait des domestiques féminines dépeint dans les documents familiaux révèle des aspects méconnus de la société haut-canadienne. Malgré les discours officiels à cet égard, la réalité socio-économique relativement égalitaire de cette colonie se prêtait mal à une transposition fidèle des hiérarchies métropolitaines. Les hommes et les femmes aspirant au statut d’élite ne pouvaient donc pas étayer leurs revendications sur une aisance matérielle. C’est en insistant sur leurs manières distinguées et leur rythme de vie élitaire qu’ils tentèrent d’asseoir leurs prétentions. En ce sens, la rareté de la main-d’oeuvre domestique féminine et son esprit d’indépendance en découlant mettaient en péril le projet identitaires des élites haut-canadiennes. Dans son texte sur le xixe siècle québécois, Brian Young souligne également la nécessité d’intégrer les facteurs culturels et idéologiques dans l’analyse des élites et de leur influence. Il cite à titre d’exemple le parcours de deux familles francophones qu’il qualifie de patriciennes. Il affirme que parallèlement à la montée des libéralismes politique et économique, une conception paternaliste, antimoderniste et conservatrice de la société a persisté tout au long de la période grâce, entre autres, à des institutions telles que l’Église catholique et le système seigneurial. La dimension religieuse et les liens qu’elle tisse avec les catégories d’identités impériales sont l’objet de plusieurs textes fort intéressants. Les articles de Todd Webb et de Michael Gauvreau évaluent l’importance de la notion de « Britishness » dans les discours des Méthodistes, des Anglicans et des Presbytériens. Webb soutient en effet que les conflits entre les Wesleyens canadiens et britanniques du milieu du xixe siècle s’articulent autour des conceptions contradictoires de l’identité britannique. À l’opposé, Gauvreau démontre que les Églises anglicanes et presbytériennes des Canadas et des Maritimes en viennent progressivement à insister sur leurs identités ethnoculturelles particulières au détriment …