Comptes rendus

MORENCY, Jean, Hélène DESTREMPES, Denise MERKLE et Martin PÂQUET, dir., Des cultures en contact. Visions de l’Amérique du Nord francophone (Québec, Éditions Nota Bene, coll. « Terre américaine », 2005), 551 p.[Record]

  • Yves Frenette

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  • Yves Frenette
    Centre de recherche en civilisation canadienne-française, Université d’Ottawa

Émanant d’un colloque tenu à l’Université de Moncton à l’été 2002, ce recueil veut rendre compte du caractère interculturel de l’Amérique française, et ce, à toutes les époques, principalement au Québec et en Acadie, mais aussi dans l’Ouest et en Louisiane. S’il y a une thèse avancée par les directeurs de l’ouvrage, c’est que les petites collectivités qui composent la francophonie nord-américaine ne sont nullement fermées, même celles qui sont les plus isolées. Pour utiliser leur langage, cette dernière constitue « un véritable carrefour ». Cela, on le sait depuis longtemps, mais les trente textes du recueil veulent inciter les chercheurs à en prendre acte et à explorer la problématique de l’interculturalisme pour comprendre l’Amérique française, passée et présente. Certains collaborateurs vont plus loin en se faisant les apologistes de la rencontre des cultures et de la diversité. « Diversité » est aussi le terme qui convient le mieux pour décrire l’ensemble des contributions ; celles-ci proviennent en effet de plusieurs horizons disciplinaires à partir desquels elles approchent des objets d’étude variés. Le résultat est parfois heureux, parfois moins heureux. L’ouvrage est divisé en six parties de longueur inégale. Dans un premier temps, les directeurs du recueil ont réuni trois textes à saveur théorique sous l’appellation d’« Enjeux interculturels ». C’est l’occasion pour Michael Cronin de montrer que toutes les sociétés sont, depuis la nuit des temps, construites à partir d’influences extérieures, ce qui le conduit à prôner une politique de micro-cosmopolitisme. Paul Dubé va dans le même sens en proposant la création d’une nouvelle symbolique francophone fondée sur une identité interculturelle, seule planche de salut pour les communautés à l’ouest du Québec. Pour sa part, Luc Vigneault s’attache à étudier, avec beaucoup de sympathie, le modèle narratif exposé par Charles Taylor dans le contexte pluriculturel du Canada. La deuxième partie du recueil est celle qui intéressera le plus les lecteurs de la RHAF. Intitulée « Histoires », elle rassemble cinq textes qui traitent des contacts interculturels dans une perspective diachronique. D’abord, Sandrine Boucher analyse les premières représentations cartographiques françaises de la côte nord-américaine en tant qu’affirmation d’une expérience civilisée face à une altérité sauvage. C’est sur la même époque que se penche Isabelle Lachance en offrant une relecture d’un Marc Lescarbot ethnographe bien plus intéressé par les faits et gestes des Français au Nouveau Monde que par le mode de vie jugé inférieur des autochtones. Les représentations de ces derniers au Canada français constituent la matière du chapitre d’Hélène Destrempes, qui montre combien il y eut confluence entre les images de l’Indien aux États-Unis et au Québec. Le meilleur texte du recueil est, selon moi, celui de Hans-Jürgen Lüsebrink, qui étudie le « cosmopolitisme populaire » à partir des almanachs canadiens-français du xixe et du début du xxe siècle. Quant à Martin Pâquet, il observe sous un jour nouveau les transferts et les adaptations de la culture politique britannique, notamment l’analogie avec le sport, elle-même liée aux rapports de classe. La troisième partie du livre est consacrée aux « Paroles », c’est-à-dire au contact linguistique. Georges Lüdi s’intéresse ainsi à la pratique du « parler bilingue », dont les marques transcodiques refléteraient des traces d’expériences interculturelles, et Rainier Grutman fait ressortir le fait que les textes diglossiques exploitent la redondance créée par la présence simultanée de plusieurs langues en s’adressant simultanément à deux publics. Pour sa part, Sylvia Kasparian soupçonne l’émergence de nouvelles normes et de nouveaux modèles, tant linguistiques que littéraires, dans certains milieux multiculturels du Canada, alors que Chantal Richard établit une typologie de l’hétérolinguisme littéraire en Amérique francophone contemporaine, concluant à une « …