Comptes rendus

DUMONT, Micheline, Le féminisme québécois raconté à Camille (Montréal, Éditions du remue-ménage, 2008), 247 p.[Record]

  • Karine Hébert

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  • Karine Hébert
    Département des lettres et humanités, Université du Québec à Rimouski

Au moment où je me suis attablée pour rédiger le compte rendu du dernier ouvrage de Micheline Dumont, je me suis rendu compte qu’il aurait fallu m’adjoindre une assistante de moins de vingt ans, ma nièce par exemple. À défaut de l’avoir fait, j’ai quand même tenu à prendre le pouls de lectrices plus directement visées, comme l’explique l’auteure elle-même : « Il [ce livre] s’adresse aussi à toutes celles et à tous ceux qui n’ont pas beaucoup d’atomes crochus avec les livres savants, avec les notes au bas de la page ou avec les rapports de recherche. » (avant-propos, p. 11) Car si j’ai pris beaucoup de plaisir à lire cette histoire du féminisme québécois, mes réflexes d’universitaire revenaient souvent me hanter. D’entrée de jeu, le titre de l’ouvrage donne le ton. Le terme « raconté » est particulièrement bien choisi. En effet, ce livre rythmé se présente comme un véritable récit sans pour autant évacuer complètement l’analyse. Les livres savants, les très bons, savent autant analyser que raconter ; les ouvrages de vulgarisation, les très bons, savent raconter tout en présentant une certaine analyse. Je crois que Micheline Dumont s’est acquittée de cette tâche de belle façon, même si quelques nuances interprétatives demeurent dans l’ombre. Par exemple, le terme « féminisme » est utilisé jusqu’au dernier chapitre – alors qu’apparaît celui de néoféminisme – pour désigner « l’ensemble des mouvements qui contestent la place subordonnée des femmes dans la société et formulent des revendications pour défendre leurs droits » (p. 19). Or, certaines femmes des années 1910 sont qualifiées de féministes puisqu’elles souhaitaient « de meilleurs droits pour mieux jouer leur rôle de mère et de femme. Cette idée constitue alors la base de leur action, bien plus que l’idéal de l’égalité entre les hommes et les femmes. » (p. 54) La contestation de la subordination des femmes n’est alors pas au centre de leur préoccupation. Celle-ci est-elle trop éloignée de leur écran radar pour s’interroger sur le recours au qualificatif de féministe ? La question aurait au moins mérité d’être formulée. Bien entendu, Micheline Dumont présente les luttes de l’AFÉAS (Association féminine d’éducation et d’action sociale) et celles du FLFQ (Front de libération des femmes du Québec) avec leurs couleurs respectives (p. 123), mais toutes sont intégrées dans la grande famille féministe. D’une certaine manière, cette façon de présenter le féminisme rend justice à l’ensemble des luttes associées aux mouvements de revendications des femmes et permet de rassembler dans une même trame toutes les tentatives faites pour améliorer le sort des femmes dans la société québécoise ; d’un autre côté, un tel procédé peut mener à une image un peu monolithique d’un mouvement qui, somme toute, a été traversé de multiples tendances et qui, comme le disait Nancy Cott, nécessiterait peut-être un vocabulaire élargi. Construit de manière chronologique pour couvrir la période allant de 1893, année de fondation du Montreal Local Council of Women, jusqu’à aujourd’hui, avec les débats sur l’hypersexualisation des jeunes filles notamment, Le féminisme québécois raconté à Camille est divisé en 34 courts chapitres. Rassemblés en cinq principales parties, chacun d’entre eux est organisé autour d’une question principale qui est annoncée à la fin du précédent. Un tel procédé allie le récit traditionnel à une approche par problématiques – bien que parfois un peu accessoire – qui capte l’attention. À la fin de chacune des parties, un bref rappel chronologique des principaux événements permet de faire le point. Alors que je doutais de leur bien-fondé, une des lectrices que j’ai consultées a soulevé la pertinence de ces chronologies. Les débuts du mouvement des femmes …

Appendices