Comptes rendus

Delagrave, Louis (avec la collaboration de Jean-Luc Pilon), Histoire des relations de travail dans la construction au Québec (Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2009), 241 p.[Record]

  • Jacques Rouillard

…more information

  • Jacques Rouillard
    Département d’histoire, Université de Montréal

Cet ouvrage de synthèse a été commandé par la Commission de la construction du Québec afin de marquer le quarantième anniversaire de la Loi sur les relations de travail dans l’industrie de la construction adoptée en 1968. Le volume trace un tableau très bien documenté des relations de travail souvent tourmentées de cette industrie à partir de l’année 1934 jusqu’en 2007. Les deux auteurs ne sont pas des historiens de formation ou de profession, mais leur connaissance intime du milieu de la construction représente un atout de premier ordre. Économistes, ils oeuvrent à la Commission de la construction du Québec depuis plusieurs années. Ayant sans doute mis beaucoup de temps et d’effort à préparer l’ouvrage, ils se sont fort bien tirés d’affaire en présentant un survol de qualité de ce secteur industriel. Leur interprétation se veut plutôt neutre évitant les reproches ou les éloges du patronat, des syndicats et des gouvernements. La présentation matérielle demeure très soignée avec des encarts et des tableaux éclairants. À ma connaissance, c’est le meilleur ouvrage sur les relations de travail d’un secteur industriel au Québec pour une période historique aussi longue. L’ouvrage ne porte pas spécifiquement sur les travailleurs de la construction, mais sur les divers acteurs de l’industrie en insistant sur le cadre législatif. Il ressort trois caractéristiques principales des relations de travail dans cette industrie fortement marquée par le poids de son histoire : elles évoluent sous un statut spécial par rapport au reste du monde du travail, elles sont marquées par de fortes rivalités intersyndicales et elles comportent une large part d’originalité par rapport aux conditions régnant dans les autres provinces canadiennes. Cette spécificité commence à se manifester dès 1934 avec l’adoption de la Loi d’extension juridique des conventions collectives promue par les syndicats catholiques en prenant modèle de lois européennes. La loi permet au gouvernement du Québec d’étendre par décret à toutes les entreprises d’un secteur industriel, dans un territoire déterminé, les termes d’une convention collective conclue par un syndicat. Le gouvernement n’y joue qu’un rôle limité, l’entente devant avoir été proposée par les parties contractantes (patronat, syndicats) et elle est gérée par des comités paritaires formés à égalité de représentants des employeurs et des employés. Pour les syndicats catholiques, ces comités constituent les embryons de la corporation professionnelle, cellule de base de la société corporatiste dont la centrale rêve depuis sa fondation. Le système des décrets a connu beaucoup de succès dans le secteur de la construction dans les années 1940 et 1950. Pour les auteurs de l’ouvrage, ce modèle, qui repose sur la gestion conjointe patronale et syndicale, a permis des conditions de travail négociées applicables à tout un secteur, la création de regroupements patronaux, une paix relative sur les chantiers de construction et une gérance efficace de la formation de la main-d’oeuvre. Les associations patronales s’en réjouissent, mais les organisations syndicales le remettent en question au début des années 1960. Commencent alors de nombreux arrêts de travail et d’âpres rivalités, parfois musclés, sur les chantiers entre les syndicats affiliés à la CSN et ceux affiliés à la FTQ. La volonté des syndicats de bonifier les conditions de travail de leurs membres (sécurité syndicale, régime de retraite, meilleurs salaires), d’uniformiser les conditions de travail entre les régions et la complexité de marier le régime des décrets à celui des conventions collectives déterminent les syndicats affiliés à la CSN et à la FTQ, tout comme les associations patronales, à réclamer du gouvernement une loi spécifique pour ce secteur. Il y consent en 1968 en faisant adopter la loi 290 qui est destinée spécifiquement aux relations de travail dans l’industrie …