Comptes rendus

MOTSCH, Andreas et Gregoire HOLTZ, Éditer la Nouvelle-France (Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2011), 256 p.[Record]

  • Jean-Olivier Richard

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  • Jean-Olivier Richard
    Johns Hopkins University

Dans leur élégante introduction, Motsch et Holtz établissent un parallèle entre le travail d’édition des premiers historiographes de la Nouvelle-France et celui en cours aujourd’hui, notant un comparable désir de lutter contre l’oubli des textes pour façonner une identité historique. Mais le contexte et la forme des travaux d’édition actuels sont évidemment différents de ceux de l’Ancien Régime. Sensibles aux récentes transformations qui secouent le marché du livre (notamment, l’avènement de nouveaux supports médiatiques), les directeurs de l’ouvrage nous invitent à nous questionner sur des enjeux pressants : « quels textes sont à éditer ? […] comment le faire ? » (p. 2). Aux considérations pratiques s’ajoutent aussi « de nouvelles interrogations » d’ordre plus théorique : « Qu’est-ce qu’un texte sur la Nouvelle-France, au-delà des seuls récits de voyages ? Mais surtout comment comprendre la Nouvelle-France ? » (p. 3) Pour répondre à ces questions, la communauté savante doit mieux intégrer le corpus de la Nouvelle-France à celui de l’Occident. Dans cette optique d’ouverture sur le monde, il convient aussi d’aborder l’édition critique de façon pluridisciplinaire, la compréhension des sources bénéficiant du croisement des perspectives (historique, ethnographique, littéraire) ; l’industrie, d’un lectorat plus vaste. L’ouvrage comprend deux volets. « Comment lire les écrits de la Nouvelle-France ? […] » regroupe les essais qui portent principalement sur « les questions des discours, des savoirs et des transferts culturels engendrés par l’écriture de la Nouvelle-France » (p. 9). Commençant avec une anecdote tirée de son expérience d’enseignement, Normand Doiron donne le ton à l’ouvrage dans « Le cabinet de Mr Bégon : l’édition critique et les limites de l’interprétation ». Alors que Doiron propose une réflexion sur l’importance des conventions de genres pour comprendre et contextualiser correctement les textes d’époque, Robert Melançon se questionne sur ce qui constitue un texte proprement « littéraire ». Prenant l’exemple des jésuites Lafitau et Lejeune, « La Nouvelle-France et la littérature » soutient (et convainc) que les caractéristiques associées aujourd’hui à la littérature ne s’appliquent aux écrits de la Nouvelle-France qu’au prix d’anachronismes. Visant justement à éviter les anachronismes, George Tissot rappelle, quant à lui, le rôle central de l’article sur la religion dans les Moeurs des sauvages de Lafitau, soutenant dans « Une histoire théologique des religions : Jean Francois Lafitau (sic) » que la théologie et l’histoire des religions sont plus révélatrices du système du jésuite que l’ethnographie comparée. Jean-Claude Laborie enchaîne avec « Du Tupi au Huron : quelques éléments pour une circulation des modèles missiologiques jésuites au Nouveau Monde », une contribution ambitieuse (mais limitée par l’espace) aux efforts récents visant à inscrire l’histoire des missions jésuites dans une perspective globale. L’auteur soutient que les missions brésiliennes et canadiennes, quoique fondées à un siècle d’intervalle, témoignent d’une « continuité absolue » sur le plan des institutions missionnaires et des relations publiées, la circulation des savoirs au sein de l’ordre requérant une approche comparative. Vincent Masse clôt la première partie de l’ouvrage avec un essai fascinant sur « Les “sept hommes sauvages” de 1509 : fortune éditoriale de la première séquelle imprimée des contacts franco-amérindiens ». L’auteur étudie les multiples itérations du récit de cette première rencontre entre Européens et Amérindiens en sol français comme une rumeur au jeu du téléphone. La seconde partie de l’ouvrage, « Comment rééditer un texte de la Nouvelle-France ? Choix éditoriaux et méthodologiques » commence avec « Éditer la Nouvelle-France en images : le cas de l’ornithologie du Codex canadensis », où Francois-Marc Gagnon ajoute ses couleurs au livre. L’auteur souligne que le style des croquis en noir et blanc du naturaliste Louis Nicolas …