Comptes rendus

Desrosiers-Lauzon, Godefroy, Florida’s Snowbirds. Spectacle, Mobility and Community Since 1945 (Montréal/Kingston, McGill-Queen’s Press, 2011) 376 p.[Record]

  • Anne Gilbert

…more information

  • Anne Gilbert
    Département de géographie/CRCCF, Université d’Ottawa

Chaque année, alors que le mercure descend sous le point de congélation, des milliers de résidents du nord des États-Unis et du Canada prennent la route du Sud. Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la Floride a été de loin la destination principale de générations de « snowbirds ». Ni migrants ni tout à fait touristes, ces « snowbirds » – expression que nous hésitons à traduire pour ne pas lui faire perdre sa force d’évocation – ont construit en Floride un genre de vie bien particulier, « à la rencontre entre différentes cultures et traditions et partagé entre hébergement temporaire et résidences permanentes, loisirs et travail, Nord et Sud » (p. x, traduction libre). Godefroy Desrosiers-Lauzon a fort bien documenté leur expérience, s’appuyant sur des sources multiples : recensements, données sur le tourisme et le passage de la frontière canado-américaine, statistiques sur l’hébergement, analyses du marché immobilier, politiques et programmes gouvernementaux, documentation municipale. Les journaux lui ont aussi été d’un précieux concours, comme lieu de discussion des enjeux du développement d’une industrie devenue le fer de lance de l’économie de l’État et des tensions qu’elle suscite parfois entre les migrants et touristes d’hier, devenus aujourd’hui résidents et les nouveaux venus. La compilation de ces différents matériaux constitue un travail d’érudition colossal. Godefroy Desrosiers-Lauzon nous offre un portrait très fouillé de ce lieu mythique qu’est devenue la Floride pour les Canadiens et autres Nord-Américains. Il le décrit sous l’angle de ceux qui parmi eux s’envolent vers le sud – au sens propre et figuré – afin d’échapper à l’hiver et à l’isolement auquel il confine souvent. Ces « snowbirds » ont forgé une relation bien particulière avec la Floride, entre rêve et réalité. S’appuyant sur une base théorique solide croisant mobilité, sens des lieux, appartenances et identités, l’auteur tente de comprendre cette relation dans toute sa complexité. Dans ce but, il refait avec eux le voyage, depuis leurs représentations ambivalentes du Nord qui, s’il les repousse, leur confère en même temps une grande fierté, jusqu’à leurs pratiques quotidiennes dans le Sud et l’effet de leur présence sur la population locale. Son ouvrage est d’ailleurs organisé selon un tel itinéraire (p VIII). Les trois éléments du sous-titre – spectacle, mobilité et communauté – en sont les thèmes structurants. Nous les reprenons pour faire une brève présentation du contenu de l’ouvrage. Spectacle. Le premier chapitre du livre s’ouvre sur une proposition forte : il y aurait plus que le climat, voire la plage, pour expliquer un tel engouement pour « the Sunshine State ». Pour que touristes et migrants s’y aventurent aussi nombreux, c’est que le lieu est nimbé d’un mythe qui n’est pas sans rappeler l’Éden de la Bible, avec ses jardins luxuriants et sa vie harmonieuse, évoluant sous l’oeil bienfaisant du Créateur. On se représente aussi la Floride comme un haut lieu de la fête, du spectacle, qui transcende la banalité et le caractère routinier du quotidien. Autour de cette double représentation se serait construite une utopie d’un genre de vie particulier à la Floride, qui n’aurait aucun équivalent ailleurs. Cette thèse, qui fait écho à la littérature sur la mobilité liée au genre de vie, est des plus intéressantes. On aurait souhaité que Godefroy Desrosiers-Lauzon l’explore plus à fond. Au-delà de l’analyse des outils de promotion touristique utilisés par le gouvernement de la Floride ou autre acteur local depuis les années 1950, leur réception par les touristes et migrants aurait gagné à être explorée. Mais il aurait fallu à l’historien qu’il s’improvise ethnologue, voire littéraire, ce qui l’aurait éloigné de son but premier, celui de documenter un …