Comptes rendus

Flamand-Hubert, Maude, Louis Bertrand à L’Isle-Verte : Propriété foncière et exploitation des ressources, 1811-1871 (Québec, Les Presses de l’Université du Québec, 2012), 176 p.[Record]

  • Jack I. Little

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  • Jack I. Little
    Département d’histoire, Simon Fraser University

Ce court volume fournit un exemple de ce que l’historienne américaine Alice Kessler-Harris (« Why Biography ? », American Historical Review, 114, no 3). nomme une antibiographie. Dans ses mots, « Rather than offering history as background, or introducing it in order to locate an individual in time », l’antibiographie demande « how the individual life helps us to make sense of a piece of the historical process ». Cependant, loin de refléter le tournant culturel qui a mené à une renaissance des biographies historiques, le livre de Maude Flamand-Hubert, Louis Bertrand à L’Isle-Verte, demeure strictement un exercice d’histoire sociale. N’ayant pas de journaux intimes, de Mémoires, de recueils de correspondances ou même de registres commerciaux à sa disposition, l’auteure s’est fiée presque exclusivement aux données notariales et aux récits paroissiaux. Conséquemment, nous ne découvrons presque rien de la carrière politique de Louis Bertrand comme maire et député provincial ou de son rôle d’officier de la milice, et très peu sur le commerce du bois qui semble avoir été une clé de son succès financier. Par contre, une foule de renseignements nous sont transmis sur ses nombreuses transactions immobilières notées dans 561 documents notariés. Par ailleurs, l’auteure intègre une dimension humaine avec des légendes locales dont les points de vue divergent quant à l’intégrité et à la sphère d’influence de Louis Bertrand. En résumé, l’étude ouvre une fenêtre intéressante sur la mentalité d’un entrepreneur issu d’un milieu modeste, qui acquiert une grande seigneurie à une époque où le capitalisme gagne du terrain dans les milieux ruraux. Cette étude semble tirer ses origines de la restauration du manoir Bertrand, une assez vaste maison que l’Université du Québec à Rimouski a achetée en 2005. Aujourd’hui un site historique officiel, cette bâtisse a jadis servi de bureau de poste, de magasin et de résidence à la famille Bertrand. Né à Québec, le jeune Bertrand arrive à L’Isle-Verte en 1811. Il acquiert rapidement des permis pour l’exploitation de moulins et l’achat de terres à l’intérieur des limites de la seigneurie jusqu’à ce qu’il en devienne propriétaire en 1849, pour ensuite en faire don à son aîné, Charles, qui tiendra le rôle principal dans l’industrialisation de L’Isle-Verte. L’histoire de Charles ne fait pas partie de cette étude qui va de 1850 à la mort de Louis Bertrand en 1871. Cette recherche examine plutôt la stratégie que ce dernier a utilisée pour diviser ses propriétés entre ses quatre fils, stratégie qui a d’ailleurs requis cinquante-trois documents notariés, un nombre remarquable en soi. L’auteure n’aborde pas l’impact de l’abolition du système seigneurial en 1854, mais nous pouvons présumer que cela a augmenté la valeur des nombreux biens fonciers de Louis Bertrand puisqu’il a alors été dégagé de l’obligation d’en accorder une partie à ses censitaires. Une des deux légendes contradictoires sur la montée en importance de Louis Bertrand à L’Isle-Verte prétend qu’il aurait tiré avantage de l’hospitalité de Barthélémy Côté dont l’ancêtre roturier avait acquis la seigneurie du noble qui en était le concessionnaire en 1711. Quoi qu’il en soit, la seigneurie est mûre pour la cueillette, car elle compte peu d’habitants et les membres de la famille Côté, dont la plupart sont illettrés, y ont reçu un certain nombre de fiefs. Après avoir payé comptant pour huit de ces fiefs entre 1816 et 1819, Louis Bertrand signe un bail de vingt-neuf ans pour la plus grande partie de la seigneurie (24 402 arpents) en échange d’un loyer annuel de seulement quatre livres dix shillings plus quarante minots de blé. Même si Barthélémy Côté se réserve le banc seigneurial à l’église paroissiale, aucun mariage …