Comptes rendus

THIFAULT, Marie-Claude (dir.), L’incontournable caste des femmes. Histoire des services de santé au Québec et au Canada (Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2012), 372 p.[Record]

  • Benoit Gaumer

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  • Benoit Gaumer
    Université de Montréal

Quelle belle couverture pour ce livre ! Comme elles sont séduisantes et séductrices ces quatre infirmières à bicyclette. Heureux les militaires qui ont bénéficié de leurs soins ! On s’attendait cependant à ce que ce paysage soit celui de la plaine du Saint-Laurent. C’est toujours difficile d’analyser et de rendre compte d’un livre à plusieurs auteurs, même lorsque la directrice de cette publication des Presses de l’Université d’Ottawa nous indique le fil rouge conducteur. Elle nous explique également, en introduction comme dans sa conclusion, le mystère du titre principal, plutôt intrigant : L’incontournable caste des femmes. À prime abord, l’expression serait péjorative : « Groupe social qui se distingue par des privilèges particuliers, un esprit d’exclusive à l’égard des autres. » En réalité l’esprit du livre serait à rechercher plutôt dans le second sens : « Groupe social héréditaire et endogame, composé d’individus exerçant généralement une activité commune, surtout professionnelle, caractéristique de la société indienne » ou le troisième : « Ensemble des individus adultes assurant les mêmes fonctions (les soldats chez les termites, les ouvrières chez les abeilles), chez les insectes sociaux. » Pas facile de choisir entre les trois sens pour synthétiser ce livre écrit à vingt-huit mains ! Le contenu des 13 chapitres est structuré en quatre parties balayant quasiment chronologiquement l’évolution de l’engagement social ou professionnel de cet « incontournable caste des femmes », de la philanthropie du XIXe siècle au militantisme politique de la dernière partie du XXe, en passant par les étapes de « pionnières en soins infirmiers » et de « professionnelles de la santé ». Comme l’écrit Marie-Claude Thifault dans son introduction, en réponse à la colère de Micheline Dumont, ce livre vise à « inscrire de façon significative le sujet “femmes” dans le large champ des soins de santé au Québec et au Canada ». Le projet est réussi. Il n’est pas indifférent non plus que ce livre soit édité à Ottawa dans une université accordant aux deux langues officielles la place qui leur revient, puisqu’il vise à briser la solitude entre les deux mondes anglophone et francophone, plus souvent décrit à Montréal. Là encore le but est atteint. Les traductions françaises des textes anglais sont remarquables de qualité, comme c’est le cas du texte de Janice Harvey « Des femmes anglo-protestantes s’attaquent aux questions sanitaires. Les multiples facettes des soins de santé à Montréal au XIXe siècle et au début du XXe », ou de celui de Jayne Elliott dressant la biographie remarquable de Louise de Kiriline, infirmière migrante dans le Nord de l’Ontario. Le premier texte apporte à ceux et celles qui s’intéressent aux questions sanitaires à Montréal au tournant des XIXe et XXe siècles un regard d’anglophone enrichissant les nombreux travaux francophones sur cette période. Le second texte contribue à réhabiliter le genre de la biographie individuelle, trop longtemps abandonné par les historiens professionnels. On attend avec impatience la suite du récit de cette vie lorsque l’ensemble du corpus de lettres échangées entre la fille en Ontario et la mère en Suède aura été traduit. L’auteure a aussi le mérite de ne pas abuser des notes en bas de page, ce qui convient bien si l’objectif du livre est d’atteindre un public cultivé francophone et non de servir de manuel universitaire d’enseignement ou de recension des écrits pour les nouveaux chercheurs. Tous les auteurs n’ont pas la même parcimonie, toutefois. À la page 160, par exemple, une des notes du livre occupe la moitié de la page et le texte lui-même à peine un quart. Deux autres textes traduits en …