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La mise en valeur du Vieux-Montréal a depuis longtemps acquis ses lettres de noblesse. Au fil des quatre dernières décennies, le grand public a eu tout le loisir d’explorer les mille et unes facettes de l’histoire de cette ville aux visages et aux ancêtres multiples. Le « site Internet officiel du Vieux-Montréal » est un autre chaînon de cette colossale entreprise où est ravivée la mémoire des lieux archéologiques ou historiques. C’est une excellente initiative dont plusieurs autres villes canadiennes pourraient s’enorgueillir, à condition que les objectifs soient clairs pour tous. Ce qui n’est pas exactement le cas avec ce site fort bien documenté et fruit d’un très long labeur entre plusieurs intervenants du milieu patri-monial québécois.

La page d’accueil de ce « site officiel », propriété de la Ville de Montréal et hébergé par celle-ci[1], vous amène rapidement dans ses quatre sections qui sont autant de sous-sites, avec des clientèles et des objectifs distincts. Trois de ces sections sont des ensembles de sites avec des buts fort différents. Certains s’adressent aux touristes, d’autres à des experts en hôtellerie ou à des chercheurs. Bref, l’internaute se trouve devant un portail qui n’en est pas vraiment un et dont les objectifs d’ensemble ne sont pas définis, si ce n’est que ce qu’il est possible de déduire à partir des mots titres des sous-sites. Dans ce fourre-tout touristico-éducatif, j’ai retenu le sous-site « Connaître. Le patrimoine en détail. Base de connaissances[2] », collaboration entre le ministère de la Culture et des Communications du Québec, la Société du développement de Montréal et les services de la Culture de l’urbanisme de la Ville de Montréal ; tous des partenaires qui ont depuis longtemps l’habitude de collaborer sur des projets de mise en valeur du patrimoine.

Ce site, qui semble régulièrement mis à jour[3], s’articule autour de la présence du bâti dans le Vieux-Montréal. Dans la section « Hall », l’internaute a trois choix de navigation : a) trouver le sujet d’intérêt par le moteur de recherche (section Recherche) ; b) cliquer sur une carte géographique divisée par secteurs (section Lieux) ; c) choisir une période historique de la section « Périodes et Années ». Quel que soit le chemin emprunté, il aura tout le loisir d’explorer l’histoire du Vieux-Montréal et ses attraits physiques. Le moteur de recherche comporte cinq catégories : Personnage, Bâtiments, Événements, Art public, Rues & Places, Documents. Une présélection de sous-catégories avec menu déroulant facilite la tâche de celui qui connaît déjà l’objet de sa recherche. Pour une navigation plus intuitive, l’usager devra s’y reprendre à quelques reprises avant de comprendre l’arborescence du site ; cela est en partie dû à la disposition irrégulière des sous-menus. (Certains de ces sous-menus apparaissent au milieu d’une page texte et laissent croire qu’il s’agit plutôt de liens hypertextes). Une fois cette structure comprise, le contenu se révèle d’une très grande richesse.

L’exploration par la carte géographique entraîne l’internaute à découvrir les bâtiments en fonction de leur occupation au sol. Chaque bâtiment répertorié comprend une fiche technique avec le nom de tous les propriétaires jusqu’à ce jour ; une ou plusieurs illustrations et des liens avec cinq catégories et avec un glossaire. Les sections « Périodes et Années[4] » sont certainement celles qui satisferont le plus le « chercheur linéaire », avec un sous-menu offrant, pour chaque période, une chronologie des événements, une synthèse historique ainsi qu’une liste de personnages marquants. Sur la page annonçant la période se trouvent de brèves listes avec des liens hypertextes menant aux éléments des cinq catégories. Les synthèses historiques de la section « Période[5] » offrent des survols adéquats de ces périodes développées par des spécialistes du patrimoine. Chacune de ces six synthèses se termine par un paragraphe traitant d’un ou de plusieurs traits physiques du patrimoine montréalais. Les auteurs ont parfois négligé quelques détails dans les descriptions fournies, oubliant, par exemple, d’expliquer pourquoi Montréal devient une « Cité » (avec majuscule), alors qu’auparavant ils utilisent le terme de « ville ». Si le choix du découpage chronologique de chaque période reflète les problématiques de l’histoire culturelle, on ne peut déceler aussi aisément les intentions qui sous-tendent un autre ordre chronologique de sept années — 1642, 1681, 1725, 1781, 1849, 1873 et 1915 — juxtaposé au premier. Le choix de ces dates et les courts textes les accompagnant n’ajoutent rien de plus à la trame narrative des synthèses. Ils révèlent davantage l’arbitraire de la sélection où, à titre d’exemple, on omet 1760 mais on retient 1849 en précisant que « Cette année-là marque tragiquement la fin du parlement canadien à Montréal[6] ». Ces derniers textes sont en soi très pertinents, mais ils s’inscrivent en porte-à-faux des synthèses et révèlent la faiblesse de la grille théorique de base de cette section.

Cela dit, la somme de renseignements disponibles sur ce site est phénoménale. On ne peut que louanger de telles initiatives qui rendent publiques une si vaste quantité d’informations, extrêmement bien fouillées et préparées par un grand nombre d’experts. Sachant ce que représente la production de tels sites Internet, je trouve ce site remarquable. Les réalisateurs ont su combiner plusieurs documents déjà existants (avec les références à l’appui) et créer les liens nécessaires pour s’initier à l’histoire du Vieux-Montréal, selon les intentions non dites des spécialistes de la mise en valeur du patrimoine. Dans cette perspective, les intervenants ont tiré profit de nombreuses ressources en place et fait le pont entre l’archéologie, l’histoire et les activités contemporaines de commémoration. Le fait d’inscrire la collection d’oeuvres d’art dans les choix d’exploration (les cinq catégories) est une manière très habile de faire réfléchir l’internaute sur les constants retours entre l’histoire et le désir de commémorer.