Comptes rendus

Cook, Sharon Ann, Sex, Lies and Cigarettes. Canadian Women, Smoking and Visual Culture, 1880-2000 (Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2012), 418 p.[Record]

  • Marie-Thérèse Lacourse

…more information

  • Marie-Thérèse Lacourse
    Département de sociologie, Cégep Garneau

Un ambitieux projet de recherche a conduit à la publication en 2012 de l’ouvrage Sex, Lies and Cigarettes par la professeure Sharon Ann Cook de la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa. Le point de départ de l’étude réside dans le constat d’un taux de prévalence élevé du tabagisme chez les jeunes Canadiennes. « [T]he highest rates of smoking of any group in the Canadian population is by women aged eighteen to twenty-four » (p. 3). Aussi, la cessation du tabagisme s’effectue plus lentement pour les jeunes femmes de ce groupe d’âge. Ces données conduisent Sharon Ann Cook à formuler la question suivante : « [H]ow can we explain self-destructive behavior ? » (p. 3) Dans son étude, Cook documente l’histoire du tabagisme féminin au Canada, de la fin du XIXe siècle jusqu’à la fin du XXe siècle. Une histoire marquée par la mise en scène que feront les compagnies de tabac de l’identité féminine à travers la cigarette. En effet, durant cette période, les femmes devinrent une cible importante des cigarettières pour la consommation du tabac. Rappelons que l’histoire sur l’usage culturel et social du tabac a déjà été explorée, notamment par Jarret Rudy du Département d’histoire de l’Université McGill, dans l’ouvrage The Freedom to Smoke (2005), dans lequel il décrit l’introduction de la cigarette à Montréal au début du XXe siècle. Sharon Ann Cook embrasse plus large et plus spécifique, couvrant plus d’un siècle d’activités publicitaires des cigarettières, de matériel iconographique varié et de journaux intimes ou collectifs de particuliers et de groupes d’étudiantes et de travailleuses. Sa recherche est basée essentiellement sur des sources visuelles qui illustrent les relations entre les femmes et la cigarette. En effectuant une analyse de contenu de l’iconographie d’époque, l’auteure veut faire la démonstration d’une construction sociale de la fumeuse en un sex-symbol. « From the earliest cigarette advertisements about and for women smokers, smoking has been promoted as a sexually alluring act by women. [...] [t]he woman who smoke is sexy-and powerful » (p. 174). Mise en image, la jeune femme qui fume répond toujours aux standards bourgeois de beauté féminine. Le plus souvent, elle est illustrée dans une position qui suggère une attirance sexuelle déguisée. Elle a le pouvoir de séduire les hommes. Une autre image d’Épinal est observée par Cook : celle d’une jeune femme indépendante, sophistiquée, déterminée. Au moment de la Deuxième Guerre mondiale, ce sera ainsi le modèle de la travailleuse salariée dans une usine de munitions qui prendra le relais. Puis, dans la décennie 1970, au cours de la deuxième vague féministe, fumer permet d’accéder à une forme de libération politique, culturelle et sexuelle. La chanteuse canadienne Joni Mitchell, icône de la contre-culture au Canada et artiste féministe engagée, a consommé sa première cigarette à l’âge de neuf ans. Mitchell s’est toujours représentée dans son matériel publicitaire avec une cigarette tenue à la main. Selon l’analyse qu’effectue Sharon Ann Cook, il ne fait pas de doute que les femmes n’ont pas été que des victimes des compagnies de tabac. Sa prémisse suggère qu’elles ont participé à forger le stéréotype identitaire de la fumeuse véhiculé dans l’iconographie : « Women took an active role in shaping smoking’s meanings, thus contributing to the smoking woman’s identity » (p. 21). Cette image s’est retrouvée sur les emballages des boîtes de cigares et les paquets de cigarettes, sur les panneaux publicitaires, dans les pages des revues féminines telles Chatelaine. Elle a été utilisée pour vanter les mérites de la cigarette en tant qu’atout dans la vie sociale et économique, les activités sportives et de loisir et …