Comptes rendus

Guilbert, Lucille (dir.), Mouvements associatifs dans la francophonie nord-américaine (Québec, Les Presses de l’Université Laval, coll. « Culture française d’Amérique », 2012), 257 p.[Record]

  • François-Olivier Dorais

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  • François-Olivier Dorais
    Département d’histoire, Université de Montréal

Fruit d’un Séminaire de la Chaire pour le développement de la recherche sur la culture d’expression française en Amérique du Nord (CEFAN) organisé à l’Université Laval en 2009, cet ouvrage réunit les textes de seize auteurs en provenance d’une variété de disciplines, d’expertises de terrain et de pratiques sociales portant sur les mouvements associatifs et leur rôle dans « la vitalité, l’évolution et le rayonnement de la culture d’expression française dans les collectivités plurielles de l’Amérique du Nord » (p. 1). Ainsi, il nous convie à une réflexion sur la vie démocratique et sociopolitique de la francophonie nord-américaine, thématique trop souvent ravalée au rang secondaire dans la prise en compte de ses enjeux identitaires et juridico-institutionnels. Dans la présentation, la directrice de l’ouvrage Lucille Guilbert retient une « conception large » du mouvement associatif « allant des associations et des organismes institués et mandatés officiellement aux réseaux plus informels ». Son analyse « vise l’identification des modalités d’expressions des appartenances multiples à travers les relations entre l’individu citoyen, l’action collective et l’intervention sociale » (p. 2). La francophonie y est pour sa part envisagée dans sa dispersion nord-américaine (de l’Alberta en passant par la Californie, l’Ontario, le Québec et jusqu’au Nouveau-Brunswick), à l’aune de ses identités multiples et comme étant en évolution dans « un mouvement de mondialisation, voire de planétarisation plutôt que seulement d’internationalisation » (p. 9). Une conception aussi élargie de l’objet « francophonie » a pour indéniable qualité de permettre le rassemblement d’une pluralité de vécus et d’expériences. Elle a peut-être toutefois le défaut de sa propre évanescence, qui abstrait ledit objet de toute historicité et gomme la possibilité de situer son analyse dans un lieu de sens particulier et significatif. Les trois premiers textes abordent la question du rôle du politique dans la formation et le fonctionnement de la vie associative. Louis Favreau se penche sur l’évolution des pratiques d’action communautaire et du développement socio-économique à l’échelle locale comme nouveau mode de régulation politique et démocratique dans le Québec des dernières décennies. Selon lui, face à la crise de l’emploi, l’affaiblissement de l’État social et des services collectifs, la société québécoise aurait réussi à développer « une capacité propre de répondre à l’offensive néolibérale par ses dispositifs de médiation entre les initiatives locales et les pouvoirs publics » (p. 26). Cela dit, la réingénierie étatique inaugurée par le gouvernement libéral québécois depuis 2003 poserait une sévère menace à l’héritage du « Québec social » qui serait depuis « entré dans une phase plus réactive plutôt que proactive » (p. 35). L’étude qui suit du politologue Christophe Traisnel examine, dans une perspective comparée principalement axée sur l’Acadie et le Québec, le cas des groupes et acteurs militants d’aspiration « francophoniste » en insistant sur leur travail politique de fabrication identitaire. On retrouve ensuite un texte plutôt descriptif du sociologue Donald Dennie dans lequel il retrace l’histoire du mouvement associatif francophone comme vecteur de politisation en Ontario de 1850 à aujourd’hui. Claudine Chalmers poursuit sur un autre registre en présentant un historique de l’essor des contingents français à San Francisco depuis l’époque de la ruée vers l’or du milieu du XIXe siècle jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. L’article, qui tient lui aussi davantage de la description que de l’analyse, relate le développement des premiers réseaux associatifs français dans la ville et leur évolution à travers le temps au gré de l’intensification et de la diversification des flux migratoires. La chercheure Diane Farmer adopte pour sa part une perspective alliant l’ethnographie à la sociologie pour revisiter le cas historique du développement des centres culturels francophones en Ontario depuis …