Comptes rendus

Caron, Claudine, Léo-Pol Morin en concert (Montréal, Leméac, 2013), 249 p.[Record]

  • Marie-Thérèse Lefebvre

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  • Marie-Thérèse Lefebvre
    Université de Montréal

Si le nom de Léo-Pol Morin a été régulièrement évoqué dans diverses études littéraires grâce à son association au milieu artistique de l’époque (il est, entre autres, l’un des trois fondateurs en 1918 de la revue Le Nigog), aucune biographie ne lui avait encore été consacrée. Le mérite revient à une jeune musicologue, Claudine Caron, qui en a fait l’objet de sa thèse de doctorat à l’Université de Montréal en 2008. Pianiste de formation, elle s’intéresse à l’histoire de la vie musicale au Québec et en fait son principal terrain de recherche. Depuis 2012, elle coordonne la production des programmes de concerts présentés par la Fondation Arte Musica, au Musée des Beaux-Arts de Montréal. L’objectif poursuivi par l’auteure est de rectifier « une conception stéréotypée de la musique canadienne d’avant et d’après l’avènement de la musique contemporaine dans les années 1950 [pouvant] faire croire à une génération spontanée » (p. 11). Plutôt que de concevoir une rupture entre un avant et un après Refus Global (1948), l’auteure propose de démontrer la continuité historique. Pour atteindre cet objectif, elle présente une analyse du répertoire pianistique contemporain défendu par Morin entre 1908 et 1941 afin de répondre à la question : « en quoi la pensée de Morin est-elle originale et en quoi ses concerts s’inscrivent-ils dans l’histoire des idées au sein de la société québécoise ? » (p. 18). Divisé en quatre chapitres bien documentés, l’étude propose une chronologie de la vie professionnelle du pianiste suivie de deux annexes, l’une consacrée à la reconstitution de la musicothèque de Morin, « incomplète, puisque les partitions de plusieurs oeuvres qu’il a jouées en concert n’y figurent pas » (p. 231), et l’autre, aux partitions dédicacées. On aurait souhaité y retrouver plutôt l’inventaire de ces 211 concerts et 79 interventions radiophoniques que l’auteure a répertoriés dans sa thèse ainsi qu’un index, ce qui aurait permis de mieux suivre la carrière de Morin. Cela étant dit, cette recherche est présentée avec soin et précision. L’auteure aime manifestement son sujet et le communique par l’usage fréquent de qualificatifs qui parsèment le discours. Le projecteur se concentre sur le personnage tout en ouvrant la voie à des recherches complémentaires qui permettront de contextualiser davantage son action. Par exemple, si « son répertoire apparaît original en comparaison des programmes offerts par les autres pianistes » (p 218), encore faudra-t-il nommer ces derniers et évoquer leurs programmes pour mieux faire ressortir leur spécificité. Par ailleurs, et l’auteure le démontre, Morin a accompagné cette carrière de pianiste d’un discours soutenu de critiques musicales publiées dans plusieurs journaux montréalais, renforçant ainsi sa crédibilité auprès du public. L’auteure relève quelques critiques de Morin sur les pianistes (p. 117-121) et donne un aperçu du contenu du livre qu’il publie en 1930 sous le titre Papiers de musique. Ouvrant ainsi la recherche, elle montre l’intérêt de situer la pensée de Morin parmi celle des critiques musicaux de son temps. L’étude soulève aussi quelques questions dont celles reliées à son séjour en France et aux motifs de son retour au Canada. Dans le deuxième chapitre, l’auteure souligne « l’exil » de Morin en France entre 1919 et 1925, mais on peut se demander jusqu’à quel point il s’agit vraiment d’un exil tant il semble se sentir chez lui en ce pays. Ne dit-il pas en 1935 qu’il se considère « citoyen de Paris »  ? (p. 173) Ses fréquents voyages en Europe après son retour au Canada en août 1925 donnent plutôt l’impression qu’il fuit le Québec ou, à tout le moins, qu’il s’y sent beaucoup moins bien qu’en France. Dans ces circonstances, …