Comptes rendus

Martin, Jean, Un siècle d’oubli. Les Canadiens et la Première Guerre mondiale (1914-2014) (Outremont, Athéna éditions, 2014), 235 p.[Record]

  • Serge Bernier

…more information

  • Serge Bernier
    Professeur associé, Département d’histoire, UQAM

Dans huit brefs chapitres, Jean Martin traite de nombreux sujets liés au Canada dans la Grande Guerre. Il se penche d’abord sur les deux premiers contingents de volontaires, majoritairement composés d’hommes nés dans les îles Britanniques : seule exception, le corps des officiers où les Canadiens d’origine prédominent nettement. Il traite de façon originale et magistrale des chiffres connus, mais nous laisse un peu perplexe. Ainsi, suggérer que plusieurs de ces jeunes Britanniques se soient enrôlés en vue d’une guerre brève et de la possibilité de revoir leur famille à moindre coût ne nous surprend pas, un des slogans de recrutement disant : « Free ride to Europe ». Martin s’attache aussi à la présence des Canadiens français dans ces contingents initiaux. Il tripatouille des nombres qui l’ont été à maintes reprises, pour aboutir au fait que les Canadiens français sont sous-représentés, en général, mais qu’ils le sont un peu moins lorsque comparés aux Canadiens anglais nés au pays : dans ce contexte, la proportion des premiers atteindrait 16,7 %, mais probablement plus près de 20 % (p. 28). Le mot « probablement » est important car, tout comme Martin, ceux (dont le major Jean Pariseau) et celles (dont Elizabeth Armstrong) qui ont approché cette problématique sont arrivé(e)s à la même conclusion d’une sous-représentation des Canadiens français, avec des écarts de pourcentage plus ou moins importants faute de données probantes. En ce qui concerne la présence des francophones dans le Corps expéditionnaire canadien, vaut mieux lire le chapitre 8, où il mentionne, en plus, le nombre et la proportion des Canadiens français ayant résisté à leur incorporation, ne rapportant cependant rien de nouveau. Martin intéressera cependant le lecteur par sa présentation des autres zones, dans l’Empire britannique, y compris au Canada, où l’enrôlement et la conscription ne furent pas accueillis d’un enthousiasme débordant. Les chapitres 2 et 3 du livre sont consacrés à la bataille de Vimy. Depuis quelques années, Martin forme de jeunes guides canadien(ne)s du site de la bataille. Dans le chapitre 2, il s’attarde aux combats que les Français ont menés avant 1917 et qui ont permis aux Canadiens de s’installer au pied de la crête à prendre. Le chapitre 3, qui veut démontrer que les Canadiens ne se seraient pas lancés à l’assaut, le 9 avril 1917, dans une bourrasque de neige, comme on l’écrit partout, m’est apparu inutile. En effet, après avoir étudié plusieurs journaux de guerre, l’auteur constate que, sur une partie des kilomètres du front de Vimy, il a bel et bien neigé : de toute façon, le temps dans ces régions soumises à la météo de la côte Atlantique change rapidement, peut être différent à cent mètres de distance et, par temps froid et humide, passer de l’ondée à la neige et au soleil à quelques minutes d’intervalle. Le chapitre 4 tente de remettre en question la « canadianisation » du Corps expéditionnaire canadien des années 1917-1918, par rapport aux enrôlements des deux premières années de guerre. Encore ici, un beau jeu avec les nombres et les statistiques pour conclure que ces « chiffres posent bien davantage de questions qu’ils n’apportent de réponses » (p. 98). L’analyse statistique des pertes du CEC, entre 1915 et 1918 (chapitre 5) mène à des conclusions difficiles à ignorer de nos jours : augmentation des morts lors des grandes offensives ou le peu de décès dus aux gaz. Mais Martin pose une question surprenante : « que s’est-il passé exactement à la Seconde bataille d’Ypres ? » (p.126), interrogation résultant du nombre important de prisonniers canadiens faits par les Allemands en ce jour de leur …