J’ai sursauté, en parcourant la quatrième de couverture de cet ouvrage, de le voir présenté comme le « premier livre sur les pensionnats autochtones au Québec ». Moi qui ne suis pas spécialisé en études amérindiennes, j’en connais au moins deux autres, qu’une simple recherche dans Internet permet de retrouver facilement : de Daniel Tremblay, L’éveil des survivants : récits des abus sexuels dans les pensionnats amérindiens au Québec (Montréal, Michel Brûlé, 2008) et Gilles Ottawa, Les pensionnats indiens au Québec : un double regard (Québec, Cornac, 2010). Seul ce dernier est cité par l’auteur en introduction. (L’éditeur aurait pu par ailleurs nous faire grâce, en fin d’ouvrage, des six pages d’extraits de son catalogue, que personne ne lira, et qui empêchent le lecteur d’avoir un accès facile à la table des matières.) Disons-le d’emblée : cet ouvrage est précieux. Sur la question controversée des pensionnats indiens, il nous donne le point de vue des oblats de Marie-Immaculée, cette congrégation qui en eut la charge principale du côté catholique, à partir d’un dépouillement de leurs archives, maintenant conservées à Richelieu, où ont été transférées les Archives Deschâtelets en 2014. Il y a eu au Québec six pensionnats indiens : deux anglicans, à Fort George (1932) et La Tuque (1961), et quatre catholiques, à Fort George (1930), Sept-Îles (1952), Saint-Marc-de-Figuery (Amos, 1955) et Pointe-Bleue (Mashteuiatsh, 1960). On se limite ici aux pensionnats catholiques. Le plan de l’ouvrage est tout simple. Un premier chapitre, général, expose la politique des pensionnats et tente d’expliquer leur ouverture tardive au Québec par rapport au reste du Canada. Suivent quatre chapitres relatant l’histoire de chacun des pensionnats. La principale conclusion de cette recherche – et la démonstration est probante – c’est que l’initiative de la création des pensionnats indiens au Québec revient aux oblats, contre la volonté des autorités fédérales des Affaires indiennes qui, surtout à partir de 1951, auraient préféré intégrer les enfants indiens à des écoles publiques non confessionnelles. Contre cette politique, les autorités oblates du Québec exercent des pressions politiques, notamment auprès du premier ministre Louis St-Laurent (1948-1957), pour obtenir l’ouverture de trois pensionnats indiens à Sept-Îles, Amos et Pointe-Bleue. Quelle était leur philosophie profonde derrière ce désir ? Pour eux, il est essentiel de séparer les enfants indiens des blancs, pour les préserver de la modernité, conserver leur mode de vie traditionnel et les maintenir dans le giron de la religion, l’évangélisation des Indiens étant le but premier des missionnaires. Ces derniers apprennent d’ailleurs les langues amérindiennes et promeuvent l’enseignement de la religion en langue autochtone, de telle sorte que les enfants puissent éventuellement influencer les parents. Goulet est donc surpris de voir qu’on reproche aux pensionnats d’avoir interdit aux enfants de parler leur langue entre eux : il y a là pour lui des témoignages contradictoires. Une partie de la réponse se trouve peut-être dans la présence de religieuses : ce sont elles qui assuraient l’enseignement et, elles, ne connaissaient pas les langues indiennes. Mais le livre s’attarde peu sur leur action – même si c’est une soeur grise de la Croix qu’on aperçoit sur la photo de couverture, malheureusement non identifiée. Ce n’est pas que l’auteur n’ait pas tenté de voir ces archives : seules les soeurs de Saint-François d’Assise, qui ont oeuvré à Saint-Marc-de-Figuery, ont donné accès aux leurs ; les soeurs du Bon-Conseil de Chicoutimi (Pointe-Bleue) et celles de Notre-Dame Auxiliatrice de Rouyn (Sept-Îles), de même que l’évêché de Chicoutimi, ont prétendu qu’ils n’avaient aucun document relatif à ces pensionnats, ce qui est soit un pieux mensonge, soit une grave irresponsabilité dans la conservation du patrimoine archivistique. Ajoutons …
Goulet, Henri, Histoire des pensionnats indiens catholiques au Québec : le rôle déterminant des pères oblats (Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2016), 215 p.[Record]
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Guy Laperrière
Professeur retraité, Département d’histoire, Université de Sherbrooke