Dossier thématique

Texte d’introduction au dossier « L’Atlantique français et ses frontières : résistances, circulations, savoirs »[Record]

  • Jean-Pierre Le Glaunec,
  • Carolyn Fick and
  • François Furstenberg

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  • Jean-Pierre Le Glaunec
    Université de Sherbrooke

  • Carolyn Fick
    Université Concordia

  • François Furstenberg
    Université Johns Hopkins

À l’origine de ce dossier est l’atelier « Les résistances à l’esclavage dans le monde atlantique français à l’ère des Révolutions – 1750-1850 » organisé par le Groupe d’histoire de l’Atlantique français en collaboration avec le Haiti Lab (Duke University) et le Centre international de recherches sur les esclavages (CNRS). Tenu à Montréal en 2013, l’atelier réunissait une quinzaine de chercheurs venant d’Amérique du Nord, d’Angleterre et de France, tous reconnus pour leur expertise dans le champ des résistances à l’esclavage dans l’Atlantique français et l’océan Indien, aux XVIIIe et XIXe siècles. L’objectif premier était de faire le point sur une historiographie souvent mal connue à l’extérieur du monde des spécialistes francophones, d’en situer l’évolution et de comprendre les raisons de son développement relativement limité comparé aux travaux portant, notamment, sur les sociétés esclavagistes anglophones. On cherchait à savoir comment et avec quels motifs les esclaves résistaient dans le monde atlantique français entre le milieu des années 1750 et l’abolition définitive de l’esclavage en 1848 ? Comment les autorités cherchaient-elles à contrôler et à endiguer leurs actes de résistance, à quadriller et à surveiller les espaces marginaux, ruraux et urbains, de leur société respective ? Quel impact avaient les diverses formes de marronnage (nom donné à la fuite d’un esclave) à l’ère des Révolutions ? Quels types de solidarités (ethnique, de genre, de classe, etc.) les hommes et femmes esclavisés déployaient-ils pour faire entendre leur voix ou pour contester un aspect de leur existence ? Quel rôle avaient des résistances culturelles comme la danse, la musique, les pratiques vestimentaires ou encore les performances corporelles ? La variété des questions abordées par les participants reflétait la multiplicité des situations possibles, influencées par des facteurs de nature diverse, internes ou externes, comme l’intensité des migrations d’esclaves, la topographie, les conflits impériaux, les ratios hommes/femmes, Créoles/Africains, et tant d’autres. Un autre aspect important de l’atelier portait sur le rôle que les humanités numériques ont – et pourraient avoir – dans le renouvellement des questionnements et des pratiques des historiens du monde atlantique français dans l’écriture des résistances d’esclaves. De cet atelier est né le présent dossier, qui met en dialogue trois auteurs : Jean-Pierre Le Glaunec, Sue Peabody et François Dominic Larramée. Jean-Pierre Le Glaunec montre, dans un premier temps, que l’objet « résistance à l’esclavage » n’occupe pas la juste place qui lui revient dans l’historiographie française. Alors que la question n’a pas cessé d’être étudiée dans l’historiographie anglo-saxonne depuis les années 1960 (malgré les appels récents de certains historiens à plus de nuance, étant donné le rapport de force inégal inhérent à toute société esclavagiste), l’auteur est frappé par la rareté (et la marginalité) des travaux en France et par la perspective typologique généralement adoptée pour en parler, comme si les esclaves « résistants » devaient se contenter de rôles de figurants et leurs actions se réduire à des catégories à classer. L’auteur propose certaines pistes d’explication pour rendre compte de ce phénomène historiographique, parmi lesquelles sont le contraste entre le contexte politique et social en France dans les années 1960 et celui qui voit l’émergence des études noires aux États-Unis et la mise en place d’une historiographie de la résistance à l’esclavage ; l’émergence de l’autonomisme et de l’indépendantisme dans les Antilles françaises et la Réunion ; la marginalisation géographique et institutionnelle des auteur-e-s ; ou encore la place prépondérante dans l’historiographie du marronnage (en Haïti par exemple) au détriment d’autres formes de résistance peut-être moins visibles et spectaculaires. Il fait état, en conclusion, d’un tournant récent (datant des années 1990) porté par des chercheur-e-s dont l’objectif est …

Appendices