Comptes rendus

Bédard, Éric, Survivance. Histoire et mémoire du XIXe siècle canadien-français (Montréal, Boréal, 2017), 240 p.[Record]

  • Patrick Noël

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  • Patrick Noël
    Faculté des Arts, Université de Saint-Boniface

Cet essai comprend onze chapitres : neuf d’entre eux sont des textes préalablement publiés et deux sont des inédits. Tous gravitent autour de ce que l’auteur nomme « l’histoire du XIXe siècle canadien-français », qui correspond surtout à la période suivant l’échec des Rébellions de 1837 et 1838 et à l’adoption de l’Acte d’Union de 1840 – période que l’auteur associe, à la suite de bien d’autres, à la notion de survivance. Le principal apport de cet essai est de proposer une nouvelle façon de penser et de concevoir cette « survivance », comme thème et comme outil heuristique pour interpréter l’histoire du Canada français au lendemain de 1840. Sans être à proprement parler un texte introductif ou de présentation dont on regrette l’absence – nous y reviendrons –, le premier chapitre dresse un intéressant état de la question des rébellions et de la période les ayant immédiatement suivies. Aussi, est-il le seul texte qui aborde un tant soit peu la question de la mémoire de cette période – nous y reviendrons. Les chapitres 2, 3 et 10 sont des textes que l’on pourrait qualifier d’historiographiques. Le chapitre 2 se propose d’enrichir l’analyse historiographique à l’aide de la notion de « sensibilité ». Bien au fait des thèses narrativistes en philosophie de l’histoire, qui ne sauraient cependant se réduire à celles de White ou de Ricoeur, Bédard soutient que l’historiographe ne saurait se contenter d’examiner les sources étudiées ou de relever les biais idéologiques des historiens. Elle doit aussi étudier « le langage des historiens, les mots qu’ils utilisent pour défendre une thèse » (p. 33), ce que Jacques Rancière et Philippe Carrard nomment la poétique du savoir historique. L’auteur illustre la pertinence de cette approche en examinant l’historiographie québécoise sur F.-X. Garneau et sur « la “génération” des années 1840 » (p. 39). Dans le chapitre 3, l’auteur nous montre comment il a mené, au cours de ses études doctorales, l’exercice de la « revue de l’historiographie » (p. 47) du moment réformiste. Au lieu de traquer les erreurs de ses prédécesseurs, Bédard a identifié « un fil conducteur » (p. 49) ou une « ambition commune » (p. 50) qui permettrait de rendre intelligible cette historiographie, à savoir une « quête de refondation » nationale, constitutionnelle ou socio-économique (p. 49). Ces trois récits de fondations ont en commun de verser dans une « téléologie moderniste » (p. 68) qui occulte « toutes les virtualités que recèle le passé » (p. 71) et toute sa « contingence » (p. 72). Pour contourner les « pièges de la téléologie », Bédard voit trois pistes : découper l’histoire en moments, comparer ces moments et renouveler l’histoire du politique. Cette troisième piste est l’objet même du chapitre 10 de l’ouvrage. Dans ce chapitre, Bédard constate un « retour du politique » (p. 195) dans l’historiographie du XIXe siècle québécois à travers une analyse de trois ouvrages : M. Bellavance (2004), J.-M. Fecteau (2004) et L.-G. Harvey (2005). Le politique, conçu comme « ordre synthétique » (p. 197) selon l’expression de Rosanvallon, permet une « interprétation globale » (p. 196). Sur la base de ce constat, il soutient que la question du libéralisme demeure l’un des « débats fondamentaux » (p. 196) de l’historiographie québécoise. Puisque ce texte est paru pour la première fois en 2005, le lecteur est en droit de se demander quel chemin a parcouru l’histoire politique au Québec depuis. Le lecteur est tout autant en droit de craindre face à la valorisation du « point de vue théorique fort » et de « l’interprétation globale » (p. …