Comptes rendus

Fournier, Marcel (dir.), Les officiers des troupes de la Marine au Canada, 1683-1760 (Québec, Septentrion, 2017), 524 p.[Record]

  • Martin Poëti

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  • Martin Poëti, Ph.D.

Fruit de trois années de travail d’archivistes et de généalogistes ainsi que de la collaboration fructueuse de sept auteurs québécois et français, Les officiers des troupes de la Marine au Canada, 1683-1760 est un ouvrage incontournable de haute qualité qui saura ravir les plus passionnés d’histoire militaire de la Nouvelle-France. Alors que la première partie reconstitue l’histoire de ces officiers et analyse les rôles variés qu’ils ont assumés en terre d’Amérique, la seconde présente les notices biographiques des 895 officiers et cadets qui ont oeuvré au Canada où sont précisés notamment les lieux de naissance et de décès, les grades, les affectations et les unions matrimoniales. Ce livre approfondit et renouvelle les connaissances déjà précieuses acquises par l’historien Jay Cassel dans sa célèbre étude de 1987. Bertrand Fonck retrace l’histoire organisationnelle tumultueuse des troupes de la Marine, de leur fondation jusqu’à la Révolution. Dès 1674, Versailles décide de créer des troupes pour l’outre-mer dont la vocation première sera la défense des colonies dans les Antilles, puis en Guyane. En 1683, les premières compagnies franches de la Marine sont envoyées au Canada en réponse à la requête du gouverneur La Barre aux prises avec une recrudescence des attaques iroquoises. De 1683 à 1755, les troupes de la Marine constitueront les seules forces régulières de la colonie. Comme l’évoque Boris Lesueur, l’arrivée des troupes de la Marine en 1683 permit des expéditions en territoire iroquois, comme celles de 1684, 1687 et 1696, lesquelles ouvrirent la voie à la Grande Paix de Montréal de 1701. Ces officiers s’illustrèrent tout autant dans la petite guerre, c’est-à-dire la guerre des partis d’une grande souplesse et efficacité opérationnelles, où ils encadraient miliciens canadiens et guerriers autochtones, comme en témoignent les raids sur les villages de Corlar en 1690, Deerfield ou Haverhill en 1704 le long des frontières des colonies anglaises. L’expédition de Le Moyne d’Iberville en 1697 à Terre-Neuve ou la mise en échec du débarquement des 1500 soldats de Phips à Beauport du 18 au 22 octobre 1690 par les troupes commandées par Jacques Le Moyne de Sainte-Hélène rendent compte des qualités d’adaptation de ces officiers. Boris Lesueur souligne l’homogénéité du corps des officiers en rappelant qu’« en 1683, tous les officiers étaient Français. Puis le recrutement fut de plus en plus local. La moitié des officiers étaient nés au Canada vers 1720, et les trois quarts vers 1750. On a pu même observer que les officiers au Canada tendaient à tourner à la caste » (p. 54). Des dynasties de familles militaires canadiennes, telles les Le Gardeur, les Boucher et les Hertel, vouées à la défense des intérêts de la Couronne française et de la colonie nord-américaine, se constituèrent sur plusieurs générations. La Conquête entraîna des conséquences dramatiques sur le corps des officiers. Ainsi, « la perte du Canada s’acheva par une émigration massive des officiers des compagnies » (p. 81). Dans sa comparaison entre les officiers de l’armée en France et ceux de la Marine en Nouvelle-France, René Chartrand souligne que, contrairement à la situation hexagonale où les positions d’officiers étaient achetées, l’accès au corps des officiers au Canada et les promotions reposaient sur le mérite et les recommandations des supérieurs hiérarchiques. Cependant, selon cet auteur, l’une des contributions les plus importantes des officiers des troupes détachées au Canada est d’ordre doctrinal. Ces derniers ont élaboré la petite guerre distincte des moeurs européennes de l’époque, particulièrement efficace dans le contexte du théâtre d’opérations nord-américain : « … cette doctrine tient l’ennemi en respect durant au moins un demi-siècle, ce qui est exceptionnel dans les annales militaires » (p. 108). En l’absence d’académie …