Comptes rendus

Tremblay-Lamarche, Alex et Serge Jaumain (dir.), Les élites et le biculturalisme. Québec-Canada-Belgique XIXe-XXe siècles (Québec, Septentrion, 2017), 308 p.[Record]

  • Karine Pépin

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  • Karine Pépin
    Département d’histoire, Université de Sherbrooke

L’ouvrage collectif Les élites et le biculturalisme. Québec-Canada-Belgique XIXe-XXe siècles découle d’un colloque international organisé par le Centre d’Études nord-américaines (CENA) et tenu à l’Université Libre de Bruxelles en mai 2016. Les codirecteurs de cet ouvrage, Alex Tremblay-Lamarche et Serge Jaumain, s’inscrivent dans la continuité des collaborations entamées il y a quelques décennies entre divers chercheurs québécois et belges. S’inspirant notamment de l’étude de Claire Préaux portant sur les élites minoritaires à Anvers et Montréal, ils ont voulu approfondir la réflexion afin de mieux comprendre les comportements des élites canadiennes et belges sous l’angle du biculturalisme. Les élites étant elles-mêmes très diversifiées, une étude comparative entre le Canada et la Belgique permet donc de multiplier les regards sur les manières dont ces groupes privilégiés ont pu agir au sein de leurs sociétés respectives, marquées par la cohabitation de deux principales cultures. D’ailleurs, le biculturalisme canadien présentant à la fois des similitudes et des divergences avec celui de la Belgique, la comparaison s’avérait donc des plus prometteuses. À travers les dix contributions que contient ce collectif, on comprend bien que l’objectif est de montrer la complexité des rapports élitaires devant la diversité culturelle. Si certains articles comparent les élites belges et canadiennes entre elles, d’autres se concentrent sur l’un ou l’autre des deux espaces géographiques couverts. L’ouvrage s’interroge à savoir si la séparation entre les élites issues de milieux culturels différents est aussi marquée que ce que l’on a pensé ou s’il existe plutôt une forme de « solidarité des élites », le statut social l’emportant sur les différences linguistiques et culturelles (p. 15). Cette problématique est traitée de façon éclatée et diachronique en étudiant à la fois les attitudes des élites intellectuelles, religieuses, politiques, juridiques et commerciales qui évoluent dans des environnements différents, et ce, sur une période de deux siècles. L’ouvrage est divisé en trois parties, la première rassemblant quatre articles abordant la question des comportements élitaires devant le biculturalisme. Brian Young y traite de la capacité de Jean-Thomas Taschereau (1778-1832) d’utiliser à la fois les traditions juridiques françaises et britanniques selon ce qui lui convenait le mieux, montrant ainsi la cohabitation complexe de deux systèmes judiciaires au Bas-Canada. Els Witte, quant à elle, aborde les transformations des rapports de pouvoir lors de la Révolution belge de 1830. Dans le premier article de l’ouvrage qui compare la Belgique et le Canada, Matteo Sanfilippo montre l’attitude ambivalente du Vatican en lien avec les conflits linguistiques ainsi que ses difficultés à comprendre et à intervenir dans ces situations délicates afin d’assurer la pérennité du catholicisme. La question scolaire est ensuite étudiée par Guillaume Durou, qui explique comment les élites minoritaires belges et canadiennes (les Flamands et les francophones de l’Ontario) se sont respectivement mobilisées pour que les autorités réforment le système scolaire de façon à ce qu’elles reconnaissent plus justement la dualité culturelle et linguistique. En continuité avec la contribution de Guillaume Durou, la question des élites minoritaires constitue la thématique principale de la seconde partie, comprenant deux articles traitant exclusivement du Canada. En examinant le protestantisme évangélique dans les communautés rurales du Sud-ouest québécois, Catherine Hinault explique comment des franco-protestants de l’élite locale ont réussi à gravir les échelons sociaux, en gravitant, bien que fragilement, entre les élites franco-catholiques et anglo-protestantes. En portant son attention sur la couverture de la presse à l’égard des Juifs et de leurs politiciens au cours des années 1920 et 1930, Alexandre Dumas nuance, quant à lui, l’interprétation véhiculant l’idée d’un antisémitisme généralisé parmi la majorité franco-catholique. La dernière partie de l’ouvrage rassemble quatre textes ayant pour point commun les réactions des …