Comptes rendus

Mimeault, Mario, La pêche à la morue en Nouvelle-France (Québec, Septentrion, 2017), 441 p.[Record]

  • Alain Laberge

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  • Alain Laberge
    Département des sciences historiques/CIEQ, Université Laval

Le titre de ce livre laisse perplexe. Tel quel, il renvoie à une activité économique bien spécifique, mais dans un cadre ambivalent. S’agit-il de la Nouvelle-France comme période ? Cette pêche commerciale sera d’abord pratiquée par des Basques et des Français métropolitains avant de l’être également et en parallèle par des coloniaux. S’agit-il plutôt de la Nouvelle-France comme espace ou territoire ? Ladite pêche se déploiera sur un vaste front de mer allant de Terre-Neuve à la Gaspésie, en passant par la Côte-Nord, le Cap-Breton et la baie des Chaleurs. L’opacité du titre se résorbe quelque peu dans l’introduction quand l’auteur ramène le terrain d’observation au Canada, défini comme « la vallée laurentienne et les côtes du golfe du Saint-Laurent bordant l’actuelle province de Québec ». Pourquoi alors ne pas avoir choisi un intitulé du genre : La pêche canadienne à la morue en Nouvelle-France ? (à l’exemple de La pêche française en Amérique du Nord au XVIIIe siècle de Jean-François Brière, Fides, 1990). Ou, mieux encore, de manière à éliminer toute ambiguïté territoriale : La pêche à la morue au Canada sous le Régime français ? J’imagine qu’éditorialement parlant, la Nouvelle-France est meilleure vendeuse… Dans l’introduction, l’auteur formule de diverses manières les objectifs qu’il entend poursuivre. Entre « retracer les origines de cette activité […] et la mise en place de ses principaux rouages » (p. 11), ou encore « [s’arrêter] à la participation des habitants de la vallée laurentienne dans la mise en place et le développement de cette occupation » (p. 22), et l’intention « arrêtée » de l’auteur qui consisterait à « démontrer l’existence d’une industrie canadienne [italique de l’auteur] de la pêche sous le Régime français » (p. 22), reposant sur l’hypothèse « qu’il y a eu dans la colonie une industrie de la pêche à la morue bel et bien structurée et menée par des Canadiens, au profit de Canadiens » (p. 22), il y a là une déviation qui laisse tout aussi perplexe que le titre. En effet, l’existence d’une telle « industrie » n’a plus à être démontrée. Elle apparaissait déjà en 1927 dans l’Essai sur l’Industrie au Canada sous le Régime français de Joseph-Noël Fauteux. Surtout, la revue de l’historiographie menée par l’auteur et les multiples références qui en découlent (incluant d’ailleurs celles de ses nombreuses publications personnelles à ce sujet) suffisent à convaincre le lecteur que la pêche à la morue au Canada a été l’objet de recherches attentives depuis une trentaine d’années et que le fait de cette réalité économique s’est avéré. C’est avec ces ambitions que l’auteur convie le lecteur à le suivre sur un parcours qui le mènera successivement et chronologiquement dans les diverses sous-régions du Canada où sera pratiquée la pêche commerciale à la morue entre les années 1660 et 1760. Il s’agit respectivement de Percé, du versant nord de la péninsule gaspésienne, du Labrador, de la baie des Chaleurs puis, en fin de période, de Gaspé. Chacun de ces endroits est exploité par un ou des entrepreneurs canadiens en tout ou en partie. Parmi ceux-ci, mentionnons Pierre Denys de La Ronde et Denis Riverin pour le XVIIe siècle et les membres de la famille Jolliet, Jean Gatin dit Saint-Jean, Jean Barré, les Lefebvre de Bellefeuille et Pierre Revol pour le XVIIIe. Pour mener à bon port sa « démonstration », l’auteur met en oeuvre une « démarche complexe » (p. 25), ce qu’il appelle une « micro-histoire sociale » (p. 26) qui, en jouant avec les échelles d’observation variables de la biographie individuelle, familiale et d’entreprise et des monographies tant …