Comptes rendus

Foisy, Catherine, Au risque de la conversion : l’expérience québécoise de la mission au XXe siècle (1945-1980) (Montréal/Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2017), 325 p.[Record]

  • Guy Laperrière

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  • Guy Laperrière
    Département d’histoire, Université de Sherbrooke

Depuis une dizaine d’années, l’histoire missionnaire me paraît le secteur de l’histoire religieuse du Québec le plus à l’avant-garde, et cet ouvrage de Catherine Foisy, issu de sa thèse de doctorat (Concordia, 2012), en constitue, au dire même de l’auteure, le « diamant », fruit d’un « travail colossal ». Heureusement, ces élans de modestie s’arrêtent à ce préambule et on peut facilement convenir que ce livre constitue une contribution majeure à la compréhension de ce qu’a été le mouvement missionnaire au Québec pendant la période de changements cruciaux qui va de 1945 à 1980. Les choix méthodologiques de l’auteure sont particulièrement judicieux. Elle divise son étude en trois périodes : l’avant-concile (1945-1959), Vatican II et la Révolution tranquille (1959-1968), la reconversion (1968-1980). Elle retient pour son analyse les quatre instituts missionnaires de fondation québécoise : les Soeurs missionnaires de l’Immaculée-Conception (MIC, 1902), les Soeurs missionnaires de Notre-Dame des Anges (MNDA, 1919), la Société des Missions-Étrangères (SMÉ, 1921) et les Soeurs missionnaires du Christ-Roi (MCR, 1928), qui représentent, à eux quatre, presque le quart de l’ensemble des missionnaires québécois. En plus de recourir aux sources écrites habituelles, elle utilise, pour se tenir au plus près de la réalité vécue, l’histoire orale, avec 55 entrevues auprès de 43 missionnaires, choisies selon un échantillonnage qui tient compte des générations et des fonctions dans l’institut. Un modèle du genre, bien inspiré des méthodes de Steven High, qui pousse si loin à Concordia l’utilisation approfondie de ces méthodes. Elle a de plus la bonne idée de fournir les caractéristiques détaillées de ces 43 femmes dans un tableau auquel on peut recourir avec profit tout au long de la lecture. La thèse centrale est énoncée dans le titre : Au risque de la conversion. Pensant aller porter la Bonne Nouvelle dans les pays de mission, les missionnaires ont été transformées par le contact avec l’Autre : ce sont elles qui ont été converties. Comme le dit une missionnaire au Pérou, « ce sont les pauvres qui évangélisent les missionnaires » (p. 101). À leur retour, elles ont ramené au Québec de nouvelles visions de la vie en Église et en société. Le résultat le plus frappant de l’action missionnaire est un changement de la perception de soi et de l’Autre. Les quatre premiers chapitres sont consacrés à la période 1945-1959. On y décrit les parcours vocationnels ; on y voit la vitalité de l’animation missionnaire, notamment par les revues missionnaires, telle Le Précurseur (hélas, ces revues sont absentes de la bibliographie), ou les visites de missionnaires. Cette animation a un triple but : faire connaître les oeuvres, susciter des vocations, assurer le financement. Dans la formation initiale, l’accent est alors mis sur la spiritualité. Dès les années 1950, on pousse de plus en plus vers la professionnalisation, en harmonie avec le mouvement vers l’éducation qu’on voit dans tout le Québec. Un événement capital qui vient bouleverser le paysage est la sortie des missionnaires de Chine, après 1949 : cela force ces dernières à se réorienter vers de nouveaux champs d’action en Asie, en Afrique et en Amérique latine. On perçoit dans ces années 1950 tout un renouveau missionnaire, qu’il convient de mettre sur le même pied que les renouveaux liturgique, biblique, catéchétique ou oecuménique qui annoncent le concile Vatican II. Témoin de ce renouveau au Québec : la mise sur pied de l’Entraide missionnaire (EMI), surtout à partir de 1954. Les religieuses, en particulier, développent une nouvelle vision : « la mission, c’est d’être avec les gens ». Et Foisy conclut cette section : « La mission oblige d’abord à un décentrement de soi …