In memoriam René Durocher, 1938-2021[Record]

  • Paul-André Linteau

L’historien René Durocher est décédé le 21 novembre 2021. Il aura marqué de façon significative le développement de notre Institut et de sa Revue et contribué à l’essor de notre discipline. Issu d’un milieu ouvrier modeste, René Durocher passe son enfance montréalaise dans le « faubourg à m’lasse » et ses environs. Doté d’une vive curiosité intellectuelle, il choisit à l’adolescence la voie de l’enseignement. Après ses études à l’école normale, il oeuvre pendant quelques années dans des écoles secondaires. Il s’inscrit simultanément en histoire à l’Université de Montréal où il obtient de brillants résultats, ce qui conduit à son embauche dans cet établissement en 1967. Il y amorce sa carrière cette année-là en proposant un cours intitulé « Histoire du Québec ». C’est une innovation à double titre : pour la première fois, un cours d’histoire nationale ne porte pas l’appellation « Histoire du Canada », et la période couverte est beaucoup plus immédiate puisqu’elle commence avec la Confédération. Pour la cohorte initiale d’étudiants (dont je suis), c’est un véritable électrochoc. Ce passionné d’histoire politique nous fait aussi découvrir les travaux des sociologues et des économistes et nous initie aux perspectives interdisciplinaires. Il nous aide à comprendre les racines de ce Québec moderne qui s’affirme de façon plus éclatante depuis la Révolution tranquille. Parmi nous, plusieurs vocations nouvelles se révèlent à cette occasion. René Durocher peut, à juste titre, être considéré comme un des pères fondateurs de l’histoire du Québec à l’époque contemporaine. Tout comme Jean Hamelin à l’Université Laval, il est, à l’Université de Montréal, le principal responsable de l’essor de l’enseignement et de la recherche dans ce champ d’étude. Deux ans plus tard, René et moi nous associons pour élaborer un programme de production d’outils pédagogiques afin de soutenir le développement du secteur. Nous lançons un guide bibliographique, puis une collection de recueils d’articles. La pièce de résistance est cependant le chantier de rédaction d’Histoire du Québec contemporain, lancé en 1973 avec Jean-Claude Robert (François Ricard se joindra à l’équipe quelques années plus tard). Ce projet d’écriture collective prend souvent la forme de séminaires intensifs auxquels René Durocher apporte sa connaissance étendue de la production historique sur le Québec et sa compréhension des enjeux politiques. Nous y consacrerons seize ans de notre vie tout en participant à deux séries d’émissions télévisées. L’achèvement de ce projet, en 1989, est source de grande fierté pour René Durocher. Parallèlement, celui-ci contribue au développement de ce champ d’études au département d’histoire de l’Université de Montréal, dont il est le directeur de 1984 à 1987. Au cours des années 1970, René Durocher consacre aussi beaucoup d’énergie à la cause de l’IHAF et de la RHAF. Pendant une vingtaine d’années, leur fondateur, Lionel Groulx, avait porté ces deux « oeuvres » à bout de bras, avec l’appui d’un réseau de vieux amis et de praticiens de l’histoire, dont plusieurs étaient des ecclésiastiques. Son décès en 1967 a provoqué une prise de conscience qui a amené certains acteurs à s’impliquer afin d’assurer la pérennité et le renouvellement de ces deux institutions. Pour l’Institut, il faut à leurs yeux moderniser les structures (charte, règlement, gouvernance) et y attirer de jeunes historiens et historiennes formés dans les universités. Il s’agit de réaliser le passage d’une société historique traditionnelle à une association professionnelle d’historiens. C’est chose faite en 1970. Pour la Revue, l’objectif, atteint à la même époque, est d’y introduire les pratiques des autres périodiques scientifiques : politique éditoriale explicite, évaluation des articles par les pairs et création d’un comité de rédaction. Ce dernier se voit aussi assigner la mission de recruter de …