In memoriam Jacques Lacoursière (1932-2021)[Record]

  • Brian Young

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  • Brian Young
    Université McGill

Une version plus longue de cette notice a été publiée dans Histoire Canada en août 2021.

Membre de l’Ordre du Canada et du conseil d’administration de la Société Histoire Canada, Jacques Lacoursière a été le premier francophone à remporter le prix Pierre-Berton pour sa façon exceptionnelle d’aborder l’histoire du Canada et de susciter la curiosité des lecteurs. Peu connu du Canada anglais, au Québec il est l’un des historiens les plus lus et les plus connus de sa génération. Il est mort en juin 2021. Dans la riche tradition québécoise des vulgarisateurs qui comprend Marie-Claire Daveluy, Fernand Seguin, Hector Grenon, Hélène-Andrée Bizier, Denis Vaugeois et Serge Bouchard, Jacques Lacoursière occupe une place de choix. Il a attiré pour la première fois l’attention du public en 1962 en tant que coauteur du Boréal Express, un journal d’histoire qui a connu un immense succès. Ensuite, pendant près de cinquante ans, il a produit un vaste répertoire de manuels scolaires, des ouvrages sur des sujets comme la crise d’octobre 1970 ainsi que des histoires régionales et des séries pour des magazines. Il a également animé des émissions de radio et de télévision, prononcé des conférences publiques, écrit des scénarios de films, organisé une exposition marquante, rédigé des études pour le gouvernement et été membre de conseils d’administration de musées et de sociétés d’histoire. Sous son air bon enfant, Lacoursière était un communicateur hors pair, un fin collaborateur et réseauteur et un historien plein de ressources qui a su gagner l’affection et la confiance d’un très large public. Son oeuvre a fait la joie de millions de lecteurs et d’auditeurs et ses ouvrages sur l’histoire du Québec ont joué un rôle crucial dans la construction de l’imaginaire historique de toute une génération. Accessible, très présent dans les médias et toujours prêt à porter un costume d’époque, il était l’image même de l’historien en tant que personnage public. Né en 1932, Jacques Lacoursière a grandi à Shawinigan Falls, au Québec, où son père possédait une imprimerie. Situé près d’une centrale électrique de la rivière Saint-Maurice, Shawinigan Falls était la petite communauté industrielle type où l’on trouvait la Shawinigan Water and Power Company, des patrons anglophones fréquentant leurs clubs et terrains de golf exclusifs, une Église catholique omniprésente guidant de main de maître l’éducation, les services sociaux et la vie paroissiale, et, jamais très loin, le paysage du Bouclier canadien et sa mythologie boréale. C’est à l’école normale que Lacoursière rencontre Denis Vaugeois, son partenaire d’écriture qui deviendra plus tard son éditeur. Tandis que ses camarades étudient l’histoire à l’université, notamment avec Maurice Séguin à l’Université de Montréal ou avec Jean Hamelin à l’Université Laval, Lacoursière est plus proche de la communauté intellectuelle des membres du clergé, des artistes et des intellectuels qui forment l’entourage de Mgr Albert Tessier, du séminaire de Trois-Rivières. Au cours de sa longue carrière, Jacques Lacoursière a réussi à écrire, à filmer, à exposer et à présenter une histoire nationale passionnée, une histoire, selon ses dires, avec une « âme », qui a suscité la curiosité du public et alimenté sa fierté. En même temps, en tant que communicateur influent sur l’histoire nationale du Québec, il s’est toujours attaché à éviter les manifestations de colère ou de partisannerie : même au coeur des débats sur la question nationale, son allégeance politique n’est jamais apparue clairement. Ancré dans les solides traditions de la région du Saint-Maurice et façonné par les intellectuels catholiques de Trois-Rivières dans les années 1950 et 1960, il a sans doute joué un rôle important pour atténuer les sentiments anticléricaux et anticapitalistes qui ont marqué la Révolution tranquille du Québec. En adhérant à une narration strictement chronologique et en utilisant les grands événements …