Comptes rendus

Bertrand, Luc. Le dernier assaut. La vie du lieutenant Jean Brillant, VC, MC. Québec, Septentrion, 2020, 238 p.[Record]

  • Mourad Djebabla

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  • Mourad Djebabla
    Collège militaire royal du Canada, Saint-Jean-sur-Richelieu

Luc Bertrand propose au grand public de découvrir — et aux historiens de redécouvrir — un « héros » québécois de la Première Guerre mondiale, récipiendaire de la Croix Victoria (VC) et tombé au champ d’honneur, en août 1918, à la bataille d’Amiens, alors même que les Alliés reprenaient l’offensive contre les forces allemandes sur le front occidental. Que savons-nous vraiment de Jean Brillant à part qu’il est l’un des rares Canadiens décoré de la Croix de Victoria ? Avouons-le, nous savons peu de choses sur cet individu. C’est d’ailleurs par le truchement de récits d’autres soldats canadiens-français du 22e bataillon, unité dans laquelle il combattit au front, que Luc Bertrand nous dessine l’environnement dans lequel il évolua en Europe. Paradoxalement, en dépit du peu de renseignements que nous avons sur lui (en dehors de son dossier militaire), Jean Brillant est une figure qui a su se détacher tant de la masse des 600 000 Canadiens qui avaient rejoint le Corps expéditionnaire canadien (CEC) entre 1914 et 1918 que des 60 000 et plus qui y laissèrent leur vie et parmi lesquels il repose en France. Luc Bertrand est l’auteur de plusieurs romans, biographies et essais. Ce détail doit être mentionné, car Le dernier assaut se différencie des études écrites par des historiens sur d’anciens combattants. Ici, ce qui ressort d’abord, c’est la qualité de la plume de l’auteur, qui redonne vie à toute une époque. Son écriture nous plonge dans la vie de Jean Brillant, qu’il nous invite à découvrir dans ses moindres détails. C’est ainsi que nous remontons aussi loin que l’établissement de ses parents dans le Bas-Saint-Laurent, dans le cadre de la colonisation de nouvelles zones en cette fin de 19e siècle. De sa jeunesse, de ses premiers pas dans la milice canadienne, au sein du 89e Régiment, jusqu’à son enrôlement en 1916 au sein du 189e bataillon canadien-français, Jean Brillant apparaît sous la plume de Luc Bertrand comme un homme à part, ambitieux et très tôt intéressé à la chose militaire. Il est d’ailleurs en rupture avec la majorité de la population canadienne-française, pour qui l’institution militaire est d’abord une institution britannique, ce que rappelle sa participation, comme émissaire de son unité de milice, au couronnement du souverain George V, à Londres, en 1911. Ce décalage est encore plus flagrant quand il décide de se porter volontaire pour aller combattre au front où il intègre finalement le 22e bataillon, seule unité canadienne spécifiquement francophone du CEC. L’approche littéraire du sujet est incontestable, l’auteur employant son talent d’écrivain pour garnir l’environnement dans lequel évolue Jean Brillant et sa famille. Cette richesse du détail permet de donner plus de consistance aux faits rapportés alors que nous disposons de peu de sources directes. Pour un historien, cette caractéristique littéraire est quelquefois déroutante, elle semble même appartenir à une autre époque des récits historiques. Ce choix nous fait d’ailleurs quelque fois perdre de vue le sujet principal du livre. De plus, le recours à certaines études pour dresser le contexte historique est critiquable, car il ne tient pas compte des plus récentes interprétations. C’est particulièrement vrai dans l’introduction. Certaines affirmations font fi des plus récentes études sur le Québec et la Première Guerre mondiale. Si l’oeil de l’historien peut percevoir cette faiblesse, pour le grand public, cela ne gâche en rien la qualité du récit et les détails rapportés sur la vie de Jean Brillant. La plume de l’auteur permet de reconstituer une époque dans cette région rurale du Bas-Saint-Laurent, région de colonisation, en cette fin de 19e et début du 20e siècle. …