Réplique

À propos du compte rendu par Allan Greer du livre de Benoît Grenier, Persistances seigneuriales. Histoire et mémoire de la seigneurie au Québec depuis son abolition (RHAF, vol. 77, no 3 [2024], p. 89-92)

  • Benoît Grenier

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  • Benoît Grenier
    Université de Sherbrooke

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Cover of Volume 78, Number 1, Summer 2024, pp. 1-175, Revue d’histoire de l’Amérique française

Tout projet de recherche en histoire implique des objectifs et une méthode pour atteindre ceux-ci. Mon enquête sur les persistances seigneuriales dans le Québec contemporain, menée une décennie durant, ne fait pas exception. Mon objectif, énoncé dans le titre de l’ouvrage et dans celui de la première partie, est explicite : « Inscrire le régime seigneurial dans l’histoire du Québec contemporain ». Il ne s’agissait donc pas de refaire l’histoire de l’abolition en tant que telle, mais plutôt d’en expliquer les conséquences sur la population et le territoire du Québec, et ce, longtemps après 1854. En introduction, j’écris : « L’objectif n’est pas de prétendre que les persistances de la seigneurie constitueraient une caractéristique centrale de la socioéconomie québécoise de cette époque, mais assurément de considérer ces résidus de féodalité comme une dimension, jusqu’ici négligée, de l’identité sociale et culturelle du Québec contemporain, en particulier dans le monde rural » (p. 19). Il s’agissait aussi de montrer que le véritable gagnant de cette abolition, le groupe des seigneurs, a maintenu pratiquement intact son mode de vie et son ascendant sur la population du Québec rural pendant au moins un siècle. Je n’avais pas pour ambition de réécrire l’histoire de l’abolition et de son contexte, bien documentée par plusieurs avant moi, quoique je ne me prive pas d’en rappeler les principales étapes au chapitre premier, où je souligne qu’elle participe plus largement de la construction de l’État libéral en consacrant le caractère inaliénable de la propriété privée des seigneurs (p. 39). Contrairement à l’idée avancée par Allan Greer, je ne « rejette » pas le terme abolition (il figure d’ailleurs dans le titre de l’ouvrage), mais je nuance fortement l’impact de l’abolition sur la longue durée et je prétends que les persistances autorisées par la loi de 1854 (en particulier la création des rentes constituées et la privatisation des terres non concédées) ont préservé, et parfois même renforcé, des aspects des rapports féodaux dans le Québec moderne. Le professeur Greer est très critique quant à la valeur des témoignages recueillis dans le cadre de cette enquête d’histoire orale, n’y voyant que des « anecdotes » et la « promotion d’une certaine mémoire seigneuriale » qui prévaudrait sur l’analyse. Rappelons que l’objectif premier du projet était de recueillir la « mémoire seigneuriale » et au premier chef celle des familles d’ascendance seigneuriale afin de comprendre les mécanismes de la transmission familiale. Toutefois, je suis le premier à regretter de n’avoir pas pu recueillir davantage de témoignages de familles de « censitaires ». Le temps ayant fait son oeuvre, cette mémoire s’effrite et il n’en subsiste que peu de choses chez les descendants des « habitants ». J’ai maintes fois affirmé qu’il aurait fallu que Marcel Trudel mène cette enquête dans les années 1950. Cette limite de la recherche est d’ailleurs explicitée dans l’introduction de la seconde partie du livre (p. 93). Cela dit, pour contrer ce biais de l’enquête orale, j’ai puisé à de multiples sources complémentaires qui permettent de saisir la dissonance entre la mémoire idéalisée et le vécu des populations concernées. En témoignent, à titre d’exemple, les discours émanant du Bulletin des agriculteurs présentés au sixième chapitre, dont le bijou que constitue l’article qu’y fait paraître Gabrielle Roy en février 1941. La thèse à venir d’Olivier Guimond devrait nous éclairer davantage à cet égard dans une perspective d’histoire des idées. Ce biais induit par une mémoire seigneuriale plutôt « bonententiste », je lui oppose divers documents et témoignages indirects lorsque possible. Qui plus est, il est faux de dire que je ne donne la parole qu’à des descendants de seigneurs. …