Comptes rendus

Gagnon, Andréane. Regards croisés sur la grève d’Amoco à Hawkesbury. Une histoire ouvrière de l’Ontario français (Sudbury ON, Prise de parole, 2023), 162 p.

  • Guy Gaudreau

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  • Guy Gaudreau
    Chercheur indépendant

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Cover of Volume 78, Number 1, Summer 2024, pp. 1-175, Revue d’histoire de l’Amérique française

Le sous-titre du livre m’a immédiatement intéressé. L’Ontario français s’étant surtout préoccupé de ses institutions et de ses élites, on a négligé de raconter l’histoire de ses travailleurs et travailleuses. Est-ce qu’Andréane Gagnon comble une partie de ce vide en publiant son mémoire de maîtrise en sociologie ? J’aurais tendance à dire oui et non. Cet ouvrage est celui d’une militante. Bien écrit, il se décline en sept chapitres avec une bibliographie et une mise en page impeccable, comme ce à quoi la maison Prise de parole nous a habitués depuis déjà cinquante ans. On pourra également apprécier les notes de bas de page, que l’historien comme moi préfère aux notes de fin de document. Si la facture physique du livre est irréprochable, il en va autrement des propos qui vont laisser les amateurs d’histoire et les historiens sur leur faim. L’ouvrage « a pour principale ambition d’analyser la façon dont cette grève a lié le social et le national » (p. 13). Certes, la problématique du rapport entre ces deux paradigmes m’apparaît réussie (le chapitre 2), mais j’aurais aimé dans le chapitre précédent, qui s’attarde au contexte sociohistorique, un rappel factuel beaucoup plus étoffé sur l’entreprise américaine Amoco et son usine de textiles de Hawkesbury, sur ses travailleurs et travailleuses et sur le déroulement de la grève de 1980, qui avait besoin d’être mieux présentée avant d’être interprétée. Ce sentiment s’explique du fait que, comme sans doute bien des lecteurs, j’ignorais l’existence et le contenu de l’ouvrage collectif traitant de cette grève, Une communauté en colère, publié en 1986. Pourtant, la lecture de cet ouvrage semble être tenue pour acquise. En raison du refus des anciens grévistes de participer à son enquête, l’autrice explique qu’elle a choisi trois témoins et acteurs. Un choix qui s’appuie sur le concept d’intellectuel organique emprunté à Antonio Gramsci. Elle s’est ainsi tournée vers le dramaturge et auteur Jean Marc Dalpé (le chapitre 4), l’analyste politique Serge Denis (le chapitre 5) et l’animateur social Richard Hudon (le chapitre 6), qui ont été interviewés dans le cadre d’entretiens semi-dirigés. Je ne connaissais pas les deux derniers et j’ai appris beaucoup sur le parcours de Dalpé avant son arrivée à Sudbury dans les années 1980. J’avais déjà entrevu son talent en coordonnant le livre sur l’histoire du Théâtre du Nouvel-Ontario. Dalpé a bien raison d’affirmer que « la francophonie en Ontario n’est pas monolithique [et qu’il] existe des classes sociales avec des laissés-pour-compte » (p. 60). J’ai également pris plaisir à retrouver les travaux du sociologue et historien franco-ontarien Donald Dennie. Le questionnement de ce dernier sur « la lente et difficile formation d’une culture syndicale chez les Franco-Ontariens » (p. 90) me paraît toujours d’actualité. Malheureusement une bibliographie d’un ouvrage sur l’histoire de l’Ontario français qui n’aligne aucun texte de Gaétan Gervais (on y trouve seulement le manuel d’histoire qu’il cosignait avec Michel Bock) signale un sérieux raccourci historiographique. En fait, le livre de Gagnon demeure avant tout sociologique et assez peu historique. J’aurais préféré que cela se traduise dans son intitulé. Cela dit, il faut la féliciter de rappeler ce segment de l’histoire ouvrière franco-ontarienne. Cette grève, qui s’est terminée par de relatifs gains économiques et une convention collective en français, fait partie de ces petites victoires de la classe ouvrière (p. 145). Même si cette victoire a vite été oubliée, en ressuscitant la grève d’Amoco une quarantaine d’années plus tard, l’autrice donne raison d’espérer des jours meilleurs.