Comptes rendus

Ravary-Pilon, Julie et Ersy Contogouris (dir.). Pour des histoires audiovisuelles des femmes au Québec. Confluences et divergences (Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2022), 384 p.[Record]

  • Annick Desmarais

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  • Annick Desmarais
    Université du Québec à Montréal

Ce collectif s’inscrit dans l’approfondissement de questionnements débutés en 2018 lors du colloque transdisciplinaire « Être femme dans les médias audiovisuels au Québec : cinéma, télévision, jeux vidéo, web ». L’ouvrage relève le défi de couvrir plusieurs décennies de pratiques audiovisuelles de femmes tout en rassemblant une pluralité de voix, tant de la part d’artistes que de scientifiques. Le collectif se revendique des études féministes et queers et se veut le plus inclusif possible. Il n’est donc pas surprenant de retrouver parmi l’ensemble des personnes impliquées un même désir de dénoncer les discriminations fondées sur l’hétérosexisme. L’ouvrage est composé de 18 textes organisés en quatre parties. La première propose les réflexions de praticiennes. D’abord, Martine Delvaux dénonce l’habitude de recourir au regard masculin pour critiquer les films. Ce regard biaisé ferait en sorte que les oeuvres masculines, contrairement à celles des femmes, seraient considérées d’emblée comme étant intelligentes, talentueuses et complexes. Ensuite, dans un entretien avec Julie Ravary-Pilon, Mireille Dansereau, réalisatrice du premier long métrage de fiction créé par une femme au Québec, La vie rêvée (1972), se confie sur le machisme qui a entouré la création du film. Mélissa Gélinas s’entretient avec Kim O’Bomsawin, réalisatrice du documentaire Ce silence qui tue (2018) dans lequel elle réussit à aborder avec beaucoup d’humanité le sort des femmes et des filles autochtones, disparues et assassinées, et à donner la parole aux survivantes. Et puis, Joëlle Rouleau aborde son projet autoethnographique dans lequel elle lie le film de famille et l’arbre généalogique dans le but de mettre en lumière les oubliées dans ces deux médiums : les femmes et les minorités sexuelles. La deuxième partie du livre cible la télévision. Karine Bertrand étudie deux séries réalisées par des femmes autochtones : Mohawk Girls (2014-2017) par Tracey Deer et Princesses (2017) par Sonia Bonspille Boileau et Angie-Pepper O’Bomsawin. Bertrand souligne que ces femmes dépassent la notion de féminisme en incluant des enjeux majeurs tels que la décolonisation, la guérison ou la souveraineté. Avec Princesses, plusieurs mythes volent en éclat dont celui de Pocahontas qui, contrairement aux représentations de Disney, était en fait une jeune fille de treize ans, kidnappée, violée et morte très jeune. Marie-Ève Bradette analyse elle aussi Mohawk Girls et précise que la série déboulonne certains stéréotypes sur les femmes autochtones. Le texte suivant aborde le contenu des scripts hétérosexuels dans La galère (2007-2013). Julie Lavigne, Chiara Piazzesi, Martin Blais et Catherine Lavoie Mongrain observent que si la série abonde en discours sur le désir, ceux sur le plaisir sexuel sont pratiquement inexistants. Pour sa part, Anne Martine Parent se penche sur la question des représentations des lesbiennes avec la websérie Féminin/Féminin (2014, 2018) et considère que la série n’est pas parvenue à sortir de l’hétéronormativité dominante. Et finalement, Anouk Bélanger et Stéfany Boisvert se penchent sur les animatrices du petit écran. Elles remarquent dans les discours de celles-ci la valorisation d’une culture du choix tout en évacuant tout enjeu lié à la culture ou la classe. Les autrices soulignent que ce type de discours « postféministe » marie, de façon contradictoire, des valeurs féministes à des valeurs conservatrices. Dans la partie suivante, deux textes décortiquent avec brio l’univers des jeux vidéo et mettent en lumière la culture toxique qui traverse tant le milieu de la création que le contenu offert au public. Gabrielle Trépanier-Jobin et Élodie Simard identifient plusieurs obstacles qui limitent l’attrait des femmes pour le milieu, entre autres l’occultation des conceptrices de jeux et les personnages féminins stéréotypés dévalorisants. Pascale Thériault et Roxanne Chartrand offrent une lueur d’espoir en soulignant l’arrivée de quelques jeux québécois plus diversifiés. La …