Cet ouvrage est la réédition d’un livre publié pour la première fois en 1989, mais son contenu est largement issu d’un mémoire de maîtrise présenté à l’Université Laval en 1987. Comme l’explique l’auteur dans son avant-propos, la raison de cette réédition est la parution récente de son livre Eatenonha. Racines autochtones de la démocratie moderne (publié en anglais à McGill-Queen’s University Press en 2019 et en français aux Presses de l’Université Laval en 2020). Selon l’auteur, les deux ouvrages font partie d’une seule « oeuvre de philosophe et d’historien » (p. 2), et donc la parution du second offre l’occasion de revisiter le premier. Après la préface de la première édition écrite par l’archéologue Bruce G. Trigger et l’avant-propos de l’auteur qui présente cette réédition, le livre suit étroitement la structure du mémoire original. Dans son introduction, l’auteur parle des expériences douloureuses de son enfance face aux « effets dévastateurs » de l’histoire euro-américaine (p. 7), et il exprime son désir de remplacer, au cours du livre, ces mythes dévastateurs (notamment le mythe de l’« évolutionnisme social » et le mythe de la « disparition inévitable de l’Amérindien ») par une éthique basée sur le « Cercle sacré de la vie » (p. 8-9). Dans le premier chapitre, l’auteur discute brièvement de l’importance du choc microbien dans l’histoire de contact entre l’« Ancien Monde » et l’Amérique afin de soulager les émotions du lectorat (en suivant la tradition de la cérémonie de condoléances). Le deuxième chapitre approfondit le concept du Cercle sacré de la vie, « dans lequel tous les êtres matériels et immatériels sont égaux et interdépendants » (p. 19). L’auteur suggère que cette philosophie est partagée par tous les peuples autochtones et qu’elle « imprègne toute la vision amérindienne de la vie et de l’univers » (p. 19). Dans le troisième chapitre, l’auteur expose son concept de l’« autohistoire », qui est conçu comme une méthode historique (p. 10, 12) ainsi qu’une approche éthique de l’histoire (p. 34). Plutôt que de mettre l’accent sur les transformations historiques, comme font les historiens et historiennes euro-américains, le principe fondamental de l’autohistoire est l’unité et la continuité de la culture autochtone depuis les époques les plus éloignées jusqu’au présent, et l’idée selon laquelle cette persistance des « valeurs essentielles amérindiennes » doit constituer la pierre angulaire de l’étude de l’histoire autochtone (p. 34-35). Le quatrième chapitre commence par une discussion de la « destruction de la Huronie par les Iroquois », mettant l’accent encore une fois sur les maladies, mais ce chapitre traite majoritairement d’une analyse favorable de la présentation « des valeurs traditionnelles amérindiennes » dans le livre Moeurs des sauvages du jésuite Lafitau (p. 66-80). De façon similaire, le cinquième chapitre offre une discussion prolongée et élogieuse des écrits de Lahontan. Suivant les traces d’une historiographie ayant soulevé plusieurs controverses (voir par exemple le livre de David Graeber et David Wengrow, The Dawn of Everything. A New History of Humanity, p. 50), l’auteur souligne surtout l’importance de la collaboration du Huron Adario, qui est présenté non comme une invention littéraire (comme le prétendent plusieurs historiens), mais comme l’auteur principal des écrits philosophiques de Lahontan (p. 88-91), et donc le messager principal de l’idéologie de l’« américité », qui transformera le monde lors des « grandes révolutions sociales de l’époque moderne » (p. 106). Le sixième chapitre offre un survol de l’histoire de la nation huronne-wendate depuis le 16e siècle jusqu’à nos jours selon l’approche auothistorique. La conclusion, l’épilogue et l’annexe servent quant à eux à aiguiser davantage la polémique du livre. Pour bien saisir cet …
Sioui, Georges E. Pour une autohistoire autochtone de l’Amérique, nouvelle édition augmentée (Québec, Presses de l’Université Laval, 2023), 176 p.[Record]
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Nathan Ince
Université de Sherbrooke