Disposer d’un réseau familial protège-t-il de l’enfermement ? Étude des procédures d’enferment au Refuge de Clermont, 1re partie du xviiie siècle[Record]

  • Claire Garnier

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  • Claire Garnier
    Candidate au doctorat, histoire, Université de Montréal
    Université Blaise-Pascal, Clermont-F.

Sorti en 2002, et récompensé en septembre de la même année, le film de Peter Mullan, The Magdalene Sisters, met en scène la vie des femmes, enfermées en 1964 en Irlande dans une institution religieuse et morale, tenue par des religieuses, pour leur mode de vie déviant. Dans cette Magdalene House, les pensionnaires font fonctionner une entreprise de blanchisserie, qui permet l’enrichissement de la communauté religieuse, tout en leur permettant de laver symboliquement leurs péchés. Les trois héroïnes de Peter Mullan sont respectivement enfermées dans cette prison pour avoir accouché d’un enfant sans être mariée, été violée par son cousin, échangé des regards avec les garçons de l’école voisine. Ces maisons, dont la dernière a fermé ses portes en Irlande en 1996, sont des institutions venues directement du xviie siècle. C’est ici des Refuges, et autres lieux d’enfermement des « filles de mauvaise vie » dont il sera question. Le xviie siècle a été caractérisé par Michel Foucault dans l’Histoire de la Folie à l’âge Classique comme le siècle du Grand Renfermement : l’État, dans le but d’organiser la société, selon une volonté de purification morale expliquée notamment par Norbert Elias dans la Civilisation des Moeurs, met en place toute une structure hospitalière et carcérale destinée à l’enfermement et au soin de tous les « déviants ». Selon cette théorie, les hôpitaux généraux qui fleurissent en France aux xviie et xviiie siècles sont des prisons morales destinées à l’enfermement des déviants de la société. Cette théorie est aujourd’hui largement remise en cause, le caractère coercitif des hôpitaux généraux n’étant pas toujours établi dans les faits, nombre d’entre eux se trouvant être des hospices pour vieillards plutôt courus. En revanche, une institution, souvent connexe à l’hôpital général, se spécialise dans la prise en charge des femmes de mauvaise vie. Sous ce terme, on retrouve, pêle-mêle, prostituées, mères célibataires, épouses infidèles, c’est-à-dire une palette assez large des comportements féminins déviants au regard de la norme de la société française d’Ancien Régime. Nous nous appuyons ici sur un corpus de sources issu des archives départementales du Puy-de-Dôme. Le fond 90 de la série H (hôpitaux) concerne le refuge de la ville de Clermont. Des 12 cartons, peu organisés, non inventoriés, j’ai extrait 29 lettres et billets demandant ou entérinant au total l’enfermement de 31 femmes au Refuge de Clermont entre 1709 et 1728. Le corpus de sources se compose de 28 documents issus de la série 90 H, plus précisément des cartons 90H8 et 90H5. Ils abordent l’entrée de 31 femmes au Refuge de la ville de Clermont entre 1709 et 1728. 16 de ces documents sont des décisions de justice, six des ordres d’enfermement ne faisant pas appel au système judiciaire, trois concernent des enfermements relativement volontaires. On trouve enfin deux documents uniques en leur genre. Le premier est un certificat d’un chirurgien adressé à la directrice du Refuge, l’autre une réponse de l’administrateur du Refuge de Riom à la directrice du refuge de Clermont concernant le motif d’enfermement d’une de ses pénitentes. Il s’agit ainsi des documents variés : certains sont des dossiers d’enfermement, ou des pièces desdits dossiers. La plupart sont incomplets. Afin de traiter notre sujet, nous allons diviser en deux grandes catégories les femmes qui sont enfermées dans cette institution : les femmes marginales, et les femmes insérées dans la société clermontoise du xviiie siècle. C’est à travers trois axes que nous allons ici interroger ces sources, pour comparer les filles « locales » et « étrangères » et ainsi répondre au titre de cette communication : s’inscrire dans …

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