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Être femme et pacifiste pendant l’après-guerre relève du risque. Risque d’être incomprise, risque d’être ignorée ou encore d’être perçue comme cherchant à bouleverser les rôles sexués. Contrairement à leurs consoeurs britanniques ou américaines, les femmes françaises n’obtiennent pas le droit de vote après la Première Guerre mondiale et restent donc exclues des affaires politiques et internationales. Cela n’empêche toutefois pas la création d’un mouvement de femmes qui va chercher à se faire entendre sur les questions de paix et d’affaires internationales. Exclues de la sphère partisane et parlementaire en raison de leur sexe, les femmes doivent se tourner vers d’autres moyens de revendiquer la paix. Durant la période de l’entre-deux-guerres, les journaux et les revues adressés aux femmes deviennent des domaines d’action politique à l’intérieur desquels les femmes peuvent échanger et dialoguer entre elles[1]. La revue La Mère Éducatrice créée en 1917 par Madeleine Vernet[2] deviendra l’un des vecteurs par lesquels les femmes vont s’informer et discuter des enjeux internationaux.

Si la portée de cette revue, disponible par abonnement seulement, est difficile à déterminer, nous savons toutefois que pour les années 1923 à 1926, elle compte plus de 250 abonnées provenant de toutes les régions de France[3]. Revue à tendance éducatrice et pacifiste, La Mère Éducatrice adopte un féminisme modéré et défend le droit des femmes sous l’angle du droit de la mère et des enfants. Elle adopte également un pacifisme féminin, c’est-à-dire qui estime que c’est au sein de leur famille, et non dans la sphère publique, que les femmes sont les plus utiles pour défendre la paix[4]. Comme le souligne Madeleine Vernet, « avant d’être pacifiste dans la rue, il faut l’être chez soi, à son foyer[5] ».

Cette revue a toutefois un défi bien particulier. Alors que la majorité des revues à tendance pacifiste s’adressent à un public qui partage leurs positions idéologiques, La Mère Éducatrice, de son côté, s’adresse à des femmes, pour la plupart des mères au foyer, qui ne sont pas nécessairement pacifistes et qui ne partagent pas toujours les opinions et les positions qui sont prises par la revue lorsqu’il est question d’affaires internationales. Si certaines abonnées cherchent dans la revue un moyen de lutter pour la paix[6], d’autres s’y intéressent pour les « questions féminines » qu’on y retrouve : éducation, médecine, contes pour enfants, etc. En 1923, une abonnée fait part de son mécontentement face aux positions idéologiques adoptées par la revue : « J’avais cru que votre revue était un journal récréatif pour la famille et je m’aperçois qu’il ne fait que de la politique[7] ». Un dilemme s’impose donc pour la revue : comment traiter de sujets « politiques » sans pour autant aliéner ses lectrices ? Consciente de ce problème, La Mère Éducatrice explique la situation comme suit :

C’est souvent par dédain de la politique qu’elles [les femmes] ne veulent s’occuper de rien. C’est bien aussi la faute des hommes qui ont ainsi formé la mentalité de leurs compagnes. […] Et c’est ainsi qu’on a coutume de dire de la généralité des femmes qu’elles sont incapables de s’intéresser aux grands problèmes et d’avoir des idées générales. C’est précisément notre rôle, à nous, d’aider les femmes à s’élever vers une vie morale plus large et plus belle[8].

C’est en grande partie grâce à l’utilisation d’un discours maternaliste liant les enjeux internationaux à la vie quotidienne des femmes que la revue va tenter de régler ce problème. Le texte qui suit s’intéressera justement à l’utilisation de ce discours maternaliste dans deux thèmes importants des relations internationales à l’époque : la réconciliation franco-allemande et la question du désarmement.

La réconciliation franco-allemande

« Ce qui m’épouvante, voyez-vous, c’est la montée de la haine[9] ». Ainsi s’exprime Madeleine Vernet dès décembre 1918 dans La Mère Éducatrice. Alors que la France fête le Noël de la victoire sur l’Allemagne, la directrice du mensuel s’inquiète, quant à elle, du sombre avenir que lui réserve celui fondé sur la haine de l’autre. Pour La Mère Éducatrice, la réconciliation des peuples passe d’abord et avant tout par l’élimination de la haine, particulièrement celle envers le peuple allemand.

La question de la réconciliation franco-allemande est sans aucun doute l’enjeu international le plus présent dans la revue, et ce, de façon plus ou moins constante tout au long de l’entre-deux-guerres. Dans son désir d’unifier les deux peuples et d’éliminer la haine qui habite le peuple français, La Mère Éducatrice va faire tout un travail d’éducation sur les valeurs et la culture allemandes grâce à la publication de conférences données par des pacifistes allemandes[10] ou encore par une série d’articles sur l’Allemagne publiée de façon mensuelle à partir de la fin des années 1920[11]. La tâche n’est toutefois pas facile car le peuple allemand est perçu par les Français comme « l’ennemi héréditaire » depuis la défaite de 1870. Après la Grande Guerre, malgré les apparences de paix, les relations entre les deux pays restent envenimées entre une France hantée par la question de sécurité et une Allemagne humiliée par le Traité de Versailles[12].

La revue note à plusieurs reprises les propos méprisants à l’égard du peuple allemand qui sont entendus dans les rues de France et même, aux grands désarrois de Vernet, dans les assemblées pacifistes. Il devient donc important pour La Mère Éducatrice de montrer à ses lectrices que les femmes allemandes ne sont pas différentes des femmes françaises dans leur vie quotidienne et dans leur désir de paix. C’est dans un article publié en 1928 que Madeleine Vernet montre le plus bel exemple de cet effort de rapprochement. Elle note, suite à un voyage en Allemagne : « Partout, partout les mêmes scènes familières ; là une maman se promenait avec ses enfants, ailleurs, une autre jeune mère berçait son tout petit sur le seuil de la porte ; ici, sous une tonnelle, dans le jardin, la table était servie, attendant la famille[13] ». Ces quelques mots montrent l’importance qu’accorde La Mère Éducatrice à faire le lien entre la vie quotidienne des femmes françaises et allemandes. Pour la revue, il s’agit sans aucun doute du meilleur moyen d’intéresser ses lectrices à des sujets qui sont habituellement l’affaire des hommes.

L’occupation de la Ruhr

Déclenchée en janvier 1923 en réaction à la « mauvaise volonté » de l’Allemagne dans le versement des réparations imposées par le Traité de Versailles, l’occupation de la Ruhr va attirer l’attention de La Mère Éducatrice dès février de la même année. Les articles publiés autour de cet événement offrent un bon exemple de l’approche adoptée par la revue lorsqu’il est question de parler des enjeux internationaux. Dans le premier article publié sur le sujet, La Mère Éducatrice fait un lien direct entre les répercussions de l’occupation et la vie quotidienne des femmes françaises. Nous pouvons y lire : « Donc Nous sommes dans la Ruhr… Donc les Allemands vont enfin Nous payer… En attendant, c’est Nous qui payons. Nous payons plus cher, aussi bien le beurre que le sucre, la viande que les légumes, les chaussures que le papier[14] ». Ce ne sont donc pas nécessairement les questions militaires ni les enjeux économiques traditionnels qui intéressent les femmes lorsqu’il est question de l’occupation de la Ruhr. Ce qui inquiète, c’est la montée des prix des biens de tous les jours engendrée par le conflit.

L’occupation de la Ruhr donne également la chance à La Mère Éducatrice de s’engager de façon concrète sur le terrain. En 1923, la Section française de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté ( LIFPL ), avec l’aide de la Croix-Rouge française, fonde le Comité français de secours aux enfants en réponse à la misère des enfants allemands qui vivent dans les régions occupées. La Mère Éducatrice va participer activement à la promotion de ce Comité. Pour plusieurs femmes, cet engagement concret dans la Ruhr est un signe de contestation contre l’occupation française[15]. Dans un article publié en 1923, La Mère Éducatrice indique que l’action entreprise par le Comité français de secours aux enfants doit être perçue comme « un geste de réconciliation et d’apaisement[16] ». Nous avons donc ici une action spécifiquement féminine, celle de l’aide humanitaire, mais également une prise de position claire face à l’occupation de la Ruhr. Encore une fois, c’est un discours maternaliste adressé directement aux mères françaises qui est utilisé dans l’appel lancé pour venir en aide aux enfants allemands :

J’en appelle à vous, les mères, qui bercez dans vos bras l’enfant chéri de vos entrailles ; à vous, les mères, qui avez souffert de la guerre dernière ; à vous, les mères, qui pleurez encore le grand fils tombé dans les batailles meurtrières. […] À toutes ses lectrices, La Mère Éducatrice demande un effort en faveur des petits enfants d’Allemagne. [Leur geste] dira que par-dessus les frontières et malgré les dirigeants intéressés à maintenir la haine entre les peuples, les petits et les humbles savent qu’ils sont frères[17].

Dix ans plus tard, alors que Madeleine Vernet revient sur les actions humanitaires mises de l’avant pendant l’occupation de la Ruhr, elle reprend les mêmes arguments :

Je veux à présent revenir aux oeuvres d’entr’aide (sic) et de secours franco-allemand, qu’un pacifisme intelligent et constructif a entreprises. […] J’y vois l’action la plus efficace pour le rapprochement franco-allemand. Et le rapprochement franco-allemand, l’apaisement des esprits dans les deux pays qu’on a excités l’un contre l’autre par des fables grossières ou de savants mensonges, ce rapprochement est à la base même de la paix[18].

Cette prise de position de la part des femmes pacifistes est d’autant plus intéressante lorsqu’on considère que l’occupation de la Ruhr a soulevé très peu de réactions du côté des associations pour la paix « masculines »[19]. Selon l’historienne Ilde Gorguet, ce qui fait l’originalité de la position féminine face à l’occupation de la Ruhr, c’est justement son action concrète sur le terrain[20]. Pour les femmes pacifistes, l’action humanitaire, privilégiée à plusieurs reprises pendant l’entre-deux-guerres, est une expérience commune qui les rapproche les unes des autres. Comme le souligne l’historienne Jo Vellacott, « here was a gendered cause – a motherhood cause – if ever there was one[21] ».

Le désarmement

Le second grand thème relevant des affaires internationales abordé par La Mère Éducatrice est celui du désarmement. C’est en 1920 que la revue, sous la plume de Madeleine Vernet, lance un premier appel en faveur du désarmement :

Nous [les mères] voulons que disparaissent les armées et les casernes. Car, tant qu’existeront les armées permanentes, la menace de la guerre sera sans cesse suspendue sur nos têtes. Eh! bien, nous autres, les Mères, nous réclamons la suppression des armées permanentes. Nous réclamons le désarmement général qu’on avait promis à nos martyrs[22].

Dans l’immédiat de l’après-guerre, c’est pour que les soldats, ces fils des mères françaises, ne soient pas morts en vain que La Mère Éducatrice réclame le désarmement général. À cette époque, le souvenir de la Grande Guerre est encore bien présent dans la mémoire des gens qui voient encore, jour après jour, l’impact de la guerre sur leur vie[23]. En s’adressant aux mères qui ont perdu un fils à la guerre, La Mère Éducatrice cherche à intéresser les femmes françaises à un enjeu que plusieurs considèrent comme appartenant exclusivement aux hommes politiques et aux chefs d’État.

La fin des années 1920 marque toutefois un tournant important dans l’engagement pacifiste de Madeleine Vernet et dans celui de La Mère Éducatrice. En 1928, Vernet fonde une association pacifiste mixte (accueillant aussi bien les hommes que les femmes) nommée La Volonté de Paix. Cette association, inspirée par le pacte Briand-Kellogg (1928), demande la mise hors-la-loi de la guerre tout en exigeant le désarmement immédiat des nations. Pour Vernet, qui s’était déjà montrée réticente face aux associations mixtes qu’elle considérait comme « complètement masculinistes » où « on sentait bien que la femme n’existait pas[24] », la création de La Volonté de Paix témoigne d’un changement important dans son engagement militant. Selon l’historien Norman Ingram, La Volonté de Paix est un bon exemple du « pacifisme nouveau style » qui naît vers la fin des années 1920[25]. Il n’est pas surprenant de constater que le bouleversement dans le pacifisme de Madeleine Vernet, dont l’influence sur La Mère Éducatrice est indéniable, provoque un changement important dans la revue. Bien qu’elle soit toujours adressée aux mères et aux femmes françaises, au début des années 1930 La Mère Éducatrice adopte le discours pacifiste dominant « masculin » lorsque vient le temps de parler des affaires internationales.

La conférence sur le Désarmement

L’annonce de la tenue d’une Conférence du Désarmement, qui se tiendra au siège de la Société des Nations ( SDN ) à Genève à partir de février 1932, est accueillie avec optimisme, mais aussi avec beaucoup de méfiance par La Mère Éducatrice. Dès avril 1927, Madeleine Vernet souligne l’importance que représente cette conférence pour les pacifistes : « La Conférence du Désarmement va encore une fois se tenir à Genève. Le désarmement mot magique et qui contient nos espoirs, à nous, les pacifistes intégraux[26] ». Pour les contemporains, la rencontre à Genève est d’une importance cruciale. Comme le note Zara Steiner, les millions de pétitions qui arrivent de partout dans le monde expriment l’« espoir de paix » des signataires[27]. Carl Bouchard, dans son étude sur l’envoi de lettres à la SDN lors de l’entre-deux-guerres, note également l’importance et le test ultime que représente la conférence sur le Désarmement pour la population. En effet, la conférence marque l’apogée de l’envoi de lettres collectives et individuelles à Genève[28]. Consciente de l’importance de cette conférence, La Mère Éducatrice se désole toutefois de voir, en 1927, que « les grandes puissances sont cramponnées à leur prépondérance militaire » et qu’« aucune ne veut entendre parler de désarmement[29] ». La revue est d’autant plus consternée que le sort de la paix soit placé entre les mains des dirigeants politiques de ces nations.

La Conférence du Désarmement donne l’occasion à La Mère Éducatrice de s’intéresser aux travaux de la SDN. Jusqu’au début des années 1930, la revue s’est peu penchée sur le cas de cette organisation internationale[30]. La création de la SDN avec le Traité de Versailles en 1919 a soulevé plusieurs réactions au sein des mouvements pacifistes. Plusieurs avaient souhaité une Société des Nations dans laquelle les peuples auraient joué un rôle central, ce qui ne fut pas le cas[31]. En 1930, R. Joly, un instituteur et collaborateur de la revue, note les problèmes qu’engendre une SDN contrôlée par les États : « La paix, la véritable paix des peuples ne saurait être sauvegardée par ces hommes de Gouvernements : ceux-ci sont soumis à trop d’intérêts inavouables[32] ». En conséquence, plusieurs pacifistes n’ont pas confiance dans ces gouvernements qui, à leur avis, ne pensent qu’à leurs intérêts politiques et économiques. Cette idée est clairement exprimée par Madeleine Vernet dans un article publié en 1932 :

La SDN est une assemblée de nations, ce n’est pas une assemblée d’individus. La Chine et le Japon, actuellement en guerre, ont leurs représentants à la SDN. Il ne peut y avoir d’unité d’esprit dans la participation de ces délégués au travail de la Conférence, puisqu’ils représentent deux collectivités nationales dressées l’une contre l’autre. Les représentants de la Russie soviétique ne peuvent pas se rencontrer en unité d’esprit avec les représentants d’un monde étayé sur le capitalisme. Les représentants de l’Allemagne ne peuvent pas se rencontrer en unité d’esprit avec les représentants des diverses nations qui furent leur ennemi pendant la guerre de 14-18[33].

Face au mécontentement engendré par la SDN, et par le même fait, la Conférence du Désarmement, un groupe de pacifistes mené par Madeleine Vernet organise une Conférence « libre » du Désarmement à Paris les 23 et 24 avril 1932 afin d’y dénoncer l’hypocrisie du plan Tardieu, le représentant de la France à la conférence de Genève, et d’y présenter ce qu’elle considère être les souhaits de la majorité de la population française. Les conclusions de cette conférence « libre » sont présentées dans un article publié en avril 1932 par Madeleine Vernet[34].

Il est donc clair, à la lecture de La Mère Éducatrice, que la Conférence du Désarmement représente un moment crucial dans l’obtention de la paix durable. Un échec signifierait que les individus ont à nouveau été trompés par les intérêts nationaux[35]. En avril 1933, Madeleine Vernet fait part de sa vive impression que la conférence n’aboutira à rien : « Les illusoires dangers d’un désarmement cent fois ressassés par une presse servile, vendus à la finance, sont le paravent derrière lequel manoeuvrent, silencieusement, les fournisseurs des armées. C’est eux qui sont embusqués, à Genève, derrière la Conférence du Désarmement qui, grâce à eux, va fort probablement avorter[36] ». Vernet avait vu juste, la réussite tant espérée par les pacifistes ne se concrétisera pas : en octobre 1933, Hitler quitte la conférence, puis, en 1934, l’Allemagne se remilitarise. Avec elle disparaît l’espoir de désarmement universel qui aurait apporté la paix durable. Certes, les mouvements pacifistes ne disparaissent pas avec l’échec de la conférence, mais nous assistons, avec la remilitarisation de l’Allemagne, à l’apparition de nouveaux mouvements pacifistes/antifascistes qui recadrent le mouvement français pour la paix dans le contexte de la menace allemande.

La voix des femmes…

Malgré l’échec de la Conférence du Désarmement en 1934, La Mère Éducatrice continue de s’intéresser aux questions de paix et aux affaires internationales jusqu’en 1939. L’entrée en guerre vient toutefois briser les rêves de paix de Madeleine Vernet et de sa revue. Il ne faut cependant pas voir le travail de La Mère Éducatrice comme un échec. Au contraire, la revue a permis à plusieurs femmes, qu’elles soient intellectuelles ou non, de se questionner, de s’instruire et, jusqu’à un certain point, de participer aux affaires internationales de l’époque, que ce soit lors de l’occupation de la Ruhr avec l’aide humanitaire ou avec la Conférence « libre » du Désarmement de 1932. La Mère Éducatrice devient pour plusieurs femmes dépourvues du droit de vote et donc exclues des affaires internationales, un domaine d’action politique à l’intérieur duquel elles peuvent échanger et dialoguer entre elles. Malgré les risques encourus par l’entrée des femmes dans la sphère politique, risque d’être incomprise ou encore d’être tout simplement ignorée en raison de leur sexe, La Mère Éducatrice a pris une position claire sur de nombreux enjeux internationaux et a cherché à éduquer les femmes sur ces questions. Étant lues par des femmes provenant de divers milieux sociaux et géographiques et ne partageant pas nécessairement les idéologies et les positions avancées dans la revue, La Mère Éducatrice a dû trouver un moyen de concilier son message avec son public. C’est, entre autres, grâce à l’utilisation d’un discours maternaliste, faisant le lien entre les enjeux internationaux et la vie quotidienne des femmes, que la revue y est parvenue. Nous constatons toutefois, avec l’arrivée des années 1930, un passage vers un discours plus « masculin ». Il ne s’agit toutefois pas d’un cas spécifique à La Mère Éducatrice : Norman Ingram, par exemple, note le même phénomène pour la LIFPL[37]. Ce changement, ses raisons et ses conséquences méritent une étude plus approfondie afin de savoir s’il s’agit d’un désir des femmes d’adhérer au discours dominant ou encore d’une ouverture de la part du mouvement masculin face aux femmes pacifistes. Entre 1919 et 1933, La Mère Éducatrice a donc investi le champ des relations internationales avec des débats qui n’ignorent aucune des grandes questions de politique internationale de l’époque.