Recensions

Gildea, Robert. Fighters in the Shadows. A New History of the French Resistance, London, Faber & Faber, 2015, 593 p.[Record]

  • Vincent Houle

…more information

  • Vincent Houle
    Candidat au doctorat en histoire, Université de Montréal—Canada, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne—France

Prenez note qu’en raison des retards qui ont affecté sa production, ce volume 33, n° spécial (double) est publié en 2017, mais enregistré pour l’année 2015.

Dans Fighters in the Shadows, Robert Gildea propose de rendre sa diversité à la Résistance française. Le professeur à l’Université d’Oxford et éminent spécialiste du vingtième siècle français annonce une nouvelle histoire de la Résistance sous la forme d’une synthèse qui croise d’une part, une approche « par le haut » diachronique, et d’autre part, une approche « par le bas » qui laisse place à des voix nombreuses et diverses. La première partie du titre apparaît alors particulièrement judicieuse : avec une histoire construite autour des individus, Gildea tend l’oreille à ces « combattant(e)s » de l’ombre qui se trouvent, en outre, « dans l’ombre » des récits mainstream de la Résistance métropolitaine. Sa méthode, héritière d’une historiographie récemment renouvelée, offre un récit dont les sources primaires sont exclusivement des témoignages oraux et écrits, témoignages qui sont considérablement réinvestis depuis les années 1990 suite à la publication phare de Rod Kedward, In Search of the Maquis (1993) après avoir été dédaignés par certains représentants d’une génération de résistants devenus historiens. La trame principale de l’ouvrage, articulée autour des négligés de l’historiographie traditionnelle, s’inspire également des récentes tendances, comme le montre la place de choix des résistantes dans ce même ouvrage précurseur de Kedward. La démarche de Gildea se fonde sur le postulat que plusieurs formes de réappropriations mémorielles de la Résistance se sont chevauchées et succédé depuis la Libération, et qu’il est particulièrement nécessaire de questionner ces interprétations puisque la Résistance est un constituant central de l’identité française. Bien que les discours identitaires depuis les mythes gaullistes et communistes jusqu’à l’interprétation d’une Résistance humaniste et universelle d’aujourd’hui rendent d’importants services politiques, ils n’ont jamais exercé une hégémonie sur l’esprit des Français. Gildea croit que les témoignages sont les meilleures traces de la subjectivité individuelle de l’expérience résistante, tout comme de la signification que les acteurs ont donnée à leur vécu après coup, et qu’ils divergent ainsi des interprétations identitaires dominantes. Les six premiers chapitres explorent les motivations de l’entrée en résistance. Certains, tels les chapitres 1 (Awakening) et 2 (Il faut faire quelque chose) dressent une série de portraits certes captivants, mais qui ajoutent peu à notre compréhension des motifs d’engagement ou des fondations des premières organisations. D’autres chapitres s’avèrent, en revanche, particulièrement pertinents et légitiment à eux seuls l’approche « par le bas » de l’ouvrage. À travers plus d’une vingtaine de témoignages, le chapitre 5 (Une affaire de femmes) montre que les conventions sociales liées au genre confinent généralement celles qui désirent entrer en résistance à des rôles « féminins » et à être exclues de l’action militaire. Malgré la différenciation genrée, les femmes sont cruciales à la Résistance, tant par leur nombre que par leurs rôles souvent bien plus importants que ce qui était attendu d’elles. Les chapitres 7 (God’s Underground) et 8 (The blood of others), qui soulignent respectivement l’importance de la résistance religieuse (catholique, protestante et juive) et l’engagement d’étrangers dans la Résistance française, brillent aussi par leur pertinence. En raison de l’apport significatif d’Espagnols, d’Italiens, de Polonais et d’immigrés de nombreux pays du centre et de l’est de l’Europe, Gildea conclut que « it may be more accurate to talk less about the French Resistance than about resistance in France » (p. 239). Cette proposition mériterait d’être développée davantage avant d’être adoptée, puisque le terme « Résistance française » conserve à notre avis sa légitimité lorsqu’il indique une résistance pour la France. Les chapitres 9 à 15 reprennent un cadre plutôt classique et couvrent chronologiquement une période qui commence au moment du …