Temps et espaces. Perspectives sur les échelles d’étude du passé

Introduction. Temps et espaces, l’historien et la question des échelles[Record]

  • Florence Prévost-Grégoire and
  • Carol-Ann Bellefeuille

…more information

  • Florence Prévost-Grégoire
    Candidate au doctorat en histoire, University College Dublin—Irlande

  • Carol-Ann Bellefeuille
    Maîtrise en histoire contemporaine, Université de Montréal—Canada

Peu abordée en histoire, la question des échelles se trouve aujourd’hui au coeur des réflexions sur le renouvellement de la discipline. En effet, l’apparition du courant postcolonial ainsi que le tournant international des années 1990 ont eu pour conséquence de remettre en cause l’échelle à la base de l’institutionnalisation de la discipline historique : l’échelle nationale. Pour les tenants du postcolonialisme, les trames nationales traditionnelles camouflent des structures de pouvoir qui ont pour effet de masquer l’histoire de groupes marginalisés. Pour les historiens du tournant international, l’histoire nationale ne prend pas assez en considération les liens entre les États. Les premiers proposent alors d’investir une histoire dite post-nationale qui mettrait l’accent sur la notion d’empire et sur l’impact de l’expérience coloniale dans les colonies et dans les métropoles, l’objectif final étant de « provincialiser » l’histoire et d’éliminer l’eurocentrisme. Les deuxièmes proposent quant à eux de continuer à réfléchir à la nation en mettant l’accent sur des éléments nouveaux : les échanges et les circulations. Reconnaissant l’importance du concept « national » comme réalité historique, des historiennes comme Glenda Sluga et Patricia Clavin croient qu’en replaçant la nation dans un contexte plus large, il sera plus aisé de comprendre comment cette dernière s’est formée. Ainsi, les approches découlant du tournant international, l’histoire transnationale, mondiale et globale ont ouvert les historiens à une panoplie d’objets d’étude qui avait été auparavant ignorée. L’État et la nation ne sont plus au centre des considérations de l’historien et on s’intéresse de plus en plus aux organisations internationales comme la Société des Nations, l’Organisation des Nations Unies ou encore aux organisations non-gouvernementales. Si la réflexion sur les échelles n’est pas complètement nouvelle (on peut entre autres penser au courant de la micro histoire en Italie dans les années 1970) et qu’il serait un peu simpliste de dire qu’il n’y a jamais eu de jeux d’échelles au sein même de l’histoire nationale, le contexte d’intensification de la globalisation a entrainé des questionnements qui vont au-delà de la remise en cause de l’histoire nationale. Le sentiment d’urgence causé par les changements climatiques a, par exemple, généré un retour à une nouvelle histoire universelle qui brise des barrières et remet sérieusement en question les frontières spatiales et temporelles traditionnelles. Pour les historiens David Christian et Dipesh Chakrabarty, l’utilisation d’échelles traditionnelles ne permettent pas de répondre aux questionnements et aux enjeux humains actuels. Selon eux, l’histoire ne devrait pas se limiter à analyser de courtes périodes historiques et ne devrait pas systématiquement opérer de distinction entre l’histoire humaine et l’histoire naturelle. Pourtant, si les échelles sont bousculées, il n’existe que très peu de réflexions sur le sujet. L’objectif du XXIIIe colloque international interdisciplinaire de l’AEDDHUM était donc de palier à ce manque en proposant aux jeunes chercheurs de réfléchir aux conséquences et aux possibilités qu’implique le choix d’une, de plusieurs ou de différentes échelles spatiales et temporelles pour l’étude historique. Les contributions ici rassemblées témoignent de la diversité des réflexions présentées lors du colloque, où il a été question d’études locales et mondiales, de biographie et d’histoire globale, et de tous les niveaux que l’on trouve entre les deux. Par des commentaires historiographiques, des analyses méthodologiques et des études de cas, les auteurs et auteures des présents actes rappellent que le choix d’un point de vue et d’un cadre d’analyse n’est pas anodin. En s’intéressant au « repas-de-quartier » de l’agglomération Arnaud-Bernard, dans Toulouse, Alicia Bouchot prend ainsi le parti de l’échelle très locale du quartier, voire de la rue, pour comprendre comment se crée le vivre-ensemble et la façon dont l’intégration à une communauté spatiale est …

Appendices