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Ce volume, première étape de l’élaboration d’un commentaire de la Chronique, est issu d’un colloque présenté à l’Université de Tübingen en mars 2014. Les contributions sont variées et couvrent de nombreux thèmes, divisés en trois parties : la personne de Jean Malalas, le genre littéraire de la Chronique et les liens entre celle-ci et d’autres textes contemporains ou postérieurs.

Le but du volume est de tracer de nouvelles pistes de recherche. Bien que l’accent soit plutôt mis sur les questions philologiques et historiques, ce qui ne constitue pas une nouveauté dans les études sur Jean Malalas, la plupart des contributeurs réussissent à offrir de nouvelles interprétations à des questions anciennes. Les deux contributions qui touchent à la position théologique de Malalas, celles de Henning Drecoll et Fabian Schulz, offrent de nouvelles méthodes pour tenter de régler une vieille question. Schulz, notamment, s’attarde à l’histoire de la pomme de la discorde lors du règne de Théodose II et argue, en comparant les différents fragments, que la version transmise par le Baroccianus a des accents chalcédoniens qui n’étaient pas présents chez Malalas, ce dernier favorisant plutôt la position monophysite, plus clémente envers Théodose II.

Dans une même optique d’offrir de nouvelles perspectives à de vieux débats, le genre littéraire de la chronique fait l’objet de discussions fécondes. Michael Kulikowski et Richard Burgess initient la section dédiée au genre de la chronique en montrant qu’il possède une longue histoire dont les chroniques byzantines sont héritières. Selon les critères établis par les deux auteurs pour caractériser les chroniques (entrées annuelles et brèves par exemple), le texte de Malalas ne peut appartenir à ce genre littéraire et constituerait plutôt un epitome. Geoffrey Greatrex montre, quant à lui, que les différences entre Procope de Césarée et Jean Malalas sont moins grandes qu’on le pense, puisque les deux auteurs se complétaient dans la narration des évènements, utilisaient des sources officielles et s’adressaient au même public. Il incite aussi à la prudence face à toute tentative de reconstituer la pensée de Jean Malalas, en raison du caractère abrégé du Baroccianus. Toutefois, ces contributions restent cantonnées à l’étude des genres littéraires et évitent de se questionner sur les aspects idéologiques et politiques du texte. La Chronique propose des représentations du temps et de la société qui diffèrent des autres auteurs de l’époque. Ces différences ne peuvent être étudiées si l’on se borne à étudier la valeur du texte comme « source » ou à évaluer sa conformité à un genre littéraire précis.

Les contributions les plus stimulantes du volume sont sans aucun doute celles qui laissent une plus grande place à la dimension littéraire de la Chronique. En ouverture, Johann Martin Thesz, dans un des articles les plus intéressants du volume, montre que l’absence d’utilisation directe des textes classiques chez Malalas ne témoigne pas de la vocation populaire de sa Chronique, mais illustre plutôt l’avènement d’une paideia chrétienne qui ne se conforme plus au grec atticisant et aux modèles issus des classiques. Malalas fait partie des auteurs comme Romanos ou Jean de Tella qui rejettent la culture classique prônée par d’autres, comme Procope de Césarée. La contribution d’Elizabeth Jeffreys se concentre quant à elle sur les problèmes liés à la transmission du texte et aux nombreuses variantes existantes. Loin d’être un texte figé, la Chronique a, selon Jeffreys, souvent été modifiée et circulait en différents exemplaires, ce qui nous oblige à revoir notre conception du texte comme celui d’un seul auteur. Tout aussi féconde est la contribution de Philippe Blaudeau qui, en comparant la version abrégée de la Chronique aux extraits compilés dans les Fragmenta Tusculana et dans le De Insidiis, parvient à reconstituer le portrait de Justinien élaboré par Malalas. Ce dernier insiste sur des qualités telles que l’usage de la crainte pour gouverner, mais aussi la repentance, la modération et la capacité de pardonner face aux offenses, pour présenter Justinien comme un empereur pieux. Ces contributions nous amènent à aborder le texte dans une perspective nouvelle, plus axée sur les représentations et sur les aspects littéraires tels que la fonction de l’auteur.

Un nombre important de contributions sont liées à la Quellenforschung. Anne-Marie Bernardi et Emmanuèle Caire examinent le rapport entre la chronologie et la narration des événements dans la Chronique. Christian Gastgeber et Erika Juhász se concentrent sur les différents liens entre la Chronique de Jean Malalas et la Chronique Pascale. Pia Carolla examine la version de la Chronique transmise par les extraits du De Insidiis et souligne les nombreuses divergences entre ces extraits et le texte de la Chronique. Sergei Mariev offre un panorama des problèmes engendrés par l’édition du texte de Jean d’Antioche et résume les contributions des philologues sur la question. Umberto Roberto s’intéresse quant à lui à l’utilisation de Jean Malalas par Jean d’Antioche ; Dariusz Brodka fait de même en ce qui concerne l’Histoire ecclésiastique de Nikephoros Xanthopulos Kallistos.

En conclusion, les contributeurs ont réussi à apporter de nouvelles perspectives aux vieux débats qui taraudent ceux qui s’intéressent à la Chronique. La diversité des questions couvertes dans le volume doit être saluée. On aurait toutefois souhaité que les sujets périphériques, tels que l’usage de Malalas comme source chez des auteurs postérieurs, occupent une moins grande place et que de nouvelles questions soient amenées, notamment quant à l’aspect socio-littéraire du texte.