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L’ouvrage de Pierre-Luc Brisson s’intègre parfaitement dans la collection « Autour de l’événement » des Presses de l’Université Laval dans laquelle il est publié. L’étude dresse un portrait de Titus Quinctius Flamininus, qui permet notamment d’analyser le contexte de sa déclaration de la liberté des cités grecques.

Précédée d’un avant-propos de Gaétan Thériault (XIII–XVIII), le livre s’ouvre par une introduction (p. 1–8) qui dresse rapidement le contexte de l’ouvrage, à savoir le moment charnière où la Rome Républicaine s’immisce dans les affaires de la Grèce à travers les Guerres de Macédoine, et plus particulièrement, la seconde dans laquelle s’illustre le personnage clé de l’étude : Titus Flamininus. Ce dernier est au coeur de l’étude qui couvre les années 208–194 : de la date de son entrée en politique, jusqu’au départ de Grèce des troupes sous son autorité.

Pour mieux saisir la « politique pragmatique et cohérente » de Flamininus (p. 4) et en restituer le portrait complexe, Brisson analyse, dans le chapitre 1 (p. 9–29), la place du proconsul dans l’historiographie moderne, tentant d’expliquer pourquoi celui-ci fut relégué dans l’ombre d’autres généraux romains tels Scipion l’Africain, Paul-Émile et Scipion Émilien. Il démontre que Flamininus n’était pas une figure secondaire, un simple « philhellène romantique », dont l’action politique était subordonnée (p. 11). Il analyse ensuite les auteurs antiques qui abordent la vie de Flamininus (ou la seconde guerre de Macédoine), notamment Polybe, Tite-Live et Plutarque, en accordant une importance aux objectifs littéraires de chacun d’eux.

Dans un second chapitre (p. 31–71), Brisson élargit le contexte social et culturel en décrivant les institutions politiques et sociales de la société romaine de l’époque, tout en détaillant les étapes de la carrière de Flamininus en Italie. À juste titre, il met l’emphase sur son commandement à Tarente qui aurait eu un impact important, « voire fondamental », sur le développement de sa carrière (p. 34 et 44), et où se serait affiné son penchant pour la culture et la tradition politique grecques (p. 40). Cette expérience aurait joué dans la décision du Sénat lors de son élection comme consul en 198. Il aborde également dans ce chapitre des aspects de l’hellénisation de la société romaine et les étapes de l’adoption de la culture grecque à Rome.

Dans un troisième chapitre (p. 75–137), il esquisse les activités de Flamininus en Grèce : son arrivée en Grèce en 198, les négociations avec Philippe V, sa victoire à Cynocéphale en 197, et notamment la déclaration de liberté des cités grecques en 196, et particulièrement, le rôle de Flamininus dans la promotion de cette idée.

Il adresse également les pratiques politiques des monarchies hellénistiques et le concept de liberté pour les Grecs, dont Flamininus aurait habilement saisi l’importance et desquels il aurait habilement fait usage au profit des intérêts de Rome lors de la mise en scène de la fameuse déclaration à l’Isthme de Corinthe.

L’appropriation de modèles grecs hellénistique est aussi manifeste par un document d’exception ensuite abordé par Brisson (et illustré en couverture) : le monnayage d’or à l’effigie de Flamininus (pp. 106–115)[1], dont l’émission constitue le premier exemple d’un portrait de Romain encore vivant sur un monnayage. L’émission frappée selon l’étalon attique possède toutes les caractéristiques d’une monnaie grecque à l’exception de la légende en latin. Le style est grec, le portrait rappelle celui même de Philippe V et le revers reprend la typologie du monnayage d’or d’Alexandre le Grand qui circule encore au début du IIe siècle.

Le débat entourant l’émetteur de ce monnayage (autorité émettrice, lieu d’émission) est cependant encore incertain et ne fait pas, comme l’avance Brisson (p. 111) l’objet d’un « net consensus[2] ». Aucun élément concluant ne permet d’affirmer que c’est bien Flamininus qui est l’émetteur de l’émission, bien que l’hypothèse soit séduisante. D’ailleurs comme le souligne A. Campana, le Sénat n’aurait pas toléré une telle manifestation d’autonomie[3]. Il est plus probable que cette émission ait été émise par une cité grecque ; Chalcis en Eubée, où il fut honoré d’un culte de son vivant (p. 128), a notamment été pressentie.

On regrettera que Brisson ne donne les bonnes références pour les monnaies illustrées, en particulier pour celles de Paris les numéros de notices fournies ne peuvent servir de référence. Pour le bénéfice des lecteurs, nous donnons les numéros de références appropriés : fig. 3.3 (1883/378) ; fig. 3.4, (1973.1.76 (coll. Seyrig)) ; fig. 3.5, (Delepierre 972).

Malgré ces remarques sur les monnaies, qui servaient bien le propos de l’habile utilisation des codes hellénistiques par Flamininus, l’étude est bien menée et fournit une démonstration convaincante que Flamininus était un homme d’État habile au service de Rome, et pas seulement à la recherche de gloire personnelle.