Introduction

  • Renée Bourassa and
  • Jean-Marc Larrue

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  • Renée Bourassa
    Université Laval

  • Jean-Marc Larrue
    Université de Montréal

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Cover of tromper, Number 42, Fall 2023, Intermédialités / Intermediality

L’écosystème socionumérique actuel est marqué par la prolifération des puissances du faux qui atténuent considérablement notre capacité à détecter les manifestations de tromperie. Selon une perspective d’intermédialité, les objets visés par ce numéro se trouvent à la fois dans le domaine des « arts trompeurs », ces pratiques artistiques — historiques ou plus récentes — où interviennent des stratégies de tromperie, de simulation et d’illusion, et dans l’écosystème socionumérique contemporain, où se produisent des phénomènes de désinformation engendrés notamment par la reconfiguration des dynamiques de médiation. Les deux régimes suscitent des imaginaires sociaux qu’il s’agit d’examiner en les mettant en relation pour mieux en exposer les rouages. C’est bien la mise en tension entre ces deux sphères, artistique et informationnelle, où se manifestent les mécanismes et les stratagèmes de la tromperie, allant de l’illusion au subterfuge, de la supercherie à la duperie, que ce numéro examine. Ainsi, il s’agit de croiser les champs artistiques et ceux de la communication et de l’information autour du concept de tromper dans ses multiples facettes pour en éclairer les ressorts et les dispositifs. Ces phénomènes ne sont pas nouveaux. Ils découlent du très ancien art du mensonge, de la (dis)simulation ou de la tromperie (IACCARINO) dont les manifestations sont multiples, tant dans les pratiques artistiques (arts vivants [théâtre, spectacle de magie], littérature, cinéma) que dans le milieu informationnel et socionumérique actuel, où ils ont pris des configurations inédites alors que se dessine un régime que l’on a qualifié de post-vérité où les faits et les opinions sont sinon indifférenciés, du moins mis sur un même pied et où les instances susceptibles de départager le vrai du faux se multiplient en s’opposant et se concurrençant les unes les autres (BOURASSA, ROUIBI, SCHERZINGER). Soulignons que dans cet espace intermédial aux multiples embranchements où se construisent les dynamiques de médiations, les médias ne se remplacent pas les uns les autres, mais se cumulent dans des effets d’interdépendance et d’amplification, alors que les frontières — entre les genres, entre les médiations — se brouillent. Commençons par ces pratiques artistiques qui jouent depuis longtemps sur les multiples ressorts de l’illusion, qu’ils soient occultés ou affichés, afin de divertir, et que, avec quelques collègues, nous avons qualifiées d’« arts trompeurs », empruntant l’expression à Charles Patin, un observateur attentif de la scène culturelle européenne du 17e siècle. Les circonstances qui l’ont mené à forger cette catégorie artistique valent d’être rapportées en ouverture de ce dossier. Alors qu’il effectue un long voyage à travers l’Europe centrale, la Suisse et l’Angleterre, Charles Patin, « Docteur Médecin de la Faculté de Paris » (1633–1693), s’arrête à Nuremberg où il assiste, pour la première fois de sa vie, à une séance de lanterne magique organisée par un moine capucin réformé du nom de Grundler. Cette expérience, qui a sans doute lieu en 1671, a eu sur lui un effet durable. Elle a été précédée d’une rencontre entre le médecin et le moine au cours de laquelle ce dernier a tenté de convaincre son interlocuteur français du bien-fondé de la Réforme et des errements de l’Église catholique. Patin revient sur cet épisode dans le récit qu’il fait de ce voyage dans un ouvrage paru trois ans plus tard sous le titre Relations historiques et curieuses de voyages, en Allemagne, Angleterre, Hollande, Bohême, Suisse, etc.. Ce n’est pas tant la description de ce qu’il a vu alors qui nous a interpellés, malgré l’intérêt de ce témoignage rare et précoce pour l’histoire de la lanterne magique, mais la réflexion qu’il en a tirée. Si Patin n’a pas été très sensible aux arguments religieux du moine, …

Appendices