Abstracts
Résumé
Par l’analyse des personnages fabulateurs dans l’oeuvre du cinéaste Pedro Almodóvar, puisant dans l’analyse textuelle, l’esthétique, la théorie du personnage au cinéma et la philosophie, cette étude trace les modalités sémiologique, esthétique et éthique d’une poétique de la fabulation, placée sous le signe de l’authenticité et du désir. Elle fait du personnage filmique un lieu où la fiction travaille le réel pour objectiver les subjectivités plurielles et dire vrai.
Abstract
This study analyses the fabulist characters in the work of filmmaker Pedro Almodóvar. Through textual analysis, aesthetics, and the theory of character in cinema and philosophy, it traces the semiological, aesthetic, and ethical modalities of a poetics of fabulation, placed under the sign of authenticity and desire. It makes the filmic character a place where fiction works on reality to objectify plural subjectivities and tell the truth.
Article body
« Toi, tu aimes bien affabuler ! Je me demande de qui tu tiens cela[1]. » Telle est l’exaspération d’une mère, Jacinta, interprétée par Penélope Cruz, devant les récits fantasques que son fils, futur cinéaste, forge dans Douleur et gloire (Dolor y gloria, 2019[2]), au gré d’associations improbables d’images doubles puisées dans le réel. Liz Taylor, s’imagine-t-il devant les photographies de deux acteurs homonymes trouvées dans une tablette de chocolat, reprisait-elle, comme sa mère pour lui, les chaussettes de Robert Taylor[3] ?
Cette constante du redoublement comme terreau du processus créatif dans l’oeuvre du cinéaste a été maintes fois analysée, tantôt comme témoignant selon Pascale Thibaudeau[4] d’un maniérisme qui trouve « dans l’art de la citation cryptée[5] » un « mouvement vital continu[6] » de création filmique métaphorisée dans la figure de la greffe, tantôt comme relevant selon Mireille Raynal-Zougari d’un queer kitsch qui sert d’écrin à un mouvement permanent de transfert d’identités et de formes transitoires à travers différents doubles du cinéaste qui lui permettent de se regarder dans un processus réflexif dynamique inachevé de création[7].
Ce texte propose de dépasser le caractère soit artificiel du maniérisme et soit uniquement réflexif de ce redoublement pour explorer par l’analyse textuelle des personnages figurant le cinéaste, éclairée par la philosophie, une dimension herméneutique engageant à travers eux, par le mécanisme de la fabulation, une quête identitaire qui prend une dimension universelle par la poétique qu’elle sous-tend.
La « loi du désir » des personnages fabulateurs
Pour introduire ses Conversations avec Almodóvar, c’est la notion emblématique de « désir » que Frédéric Strauss choisit pour qualifier ses films et que nous privilégions nous aussi pour qualifier sa poétique, car tous ses films « développent des récits sinueux où l’amour et les désirs se perdent et s’aventurent en toute liberté dans les dédales de l’imagination fertile. Mais cela n’empêche pas le désir d’y être toujours immédiatement identifié, déclaré impérieusement, comme une loi qui dirigera les personnages[8]. »
Le cinéaste place lui-même sa pratique artistique sous l’égide de cette même notion. Début 1986, déçu par la production médiocre du film Matador (1986), dont la promotion à l’international n’est pas aussi conséquente que l’important budget du film, Pedro Almodóvar crée avec son frère Agustín sa propre société de production El Deseo, en français « Le désir », pour produire La Loi du désir (La Ley del deseo, 1987), et se garantir une totale liberté de création[9]. L’ouverture du film donne les modalités de cette poétique du désir qui régit la fabulation des films de Pedro Almodóvar dont ses personnages endossent tour à tour le rôle.
Le générique de ce film ancre son récit dans la tradition littéraire : derrière des papiers rouges froissés qui servent de cartons pour présenter les acteurs et que l’on tourne comme les pages d’un roman, le cinéma, écriture de lumière, rend lisible leur nom écrit, en éclairant le plan depuis la profondeur du champ, formant autour de l’écrit un rond blanc lumineux sur fond rouge. Ce préambule nous rappelle les points communs que le personnage littéraire et le personnage filmique partagent. Au cinéma comme en littérature, l’accès au personnage n’est jamais direct, mais est le résultat d’une construction textuelle du lecteur-spectateur que le froissement du papier et le travail de la lumière métaphorisent. Au cinéma, néanmoins, « l’illusion anthropomorphique nous fait croire que le personnage s’incarne en une personne », alors qu’en réalité, il « n’a d’existence […] que dans un monde fictionnel que nous imaginons et édifions avec des bribes de notre propre monde de référence[10] ». La première séquence de La Loi du désir joue sur cette illusion : un acteur non crédité au générique de début répond aux injonctions d’une voix hors champ qui le dirige. Le film diffère un moment cette incarnation du nom des acteurs annoncés et continue dans cette séquence de décliner les moyens d’expression propres au cinéma : au langage écrit des cartons et à l’écriture par la lumière, s’ajoutent ensuite le récit oral de la voix hors champ et l’interprétation par un acteur qui interagit avec son environnement et simule pour de l’argent un désir qui n’est pas le sien. Mais, par la grâce du montage, la situation se complique lorsque l’origine de la voix est révélée : tout en conservant les traces des matières d’expression filmique précédentes par la présence d’un scénario écrit à l’arrière-plan, d’une lumière qui l’éclaire et d’un micro qui capte les voix, apparaissent à l’écran deux hommes. Ils doublent en postproduction la scène et gémissent dans le micro sans se regarder, en suivant scrupuleusement le dialogue écrit devant eux, sans que l’acteur, dont cette voix semblait pourtant diriger l’action, puisse donc les entendre.
Dans ce hiatus entre l’image et la parole réside ce que Gilles Deleuze nomme « l’acte de fabulation » dans Cinéma 2. L’image-temps, lorsque la parole, en se dissociant de l’image, crée l’événement, prend « la valeur d’une indirecte libre[11] » comme le ferait la légende d’une image, et apporte par ce hiatus un quiproquo qui introduit du fictif dans le réel, fût-il dans cette séquence réfléchi par le récit filmique. Ni mensonge ni oubli, la valeur créative de cette pure fiction permet, selon le philosophe, à la vérité de la fabulation d’advenir. Dans le chapitre 6, « Les puissances du faux », le philosophe prend l’exemple du cinéma-vérité de Jean Rouch et de la modernité de John Cassavetes dont le personnage ne dit « vrai » que dans la mesure où il « ne cesse de passer la frontière entre le réel et le fictif[12] » et où le film exacerbe la subjectivité du point de vue au profit de la valeur créatrice et productrice de la pure fiction qui prend le contre-pied des récits dominants qui façonnent le monde[13]. Dans cette ouverture de film, les acteurs devenant personnages sont comme « les maîtres fous » du film homonyme de Jean Rouch analysé par Gilles Deleuze, possédés par un désir feint, qui leur fait perdre un moment leur identité sociale, de sorte qu’ « il[s] devien[nen]t autre[s][14] ». Telle « l’affabulation réalisante » chez Rohmer dans ses Contes moraux (1963–1972), analysée par Marion Vidal et convoquée par Deleuze dans ses analyses sur l’acte de fabulation, le mensonge est aussi dans l’oeuvre d’Almodóvar un principe cinématographique dont la finalité est « par la magie du verbe, de donner corps à une réalité impalpable[15] ». Mais au cinéma les moyens comme les matières d’expression de ce verbe sont pluriels et hétérogènes : langage, récit, interprétation par un acteur, montage, bande image pouvant accueillir des notations graphiques, et bande sonore avec ses mots, sa musique et ses bruits. Le tout forme l’image filmique générée par le défilement d’une pellicule que l’on projette[16].
Dans la séquence suivante, le carton titre « La Loi du désir » qui fige l’image organisée autour du titre et des trois personnages, continue de compliquer encore cette situation en ajoutant à la scène érotique et aux voix qui la redoublent, un troisième niveau d’enchâssement. Les acteurs annoncés dans le générique incarnent enfin leur personnage : le rideau se ferme sur ces premiers plans qui s’avèrent être un récit filmique enchâssé visionné dans une salle de cinéma. À la sortie de la salle de projection, Carmen Maura, dont on ignore encore l’identité du personnage, vient féliciter le réalisateur (Eusebio Poncela) de ce film, pendant que passe devant eux le personnage Antonio, qu’incarne Antonio Banderas. Ce dernier va ensuite rejouer dans les toilettes du cinéma la première scène qu’il vient de visionner dans la salle en passant devant un miroir et se masturbant comme dans la scène érotique, puis en reprenant les mots des doubleurs comme dans la scène en studio. Cette ouverture s’achève comme elle a commencé par la répétition des motifs initiaux qui multiplient au centre de l’image l’expression d’un désir qui pour le moment se ressasse, sans parvenir à établir une communication entre toutes les autres instances du récit : les plans d’un fond lumineux des toilettes rouges, la braguette d’un pantalon rouge qu’on ouvre, la bouche en gros plan répétant « Baise-moi» (« Fóllame ») en surimpression du réalisateur s’exhibant au bras d’un autre dans la séquence suivante, se suivent au gré de ce raccord plastique par analogie des formes et des couleurs, suggérant le cheminement du désir. Le chemin du désir s’inverse par rapport à celui tracé dans la première fiction : l’acteur payé pour simuler ne désirait pas le réalisateur qui le désirait en le filmant. Dans la suite du film, Antonio prend le relai de ce désir et devient le personnage qu’il a construit à partir de cette fiction en puisant des bribes d’information dans toutes les matières d’expression de l’image filmique. L’ensemble du récit va consister à accorder les désirs d’Antonio avec ceux des autres personnages, et notamment ceux du réalisateur Pablo, alter ego d’Almodóvar.
Le fabulateur, ou novelero, est celui-là même qui, se dissociant du réel et faisant preuve de beaucoup d’imagination et d’un peu de mythomanie, transforme en récit à partir de ce réel, ce qu’il imagine. De cette bouche désirante filmée en gros plan naît la fable, comprise comme « toute représentation où le détour par la fiction est un mode d’accès à la vérité[17] », qui commence d’abord avec le « visage de l’acteur, vecteur direct de l’histoire qu’on raconte[18] », mais qui tout à la fois révèle le personnage[19]. En l’occurrence pour ce film, le désir d’Antonio (Antonio Banderas) pour le réalisateur Pablo Quintero qui se heurte aux contraintes du réel motive une série d’affabulations qui va structurer l’ensemble du récit à travers eux.
Ce désir trouve poétiquement son origine dans le visage de l’acteur et la profondeur de l’image d’où doit émerger la vérité au terme d’un double processus dynamique de voilement et de révélation, de la même façon que les cartons du générique cachent tout à la fois la lumière qui les rend lisibles. En s’ouvrant sur le doublage d’une scène de masturbation d’un jeune éphèbe, payé pour le faire, à qui l’on refuse le regard à la caméra au profit d’un amour narcissique orienté vers le miroir puis vers le lit vide, dirigé par la voix hors champ d’un cinéaste lubrique qui regarde avec nous, avec les doubleurs et avec le public dans la salle, sans le toucher, cette scène, cette séquence établit les lois du désir qui oeuvre doublement : dans l’espace, par un processus d’emboîtement des niveaux narratifs, qui multiplient les regards orientés dans la profondeur du champ; dans le temps, non pas par l’« épuisement, le recyclage, le réemploi, le ressassement maniériste » ni même par « une renaissance perpétuelle[20] », mais par une logique sérielle qui ajoute à chaque occurrence une bribe d’information supplémentaire qui nous permet de construire la vérité du personnage dans une démarche rétrospective en regard de la somme des occurrences de la série, et qui, en ajoutant un voile supplémentaire, contribue au mécanisme de révélation. La première séquence du récit principal que le carton titre ouvre, nous invite, au regard des séquences du générique précédentes, à considérer les trois personnages, le réalisateur Pablo, la spectatrice Tina et le futur amant Antonio, comme perpétuant chacun l’un des trois niveaux narratifs. Cette sérialité relève du régime cristallin de cette troisième image-temps que Deleuze rattache à la fabulation et dont il décrit la puissance universelle de falsification : son image n’est pas organique comme la narration avec un début et une fin, mais cristalline, car elle falsifie une vérité par les réponses plurielles de ses itérations[21]. La vérité du personnage se révèle ainsi de manière paradoxale au gré de voiles et de masques qu’on lui rajoute, qui accroissent encore davantage le plaisir de la révélation[22].
Le personnage fabulateur est ainsi dans l’oeuvre d’Almodóvar d’abord un désir qui ne peut se rendre visible que dans une incarnation contrariée entre le réel et le fictif. C’est un désir qui se cherche une forme, et qui prend plaisir à montrer et raconter cette quête sous les traits d’un personnage qui se construit une identité par bribes d’information et par le faisceau de points de vue subjectifs multiples.
Les fables du désir : le récit d’une quête identitaire
La difficulté de cette incarnation du désir dans le corps d’un autre n’est néanmoins pas sans poser de problème tant du point de vue poétique qu’éthique. Au générique de l’ensemble des films de Pedro Almodóvar, la réalisation est de manière significative créditée par la double entrée : « Scénario et direction : Pedro Almodóvar[23] ». Réaliser un film consiste pour le cinéaste à tout à la fois mettre en récit et diriger des acteurs à qui il impose son désir de fiction et son imagination. La Loi du désir reflète les questions morales qu’une telle contrainte peut poser dans un contexte de folies meurtrières auxquelles le personnage d’Antonio s’adonne pour assouvir son désir et posséder l’objet de son désir. Accorder ces subjectivités est l’enjeu de la fabulation le long du récit filmique, que Gilles Deleuze distingue de la description et la narration, mais définit comme « le rapport sujet-objet et le développement de ce rapport[24] », appelant « objectif ce que “voit” la caméra, et subjectif ce que voit le personnage[25] ». Il s’agit par la fabulation de parvenir à trouver un équilibre entre ces deux sortes d’images de manière à aboutir à « l’identité du type Moi » :
Moi : identité vue et qui voit, mais aussi bien identité du cinéaste-caméra, qui voit le personnage et ce que le personnage voit. Cette identité […] finit par s’affirmer pour elle-même en constituant le Vrai, même si le personnage doit en mourir[26].
Dans La Loi du désir, le personnage est d’abord vu et ne nous regarde pas ; comme le rappelle la voix d’un réalisateur sans visage qui reste dans le hors-champ de la caméra, il n’en a pas le droit. Au gré des différents enchâssements, les regards vers la profondeur de champ se multiplient et l’objectivité de la caméra se nourrit des regards subjectifs de personnages qui prennent le relai de ce regard du cinéaste-caméra. Une fois le projet de réalisation achevé, dont la réussite est signalée dans la fiction filmique fixée sur la bobine de pellicule que l’on signe, par le carton de générique de fin, la fermeture du rideau et les applaudissements dans la salle, les regards des personnages se tournent enfin vers la caméra : l’acteur de la première fiction se retourne vers la caméra pour embrasser l’argent qu’il a récolté et qui le satisfait, Tina sort de la salle embrasser son frère réalisateur, et Antonio va jouir face à la caméra en endossant à son tour le rôle d’un personnage qu’il a construit. Il revient à l’ensemble du récit restant d’accorder les désirs multiples de ces personnages, cette fois à l’objectivité du cinéaste-caméra.
En mettant en abyme l’art de la fabulation filmique au moyen de la mise en scène de personnages fabulateurs en proie à des désirs ambigus, partagés entre le manque et la création, l’avoir et l’être, Pedro Almodóvar interroge la dimension poétique et morale de son propre geste créatif, qu’il place sous le signe d’un désir dont le récit participe du processus de révélation. Le désir peut, en effet, être perçu de manière négative comme relevant d’un manque que l’on cherche à combler, tels les meurtriers de Matador ou de La Peau que j’habite (La Piel que habito, 2011), ou de manière positive comme un révélateur de l’être, une source de création, suivant que l’on envisage l’objet du désir ou la disposition du sujet qui désire. Selon Spinoza, l’essence d’une chose se manifeste dans « l’effort par lequel chaque chose s’efforce de persévérer dans son être[27] » et le désir est cet effort conscient que nous manifestons dans notre esprit et dans notre corps pour une chose « que nous jugeons bonne parce que nous la désirons[28] ». Le désir que les fables révèlent dans l’oeuvre d’Almodóvar n’est ainsi pas un manque mais une affirmation et une conservation de soi à travers ce désir, mais qui, dans son cinéma, passe par le prisme d’une altérité, subjective, que la caméra objective. Comme Frédéric Strauss le remarque dans l’oeuvre du cinéaste, avant d’investir des thématiques liées à la maternité, ce désir s’est d’abord exprimé dans son oeuvre par une sexualité que le réalisateur a troublée de la même façon qu’il trouble le masculin et le féminin, selon la dynamique herméneutique propre à la fable, par une « mise en scène chez Almodóvar, qui a appliqué à sa représentation un principe hitchcockien : filmer une scène d’amour d’un certain genre comme une scène d’amour d’un autre genre[29] », parvenant ainsi à conjuguer objectivité et subjectivité. L’amour contraint dans Attache-moi ! (¡Atame!, 1990), dans lequel Ricky (Antonio Banderas) séquestre Marina (Victoria Abril) jusqu’à ce qu’elle tombe amoureuse de lui, est traité comme « des moments d’amour courtois où les personnages apprennent à se connaître[30] ». L’amour du juge Eduardo (Miguel Bosé), infiltré en chanteur travesti en Becky del Paramo (Marisa Paredes), pour sa fille Rebeca (Victoria Abril) dans Talons aiguilles (Tacones Lejanos, 1991), s’exprime par des étreintes « placées sous le signe d’un déplacement de l’amour maternel[31] ». Mais le désir sexuel reste encore en 2023 un thème central que Pedro Almodóvar continue d’interroger par d’autres biais, générique et situationnel, tels le western et le regard rétrospectif d’anciens cowboys sur leur amour homosexuel dans Strange Way of Life (Extraña forma de vida, 2023).
Dans ce dernier film, la situation finale qui réalise un rêve impossible exprimé au détour d’un flash-back traduit cette persistance du désir qui s’exprime dans l’histoire comme une fatalité contre laquelle les personnages ne peuvent rien. Le récit est à l’image de l’enclos final du ranch sur lequel le générique défile en surimpression. En préservant la vigueur des chevaux qui s’y ébattent, il symbolise l’oeuvre reconfigurant ce rêve exprimé dans le passé par les deux cowboys de tenir à deux un ranch pour s’y aimer à l’abri des regards. Les deux amants ont d’abord fui ce désir qu’ils n’avaient un temps qu’exprimé en parole, et l’ensemble du film finit par révéler cette étrange persévérance du désir qui perdure par-delà le temps et les contraintes géopolitiques et culturelles : le cowboy américain devenu shérif (Ethan Hawke), en poursuivant envers et contre tout le fils criminel du Mexicain (Pedro Pascal) dont il a été l’amant, persévère dans son désir de le retrouver et réalise son rêve, tout en niant le désir et la possibilité de le réaliser, puisque s’il le retrouve, c’est pour l’arrêter ou le tuer, cela par des détours inattendus que le titre revendique. Ce désir affecte et caractérise de manière globale ainsi « le personnage almodovarien » qui, selon Rémi Fontanel, « a tendance à trop se raconter » et qui « surprésent […] s'affirme souvent dans des excès[32] », des excès qui ajoutent à la réalité et finissent par jouer leur rôle de révélation.
Le désir structure ainsi l’ensemble du long métrage La Mauvaise Éducation (La Mala Educación, 2004) qui raconte les liens ambigus entre domination et création à travers la destinée du réalisateur Enrique Goded. Le premier plan du film s’ouvre sur un cadre accroché au mur honorant l’une de ses réalisations fictives. Il relaie, par le raccord analogique avec le dernier carton du générique créditant la réalisation réelle du film d’Almodóvar, l’enquête herméneutique qu’il lance sur les origines de sa vocation artistique. En mettant en scène le défaut d’inspiration de ce cinéaste fictif recherchant une idée de film dans la rubrique « Faits divers » d’un journal dont il découpe les articles, la première séquence du film redouble en action le processus créatif du générique dont les cartons se succèdent par le déchirement de l’image en bandes, comme autant de voiles que l’on soulève pour y découvrir une vérité cachée. Comme Almodóvar avec ses films, le personnage principal Enrique fait évoluer le scénario de son film La Visite et le choix des acteurs pour en incarner les personnages, en fonction de la résolution de l’énigme que constitue pour lui le personnage de Juan, futur acteur du film. C’est lui qui lui apporte le scénario original qui s’inspire du passé commun de tous les personnages principaux du film qui ont été désirés ou sexuellement abusés par le père Manolo (Daniel Giménez Cacho puis Lluís Homar). Cette enquête, dans laquelle il se lance, coïncide dans le récit avec un désir physique qui lie les deux personnages. En faisant évoluer l’histoire en fonction des interactions de l’ensemble des personnages, acteurs, personnages ou lecteurs, le mystère peu à peu s’éclaircit. Cette dimension spéculative du récit est à l’image des tâtonnements que le réalisateur lui-même concède à son geste créatif en cours de tournage, notamment lorsqu’il doit adapter le scénario aux difficultés de Gael Garcia Bernal pour jouer les scènes de travestis :
Je suis toujours ouvert à ce que mes acteurs ressentent. Je veux pouvoir utiliser leur singularité et qu’elle nourrisse le film que nous faisons. Il ne s’agit jamais d’appliquer le scénario en le tournant : il s’agit de le rendre vivant […]. Le scénario que j’avais écrit n’était pas du tout celui du film que j’ai tourné. J’ai dû adapter ce que j’avais imaginé à la réalité du tournage, qui a été bouleversée par les difficultés de mon acteur principal, Gael Garcia Bernal. Il avait un rapport très conflictuel avec son personnage, notamment dans les scènes où celui-ci devait être travesti, et il avait du même coup un rapport très tendu avec ses partenaires […]. J’ai donc dû faire entrer dans la fiction la difficulté de Gael à jouer son personnage […]. La dureté de l’acteur ne pouvait être masquée. C’est finalement Angel qui tue son frère, alors que ce n’était pas du tout écrit comme cela à l’origine […]. Pour moi, La Mauvaise éducation est une célébration des pouvoirs de la fiction. Et c’est ce qui est essentiel, c'est-à-dire la vie et le cinéma, ressort sain et sauf du film[33].
La vie du tournage autour du film en train de se faire continue d’enchâsser ces différentes strates de réalité que la fiction travaille. Ainsi, la structure de La Mauvaise Éducation repose sur un procédé d’emboîtement de récits d’emprise et de création durant l’enfance d’Enrique et d’Ignacio, lors de l’écriture de la nouvelle La Visite, et, enfin, dans le présent de la réalisation du film inspiré de cette nouvelle. L’enfance d’Enrique et d’Ignacio comporte une chanson écrite par le père Manolo, « Le Jardinier », qu’il demande à Ignacio d’interpréter en son honneur et dont les paroles ambiguës révèlent l’agression sexuelle qu’il subit, justifiée par l’éducation spirituelle que le père donne aux enfants que Dieu lui confie. Cette chanson révélant les amours pédophiles illicites des religieux émane d’un souvenir personnel d’Almodóvar[34]. La Visite raconte la visite du travesti Zahara à Enrique qu’il pénètre pendant qu’il dort, tout en lui faisant don, par amour, du récit de leur enfance, puis au père Manolo qui l’a abusé sexuellement pour le faire chanter avec ce même récit. L’écriture de la nouvelle La Visite par Ignacio est quant à elle racontée de manière fictive par des flash-back que lance la lecture du scénario ainsi que par le tournage du film homonyme, et de manière factuelle par la révélation du véritable père Manolo, devenu l’éditeur Manuel Berenguer à la fin du tournage, résolvant l’énigme de Juan et attestant la réussite de la réalisation du film. M. Berenguer raconte en effet à Enrique comment Ignacio a voulu le faire chanter avec cette révélation écrite pour payer sa cure de désintoxication et la chirurgie esthétique qui lui aurait permis de changer de sexe, et comment Juan et lui, devenus amants, ont décidé de le tuer. Ce récit conforte les décisions artistiques prises par Enrique qui en change la fin, comme Almodóvar, pour ce film, fait tuer Zahara / Ignacio par le père Manolo, et accepte de confier le rôle de Zahara à Juan, malgré ses doutes sur les capacités de ce dernier à interpréter le personnage d’un homosexuel. Pour obtenir ce rôle, Juan concède à Enrique une relation homosexuelle qu’il lui refusait, notamment parce qu’il n’assumait pas son homosexualité, redoublant ainsi le schéma global du film. Au terme de ce dernier, Enrique quitte Juan qui quitte Manolo. Le quadrillage du portail qu’Enrique referme sur Juan, qui lui fait le don d’une dernière lettre qu’Ignacio n’a pu finir en mourant, alors même qu’il annonçait la réussite de son projet, sert de cadre à d’autres embryons de récits sur le devenir de chaque personnage, annonçant par la même occasion les futures réalisations de Pedro Almodóvar. Dans une même structure embrassante et suivant le même schéma, le dernier cadre raconte, en surimpression du portail, que le réalisateur Enrique va poursuivre la réalisation de films avec la même « passion », après qu’un autre cadre a révélé la mort de M. Berenguer sur le motif d’un chantage, renversé par Angel en voiture, que l’on venait de voir quitter Manolo dans le film. Cet embryon de récit annonce et nourrit l’argument du long métrage Étreintes brisées (Los abrazos rotos, 2009), dont le personnage de réalisateur est interprété par le même acteur, Lluís Homar.
Le détour authentique de la fiction vers l’universalité de la fabulation
Lorsque Pedro Almodóvar revient sur sa vocation de cinéaste et son plaisir à raconter des histoires, il évoque son enfance dans la Manche où sa mère « lisait [les lettres] que nos voisins recevaient » en « invent[ant une] partie [qui] était toujours un prolongement de leur vie » :
Ma mère remplissait les trous des lettres, elle lisait aux voisines ce qu’elles voulaient entendre, parfois des choses que l’auteur avait probablement oubliées et qu’il aurait signées de bon coeur. Ces improvisations contenaient pour moi une grande leçon. Elles établissaient la différence entre réalité et fiction, elles me montraient comment la réalité a besoin de la fiction pour être plus complète, pour être plus agréable, plus vivable[35].
Pedro Almodóvar conçoit ainsi sa vocation artistique dans un rapport authentique au réel dont il doit respecter les faits sans pour autant en respecter la forme. Réalité et fiction ne s’opposent pas. La fiction vient donner forme à ce qui n’est pas visible mais qui existe pour autant. Elle prolonge le réel auquel elle s’additionne et dont elle révèle le sens caché. La vérité se livre dans ces films au terme d’une démarche collective qui utilise la feintise de la fiction et sa réception pour créer un cadre commun au sein duquel l’authenticité de chacun doit être préservée. C’est la raison pour laquelle Agrado dans Tout sur ma mère (Todo sobre mi madre, 1999), comme Juana (Rossy de Palma) dans Kika (1993), peuvent revendiquer, sur scène pour l’une, devant un miroir pour l’autre, leur authenticité quand bien même cette authenticité est acquise pour l’une par l’artifice de la chirurgie esthétique et pour l’autre par celle du maquillage. Et ce qui permet la figuration de cette authenticité, c’est le cadre de la représentation que le film met en abyme, circonscrivant un « monde fictif », tel que Paul Ricoeur le définit dans sa dimension à la fois éthique, réflexive et dialogique, qui montre les interactions à l’oeuvre entre « le monde fictif du texte », figuré par le fabulateur, et « le monde réel du lecteur[36] », figuré par son récepteur. Ce cadre introduit dans cette réflexion sur soi le regard de l’autre qui valide ou invalide les propositions émises.
Ainsi, dans Tout sur ma mère, pour satisfaire le public qui s’est déplacé en l’absence des actrices stars d’Un tramway nommé désir (A Streetcar Named Desire, Tennessee Williams, 1947), la transsexuelle Agrado, interprétée par la comédienne Antonia San Juan, alors connue pour ses stand-up dans des bars, propose de ne pas annuler et de ne pas dire la vérité, mais de la laisser « invent[er] quelque chose[37] ». Pour autant, dans la séquence suivante, Agrado dit la vérité et n’invente pas : devant un rideau fermé, elle propose au public de le « distraire en [lui] racontant l’histoire de [s]a vie[38] » et, après avoir rappelé le sens de son pseudonyme donné parce qu’elle « rend la vie ‘‘agréable’’ aux autres[39] », fait un monologue comique sur son authenticité qu’elle définit comme le fait de « ressemble[r] […] à ce qu’on a rêvé d’être[40] » (voir la figure 1).
Figure 1
Pedro Almodóvar, Tout sur ma mère (Todo sobre mi madre, 1999) © El Deseo D.A. S.L.U., photographie de Teresa Isasi
Par ce récit sur les nombreuses opérations chirurgicales esthétiques dont son corps fait « sur mesure[41] » a bénéficié et qui a consisté à rajouter de la matière, Agrado incarne véritablement cette authenticité, du grec authentikos, qui désigne originairement celui « qui agit de lui-même, qui prend l’initiative, qui accomplit de sa main[42] ». Mais l’authenticité de ce corps ne devient efficiente que dans un cadre collectif et par l’intervention de l’autre. L’ensemble de cette séquence est en effet construit en champs-contrechamps entre l’espace scénique et le public, entre sujet et objet pour reprendre la dichotomie deleuzienne, dramatisée par deux travellings inauguraux qui signalent le double enjeu de cette séquence : Agrado et le public. Le premier travelling latéral glissant le long du rideau s’arrête sur le profil filmé en gros plan à contre-jour d’Agrado qui n’est pas encore visible. Le public, flou à l’arrière-plan, ne l’est pas davantage et le plan suivant sur lui, traversé par le faisceau lumineux d’un projecteur, ne le rend pas plus distinct, pas plus que le second travelling avant depuis le fond de la salle qui lance certes le récit d’Agrado, mais laisse les spectateurs en amorce de dos, sans que l’on puisse discerner leurs visages. L’identité d’Agrado et du public se précise ainsi au fil du récit sur l’authenticité d’Agrado et des réactions du public, qui d’abord indifférent, réagit, rit puis applaudit, en bénéficiant d’une échelle de plan de plus en plus large. Ce que cette séquence dramatise, en dépit de la tonalité comique du récit, c’est la dimension éthique de cette histoire moderne et sincère dont la parole est en conformité avec les actes et qui défend une morale individuelle où l’individu s’épanouit par et en dépit des conventions sociales[43]. Dans l’économie du film, Agrado appartient à la série des femmes qui, comme Manuela, désirent monter sur scène et dont le parangon est l’ambitieuse actrice Eve Harrington dans All about Eve (Joseph L. Mankiewicz, 1950) cité au début du film. Manuela, que son fils rêve en comédienne et qui l’a véritablement été plus jeune, récite son texte en coulisse avant de pouvoir jouer le rôle de Stella dans la pièce Un tramway nommé désir. Agrado, à son tour, prend la place de Manuela comme assistante auprès de Huma, et récite, elle aussi en coulisse, le texte, de Blanche cette fois. Sa différence avec Manuela est de ne pas avoir l’ambition d’être actrice. Son ambition est d’être une femme et de faire plaisir et, à ce titre, en dépit des carcans à la fois sociaux et narratifs, quand bien même elle connaît le texte, c’est sa propre partition qu’elle joue.
L’authenticité constitue ainsi l’une des conditions par lesquelles la fable peut accéder à une vérité intime dans le cadre pourtant contraint par le collectif et un réel déceptif. Ainsi, dans Kika, deux séquences, dans lesquelles Kika (Verónica Forqué) et Juana expriment l’une après l’autre leur différence, s’opposent formellement et littéralement : dans la première, Juana, qui fait la vaisselle de Kika, l’écoute revendiquer la nécessaire utilisation de l’artifice et des soins esthétiques pour devenir plus désirable ; dans la seconde, Kika se met au service cette fois de Juana : tout en la maquillant, elle l’écoute et la regarde en majesté devant son miroir revendiquer son authenticité et son désir de posséder toutes les femmes, par-delà ses difformités, en acceptant toutes les métamorphoses, y compris ce maquillage dont elle n’a cure. Les deux séquences sont encadrées par un portrait ovale, qui rappelle l’objectif du cinéaste-caméra, qui oppose formellement ces deux visions de la féminité : le visage de Kika apparaît derrière la vitre ronde de la porte au début de la première (voir la figure 2), tandis que le visage de Juana est redoublé et reflété par le miroir oblong de la salle de bain qui, cette fois, se situe à l’arrière-plan au terme de la seconde (voir la figure 3), de sorte que objectivité et subjectivité se mêlent, se regardent, pour finir par se confondre et constituer une identité vraie.
Figure 2
Figure 3
Par la mise en scène de ces personnages qui s’expriment et (se) racontent, c’est sa propre poétique que Pedro Almodóvar réfléchit. Elle repose sur une fictionnalisation d’un réel authentique, fruit d’une réalité empirique. Analysant la dimension politique de la fabulation du documentariste, comme Rocha ou Perrault, « véritable agent collectif[44] », dans Cinéma 2. L’image-temps, Gilles Deleuze note ce double mouvement de la fabulation, de l’auteur, mais aussi en face de lui de « personnages réels et non fictifs » qu’il met « en état de […] fabuler[45] » :
L’auteur fait un pas vers ses personnages, mais les personnages font un pas vers l’auteur : double devenir. La fabulation n’est pas un mythe impersonnel, mais n’est pas non plus une fiction personnelle : c’est une parole en acte, un acte de parole par lequel le personnage ne cesse de franchir la frontière qui séparerait son affaire privée de la politique, et produit lui-même des énoncés collectifs[46].
En puisant dans la vie et la vérité intimes de ses acteurs pour construire ou infléchir ses fictions, Almodóvar donne à son cinéma la même force politique. Ses fictions réfléchissent à travers des personnages de créateurs cette difficile concertation. Dans Étreintes brisées, les hésitations, les difficultés et les refus du réalisateur dans la recherche d’un scénario butent sans cesse sur cette difficile conciliation entre le réel et la fiction. Le réalisateur Mateo refuse ainsi la proposition de Ray X d’un film qui raconterait la vengeance d’un fils qui s’en prend à la mémoire de son père, pour une double raison. D’une part, le film est documentaire et jugé trop personnel et, de l’autre, ce sujet ne correspond pas à ce que le réalisateur veut exprimer à ce moment-là. Ray X est en effet dans la réalité ce fils vengeur que son père a diligenté pour espionner sa femme en le sommant de réaliser un making of du film que sa femme tourne avec Mateo. Dans la séquence précédente, de surcroît, Mateo dit vouloir s’inspirer de la vie réelle d’Arthur Miller qui abandonna son fils trisomique, mais en le fictionnalisant pour s’éloigner du biopic et exprimer au contraire la force du fils qui survit sans rancoeur envers celui qui l’a ignoré. Le rôle de la fiction pour Almodóvar est toujours positif. Il sublime l’être, le révèle dans ce qu’il désire être et remplit son rôle de révélation à travers l’autre.
Les personnages fabulateurs chez Almodóvar, à cause du trouble de leur sexualité ou de leur corps qui les habite, sont soumis à une loi du désir qui extériorise leur subjectivité, obéissent aux règles d’une authenticité qui n’oublie pas leur incarnation réelle par un acteur, lui-même troublé par les différents rôles qu’il endosse, et subissent l’objectivité du cinéaste-caméra. Ils sont le lieu d’une fabulation qui permet au cinéaste, entouré d’une équipe et de véritables acteurs, d’être vu en train de chercher le vrai dans ses fictions, le travaillant dans chaque récit filmique qui avance en tâtonnant et fonctionne par emboîtements, le long d’une oeuvre qui répond à des logiques sérielles et ne cesse, film après film, de toujours rendre désirable un monde aux couleurs trop ternes, en le voilant de ses diversités. Les séquences de séminaire sur le don d’organe, notamment du coeur, dans La Fleur de mon secret (La Flor de mi secreto, 1995) et Tout sur ma mère, emblématisent le mieux cette dynamique de la fabulation chez Almodóvar : le coeur symbolise ce désir qui vibre secrètement en soi mais ne peut s’exprimer que dans le corps d’un autre, personnage et film, au terme de débats, de recherche de corps compatibles, de chaînes de solidarité et de prouesses techniques, pour faire de ce don une oeuvre collective rendue possible par le désir de son auteur.
Appendices
Note biographique
Nathalie Mauffrey est docteure du Cérilac (Université Paris Cité) et chercheuse associée du laboratoire « Passages XX-XXI ». Ses travaux portent sur la pensée de la réalisation. Elle a contribué aux revues Théorème, Débordements, La Création collective au cinéma et Studies in French Cinema, publié La cinécriture d’Agnès Varda. Pictura et poesis aux Presses universitaires de Provence et dirigé l’ouvrage La Prise au départ du cinéma aux éditions Mimésis.
Notes
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[1]
« Tú eres muy novelero. No sé a quién habrás salido ». Traduction de Claude Murcia que nous remercions.
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[2]
Pour ne pas alourdir inutilement le texte, nous ne précisons pas le nom du réalisateur du film cité quand il s’agit de Pedro Almodóvar.
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[3]
« Mamá, ¿Tú crees que Liz Taylor le coserá los calcetines a Robert Taylor? » Nous traduisons.
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[4]
Pascale Thibaudeau, « Greffes et transplantations de tissus filmiques : une métaphore à la manière de Pedro Almodóvar », Véronique Campan et Gilles Menegaldo (dir.), Du maniérisme au cinéma, Poitiers, Presses universitaires de Rennes, coll. « La licorne », 2003, p. 195–211.
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[5]
Ibid., p. 209.
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[6]
Ibid., p. 210.
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[7]
Mireille Raynal-Zougari, « Le queer kitsch, spécialité d’Almodóvar », Muriel Plana et Frédéric Sounac (dir.), Esthétique(s) queer dans la littérature et dans les arts. Sexualités et politiques du trouble, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2015, p. 285–293; « Autoportrait du cinéaste en écrivain : Pedro Almodóvar », Littératures, n° 78, 2018, p. 163–175.
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[8]
Frédéric Strauss, Conversations avec Almodóvar [2000], Paris, Cahiers du Cinéma, 2004, p. 9–10.
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[9]
Thomas Sotinel, Pedro Almodóvar, Paris, Cahiers du Cinéma, coll. « Grands cinéastes », 2007, p. 33.
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[10]
Patrice Pavis, « Le personnage au cinéma », Iris, n° 24, Automne 1997.
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[11]
Gilles Deleuze, Cinéma 2. L’Image-temps, Paris, Éditions de Minuit, 1985, p. 316.
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[12]
Ibid., p. 192–200.
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[13]
Ibid., p. 289.
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[14]
Ibid., p. 198.
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[15]
Marion Vidal, Les Contes moraux d’Éric Rohmer, Paris, L’Herminier, coll. « Cinéma permanent », 1977, p. 126–128, cité dans Deleuze, 1985, p. 316.
-
[16]
Jacques Aumont, Alain Bergala, Michel Marie et Marc Vernet, L’Esthétique du film, Paris, Nathan, 1999 (3e édition), p. 138–139.
-
[17]
Aurélia Gaillard, Fables, mythes, contes. L’esthétique de la fable et du fabuleux (1660–1724), Paris, Honoré Champion, 1996, p. 25.
-
[18]
Dans l’entretien filmé Volver vu par Almodóvar présenté par Laurent Weil et réalisé par David Périssère pour l’édition DVD de 2010 du film, édité par Pathé, après avoir détaillé comment il dirige chacune de ses actrices, individuellement, le cinéaste définit ainsi son geste: « Au bout du compte, tout est important, la lumière, le son, les chansons, mais le visage de l’acteur est le plus important. C’est le vecteur direct de l’histoire qu’on raconte. »
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[19]
Pedro Almodóvar racontant la découverte de la force du gros plan lors du tournage du film Dans les ténèbres (1983) dans Strauss, 2004, p. 44 : « Le gros plan est une sorte de radiographie du personnage et ne permet pas le mensonge […]. Il faut être très sûr de ce que le personnage doit exprimer à ce moment précis et très sûr de la manière dont l’acteur va faire passer ce sentiment […]. Dans un gros plan, on met à nu le personnage, l’acteur, et on se met à nu soi-même. On parle avec le coeur. Il ne s’agit donc plus seulement de maîtriser la technique mais d’en comprendre la morale. »
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[20]
Thibaudeau, 2003, p. 209–210.
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[21]
Deleuze, 1985, p. 202.
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[22]
C’est cette même « stratégie du désir » qui est décrite dans : Aurélia Gaillard, Fables, mythes, contes. L’esthétique de la fable et du fabuleux (1660–1724), Paris, Honoré Champion, 1996, p. 23–24, pour caractériser « l’extrême théâtralisation du fabuleux de cette période », dont la « surenchère spectaculaire révélait une stratégie du caché » et d’un « jeu entre le voilé et le dévoilé ».
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[23]
« Guión y dirección / Pedro Almodóvar ». « Written and directed » pour les films en langue anglaise La Voix humaine (2020) et Strange Way of Life (2023).
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[24]
Deleuze, 1985, p. 192.
-
[25]
Ibid.
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[26]
Ibid., p. 193.
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[27]
Baruch Spinoza, Éthique, III, Bernard Pautrat (trad.), Paris, Le Seuil, coll. « L’Ordre philosophique », 1988, p. 217.
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[28]
Ibid., p. 219.
-
[29]
Strauss, 2004, p. 10.
-
[30]
Ibid.
-
[31]
Ibid.
-
[32]
Rémi Fontanel, « L’art de la chair surexposée », Éclipses. Revue de cinéma, n° 36, « Pedro Almodóvar », 2004, p. 10.
-
[33]
Strauss, 2004, p. 225–226.
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[34]
Sotinel, 2007, p. 80–81.
-
[35]
Almodóvar, « Le dernier rêve de ma mère », traduit de l’espagnol par François Masperi, Le Monde, septembre 1999, in Frédéric Strauss, Conversation avec Almodóvar [2000], Paris, Cahiers du Cinéma, 2004, p. 178.
-
[36]
Paul Ricoeur, Temps et récit, Paris, Seuil, 1985, p. 231.
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[37]
« Ya me inventaré yo algo ! » Nous traduisons.
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[38]
« Yo prometo entreteneros contándoos la historia de mi vida ». Nous traduisons.
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[39]
« Me llaman la Agrado porque toda mi vida sólo he pretendido hacerle la vida agradable a los demás », Pedro Almodóvar, Tout sur ma mère : scénario bilingue, Marie Delporte (trad.), Paris, Cahiers du cinéma, coll. « Petite bibliothèque des Cahiers du Cinéma », 1999, p. 171.
-
[40]
« Una es más auténtica cuando más se parece a lo que ha soñado de sí misma », ibid., p. 173.
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[41]
« Todo hecho a medida ! », ibid.
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[42]
Anatole Bailly, Dictionnaire Grec-Français, Paris, Hachette, 1950, p. 308. Aὐθεντικός vient de l’adjectif αὐθέντης qui signifie lui-même étymologiquement « celui qui est (-entos) par lui-même (auto-) ».
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[43]
Charles Taylor, The Ethics of Authenticity, Cambridge, Harvard University Press, 1991, p. 27 et 35–36 : « Self-determining freedom demands that I break the hold of all such external impositions, and decide for myself alone […]. Defining myself means finding what is significant in my difference from others. »
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[44]
Deleuze, 1985, p. 288.
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[45]
Ibid., p. 289.
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[46]
Ibid.
List of figures
Figure 1
Figure 2
Figure 3