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Introduction

Quelqu’un qui « exerce un contrôle sur une production qui ne sert pas qu’à sa consommation personnelle » (McClelland, 1961) ; une personne qui « exploite des opportunités du marché tout en mobilisant des innovations techniques et organisationnelles » (Schumpeter, 1954) ; une personne « imaginative, capable de fixer et atteindre des buts […], de déceler des occasions d’affaires […], qui imagine, développe et réalise des visions » (Fillion, 1991). À travers ces quelques exemples de définitions de l’entrepreneur, on observe, dans la communauté scientifique, une volonté de mieux appréhender l’acte d’entreprendre et le succès entrepreneurial mais également les spécificités de l’individu au coeur de ce dispositif, l’entrepreneur. On étudie l’entreprise, ses mécanismes de gestion et les clés menant au succès en affaires. On commence par se demander s’il existe une relation causale entre les traits de personnalité de l’entrepreneur et le succès de son entreprise, pour finalement invalider cette hypothèse (Gartner, 1988 ; Milton, 1989 ; Vesper, 1989). On s’attarde ensuite à décrire des comportements, des attributs, des compétences plus spécifiquement nécessaires à un individu créateur gestionnaire et/ou développeur d’entreprise (Belley, Dussault et Lorrain, 1998 ; Man et Lau, 2000 ; Baron et Markman, 2000 ; Laviolette et Loué, 2006 ; Gasse et Paracini, 2007). Ces différents travaux ont constitué et constituent aujourd’hui encore un paradigme important.

Au Maroc, l’entrepreneuriat et l’entrepreneur constituent une préoccupation encore récente pour les pouvoirs publics. Il existe d’ailleurs, à ce jour, très peu de statistiques liées à l’entrepreneuriat[1] et les travaux présentant le profil de l’entrepreneur marocain ou visant à mettre en exergue ses compétences. Un petit nombre de chercheurs ont tenté de décrire la transition entrepreneuriale du pays, l’apparition de cette catégorie d’élites (Affaya et Guerraoui, 2009 ; Ben Haddou 1997), tout en mettant par ailleurs en évidence les difficultés de l’émergence du modèle de l’entrepreneur « schumpétérien » tel que le conçoivent et définissent les pays occidentaux (Haffaya et Guerraoui, 2009). Pourtant, le Maroc a plus que jamais besoin d’entrepreneurs car son économie, en fort développement, est désormais orientée vers l’international. Les jeunes, en général encore trop peu animés d’une forte intention entrepreneuriale, doivent de toute évidence être sensibilisés et encouragés à se lancer en affaires.

Pour développer l’entrepreneuriat au Maroc, de nombreux efforts ont été déployés durant les deux dernières décennies, dans plusieurs domaines.

Sur le plan institutionnel tout d’abord, plusieurs structures gouvernementales et non gouvernementales d’appui et d’accompagnement à l’entrepreneuriat ont été créées (Centre des jeunes dirigeants, 2001 ; programme Moukawalati, 2006 ; Injaz Almaghrib, 2007[2] ; etc.). De même, nombreux sont les réseaux de chefs d’entreprises qui accompagnent les nouveaux entrepreneurs (Maroc Entreprendre, Réseau Entreprendre, Maroc Entrepreneurs…). L’entrepreneuriat des femmes n’est pas en reste ; il est également encouragé à travers les actions d’une association telle que l’AFEM (Association des femmes entrepreneurs au Maroc).

Sur le plan politique ensuite, une augmentation substantielle des constructions d’infrastructures de haut niveau, des subventions gouvernementales ou des formations dédiées aux entrepreneurs, ont permis l’accompagnement de ce mouvement.

Sur le plan pédagogique, plusieurs initiatives visant les jeunes Marocains ont choisi de promouvoir l’entrepreneuriat par le biais des compétitions (voir par exemple les concours Meilleur étudiant entrepreneur, Startup Weekend Maroc, Injaz Almaghrib…).

Sur le plan juridique, un projet de loi sur le statut d’auto-entrepreneur a été adopté en septembre 2014. Le projet comprend des dispositions fiscales en faveur de l’auto-entrepreneuriat dans le but de développer l’esprit entrepreneurial et de réduire ainsi le taux de chômage.

Enfin, sur les plans fiscal et administratif, et selon le dernier rapport de benchmarking des affaires économiques et du business (Doing Business 2014) de la Banque mondiale, l’amélioration de l’environnement des affaires économiques au Maroc est imputable aux efforts politiques sur le plan fiscal et sur le plan administratif. Le Maroc a ainsi réussi à passer de la 115e position à la 78e par la réduction du nombre d’impôts à payer par les entrepreneurs (passant de 18 auparavant à 6 seulement en 2013), par la simplification des procédures administratives, ainsi que par le délai d’attente pour les entrepreneurs.

Malgré tous ces constats, du côté des entrepreneurs eux-mêmes, il est un postulat que l’on ne peut nier : le Maroc a une connaissance encore imparfaite de sa population entrepreneuriale. Il existe en effet peu de statistiques ou données sectorielles permettant de l’identifier. Outre cette absence d’information, la question qui se pose concerne la capacité des pouvoirs publics à agir de manière à développer, valoriser et former cette population encore mal identifiée. Toutes les actions de développement, de promotion et d’accompagnement à l’entrepreneuriat mentionnées plus haut constituent de sérieux gages et permettent d’envisager l’inversement de cette tendance.

De toute évidence, ces postulats mettent en exergue l’importance majeure du développement de l’entrepreneuriat au Maroc. Au-delà des objectifs d’identification de la population entrepreneuriale, l’identification des attributs et compétences de l’entrepreneur marocain apparaît comme une vraie nécessité. On saisit encore davantage cette exigence lorsque l’on rapproche les bénéfices potentiels d’une telle démarche des problématiques de structuration des programmes de formation et d’accompagnement à la création d’entreprise. Mieux connaître l’entrepreneur et les compétences qu’il doit mobiliser, c’est se donner la possibilité d’optimiser le rapport entre l’offre et la demande, par exemple en ciblant davantage les contenus et modalités de formation (pédagogie, compétences, évaluation…), d’accompagnement à la création d’entreprise (modalités de coaching, mentorat, formations ciblées…) ou de promotion de l’entrepreneuriat (types de discours, représentation sociale liée à l’entrepreneuriat…). En valorisant à grande échelle les bienfaits et les modalités de diffusion de la culture, des valeurs et des compétences entrepreneuriales, les structures de formation et d’accompagnement à la création ont par conséquent un rôle crucial à jouer au Maroc.

L’objectif de cet article s’inscrit précisément dans cette lignée : nous proposons la validation quantitative d’un référentiel de compétences pour l’entrepreneur marocain. Pour y parvenir, nous avons mené une enquête par questionnaire auprès d’un échantillon de 179 entrepreneurs issus de diverses régions du Maroc, entre septembre 2012 et mars 2013. Pour la construction de notre questionnaire, nous avons pris pour base notre modèle de 44 compétences précédemment validé auprès d’entrepreneurs français, algériens et québécois (Loué et Baronet, 2012). À travers notre travail, nous présenterons et discuterons d’une part, la validation du référentiel de compétences initial auprès d’un échantillon d’entrepreneurs au Maroc. Nous procéderons, d’autre part, à une analyse comparative, en prenant soin de mettre en exergue d’éventuelles spécificités liées aux résultats statistiques issus de l’échantillon marocain par rapport à notre modèle de compétences initial.

Dans la première partie de notre travail, nous présenterons notre revue de littérature : nous parcourrons les principaux travaux liés à l’identification du profil et des compétences de l’entrepreneur ; nous nous attarderons également, dans une deuxième partie, sur les composantes de l’entrepreneuriat au Maroc ainsi que sur les caractéristiques de l’entrepreneur marocain. Nous présenterons ensuite, dans une troisième partie dédiée à la méthodologie de notre recherche, le référentiel de compétences initial (Loué et Baronet, 2012) en discutant de son intérêt pour le contexte marocain. Nous dévoilerons ensuite, dans notre quatrième partie, le référentiel de compétences validé auprès de notre échantillon d’entrepreneurs marocains, composé de 42 compétences réparties en 7 axes de compétences : gestion des ressources humaines, compétences comportementales, détection d’opportunités d’affaires, commercial et marketing, gestion financière, gestion marketing stratégique et management des équipes. Nous discuterons enfin, dans notre cinquième et dernière partie, nos résultats et leurs implications tant dans une perspective d’ingénierie pédagogique que d’accompagnement à la création d’entreprise au Maroc.

1. Les compétences de l’entrepreneur : une question centrale, débattue depuis plusieurs décennies et donnant lieu à diverses approches

Depuis plusieurs décennies, un certain nombre d’approches scientifiques se sont succédé et ont permis, dans un premier temps à partir des années 1980, de faire émerger les caractéristiques particulières permettant de qualifier l’entrepreneur « idéal » ou « à succès ». Dans un second temps, l’objectif a plutôt consisté à présenter une liste de compétences clés caractéristiques de cet entrepreneur. Les approches comportementales, dans les années 2000, proposent de qualifier l’entrepreneur à travers des attributs tels que la motivation, les attitudes et les aptitudes, ou encore des compétences « sociales » permettant aux entrepreneurs qui sont capables de les mobiliser d’améliorer leurs chances de succès en affaires. Les compétences de l’entrepreneur inspirent également les secteurs de la formation et du management, dans lesquelles de nombreuses études sont menées dans le but de spécifier les compétences et comportements clés de l’individu entrepreneur. Notre approche s’inspire de ces différents travaux et tend à relier l’identification des compétences de l’entrepreneur à des perspectives d’acquisition, de développement ou encore de valorisation de ces dernières dans un contexte visé de formation ou d’accompagnement à la création d’entreprise. Dans cette partie, nous discuterons la définition de la compétence et présenterons les principaux travaux s’avérant comme fondateurs pour notre démarche. Nous discuterons enfin notre position quant aux déterminants liés à l’étude des compétences de l’entrepreneur.

1.1. De la définition de la compétence

On a longtemps considéré la compétence sous l’angle d’une addition d’attributs de type « savoir », « savoir-faire » et « savoir-être » (Gilbert et Parlier, 1992 ; Donnadieu et Denimal, 1994 ; Malglaive, 1995 ; De Montmollin, 1997 ; Piolle, 2001). Certains auteurs complètent cette approche qu’ils jugent insuffisante : Le Boterf (2013) reconsidère la question et propose une définition de la compétence en termes de combinatoire de ressources. Ces ressources sont multiples et sont internes ou externes à l’individu. Ainsi, agir avec compétence, c’est savoir combiner et mobiliser un ensemble de ressources appropriées. Ces ressources sont personnelles (connaissances, savoir-faire, comportements…) ou encore des supports (bases de données, collègues, experts, autres métiers, réseaux professionnels…). L’individu qui sait agir avec compétence dans une situation donnée doit ainsi « gérer cette situation en prenant en compte ses exigences et son contexte particuliers afin de produire des résultats (produits, services) satisfaisant à certains critères de performance pour un destinataire (client, patient, usager…) » (Le Boterf, 2013, p. 21). Ajoutons que la compétence comprend deux invariants : elle s’apprécie individuellement et n’est pas interchangeable d’un individu à un autre d’une part ; elle est contextualisée et se révèle en action d’autre part (Lichtenberger, 2006). Un troisième invariant peut être ajouté à cette liste : l’aspect contingent de la compétence. Celle-ci ne préexiste pas à un acte, elle en émerge (Le Boterf, 2013). Enfin, Dejoux (2001) émet l’idée que l’individu stocke ses compétences dans un réservoir et qu’il les mobilise (ou pas) en fonction des situations qu’il doit vivre, qu’il les enrichit au fur et à mesure de ses expériences.

Pour notre part, nous adhérons à cette conception combinatoire de la définition de la compétence et à l’idée de contextualisation et de contingence. Le principe de constitution d’une réserve propre à chaque individu, mobilisable en fonction des situations nous semble également opérant, dans la mesure où même s’il est admis que la compétence est contingente, la transférabilité de celle-ci d’une situation à une autre, ne fait aucun doute. Nous défendons également le concept de référentiel de compétences comme outil de référence, de gestion et d’évaluation à des fins managériales ou d’accompagnement individuel. Ce référentiel est un « dénominateur commun » dont le but est de fournir une représentation synthétique et normée d’une situation de travail, susceptible de regrouper les éléments les plus caractéristiques et représentatifs des activités relatives à un métier donné.

En ce sens, nous définissons la compétence comme la mobilisation d’une combinatoire de ressources internes et externes à l’individu (savoirs, savoir-faire, savoir-être, supports externes…), toujours contextualisée et reliée à une action précise, permettant à cet individu d’agir efficacement dans un contexte donné. Les compétences mobilisées par un individu dans le cadre d’une situation de travail peuvent être détectées, évaluées et valorisées dans un contexte managérial ou par l’entreprise.

1.2. Identifier les compétences de l’entrepreneur : une diversité des approches

1.2.1. L’approche par les traits psychologiques et les facteurs de personnalité

Au début des années 1980, les chercheurs tentent de comprendre et d’expliquer le lien de causalité entre le succès d’une entreprise et les caractéristiques psychologiques, les traits de personnalité de l’entrepreneur qui la dirige, avançant ainsi l’idée que le succès entrepreneurial était une question de possession ou non de certains attributs personnels, susceptibles de mener plus facilement un individu au succès (Hambrick et Crozier, 1985 ; Kolb, 1984 ; Gartner, 1988 ; Milton, 1989 ; Vesper, 1989). Cette approche est remise en question à la fin des années 1980 ; la corrélation entre traits psychologiques, facteurs de personnalité de l’entrepreneur et le succès de son entreprise n’est pas vraiment significative.

1.2.2. L’approche par les compétences

Dans les années 1990, de nombreux chercheurs ont préféré explorer une approche basée sur les compétences de l’entrepreneur. Moins innéiste, rattachée à des perspectives d’apprentissage et liée à la formalisation des programmes de formation, cette approche par les compétences conduit à l’identification de capacités (savoirs, savoir-faire et savoir-être) susceptibles de conduire au succès entrepreneurial. Un certain nombre de chercheurs mènent donc des enquêtes quantitatives auprès d’échantillons conséquents d’entrepreneurs et aboutissent ainsi à des listes de compétences dont la maîtrise et la mobilisation sont les plus susceptibles de contribuer au succès de leur entreprise (Chandler et Jansen, 1992 ; Herron et Robinson, 1993 ; Baum, 1995 ; Belley, Dussault et Lorrain, 1998). On peut résumer l’apport de ces travaux en une liste de compétences regroupées en axes principaux comme : détection d’opportunités d’affaires/compétences entrepreneuriales ; gestion financière, gestion marketing, compétences managériales, gestion de soi ou encore la capacité à réseauter.

Plus tard, dans les années 2000, ces modèles ont encore été affinés par des équipes de chercheurs qui ont également interrogé des échantillons conséquents d’entrepreneurs dans le but d’identifier une liste d’attributs et compétences susceptibles de qualifier leur activité professionnelle (Man et Lau, 2000 ; Man, Lau et Chan, 2008 ; Pettersen, 2006 ; Laviolette et Loué, 2006 ; Loué, Laviolette et Bonnafous-boucher, 2008). Des catégories de compétences émergent de ces travaux, elles permettent peu à peu de préciser et compléter les travaux antérieurs : management stratégique et corporate, résolution de problèmes, relations interpersonnelles. Enfin, alors que les travaux précédents axaient la consultation d’entrepreneurs à des niveaux locaux, régionaux ou parfois nationaux, nos récents travaux parient sur l’universalité du portefeuille de compétences entrepreneuriales de par la consultation d’entrepreneurs issus de plusieurs pays francophones : France, Canada (Québec) et Algérie (Loué et Baronet, 2012). Cette recherche a permis de présenter un référentiel de 44 compétences réparties en 7 axes principaux : détection d’opportunités d’affaires, gestion financière, gestion des ressources humaines, gestion commerciale et marketing, leadership et management, gestion financière, gestion de soi/capacités personnelles, gestion marketing stratégique et intuition/vision.

1.2.3. L’approche par les caractéristiques comportementales et attributs personnels

Des chercheurs québécois ont démontré que l’acte entrepreneurial nécessite la possession d’un certain nombre d’attributs. Cette approche comportementale stipule qu’un entrepreneur, pour réussir et mener son entreprise au succès, doit posséder un certain nombre de ressources individuelles, d’aptitudes, attitudes et savoir-être (Gasse et D’Amours, 1993 ; Gasse, 2005 ; Pelletier, 2006 ; Gasse et Paracini, 2007). L’individu doit être doté d’un « capital » spécifique lui permettant de réussir en affaires : antécédents, motivations, aptitudes, attitudes et compétences comportementales sont décrites et considérées comme des bases qu’il convient de posséder afin de se lancer dans la création d’entreprise. Une autre approche intéressante, nord-américaine toujours, consiste à considérer l’entrepreneur comme un individu doté d’un capital de compétences sociales appelées « social skills » et que ces attributs constituent une fondation solide permettant aux individus qui en sont dotés de connaître « un plus grand succès entrepreneurial » (Baron et Markman, 2000 ; Markman, 2007). Ces compétences sociales influencent en quelque sorte les efforts des entrepreneurs dans le démarrage de leur business ; elles sont présentées en trois axes principaux : perception sociale, impression managériale, persuasion et influence sociale, adaptabilité sociale.

1.2.4. Les compétences de l’entrepreneur inspirent l’éducation et les pratiques de management

Boyles (2012) synthétise différentes approches relatives aux compétences des entrepreneurs et présente une matrice composée de trois axes principaux : compétences cognitives (recherche d’information, tri et sélection de l’information, innover en apportant quelque chose de nouveau et d’original par rapport à l’existant, comparer, évaluer et synthétiser en développant des solutions aux problèmes complexes) ; compétences sociales (échanges collaboratifs en vue de résoudre des problèmes et apporter des innovations, gérer ses émotions et celles des autres, communiquer et fédérer) ; compétences orientées vers l’action (utiliser le temps et les ressources de manière efficiente, développer des plans d’action, auto-évaluation, flexibilité, initiative, choix d’une direction et responsabilisation). Ces compétences, selon l’auteur, sont susceptibles d’alimenter certains programmes de formation en entrepreneuriat et d’être évaluées dans le but de fournir une grille de lecture efficiente orientée vers la bonne appréhension de l’environnement des affaires du xxie siècle.

D’autres travaux tentent de relier les compétences de l’entrepreneur et la formation en entrepreneuriat. L’étude du sentiment d’auto-efficacité entrepreneuriale, par exemple, sur la base des travaux de Bandura (1977, 1997) et de la théorie du comportement planifié d’Ajzen (1991) peut permettre de mieux appréhender et comprendre les mécanismes qui poussent un individu à se lancer en affaires ou pas (Krueger et al. [2000] ; Drnovsek et Glas [2002] ; Boyd et Vozikis [1994] ; Sequeira et Mueller [2007] ; Giacomin et al. [2010]). On va même déterminer l’utilité et l’efficacité de certains programmes de formation en entrepreneuriat en interrogeant le sentiment d’auto-efficacité entrepreneuriale des étudiants les ayant suivis, en le comparant aux profils d’entrepreneurs chevronnés ou en le reliant à leur intention entrepreneuriale (Anna, Chandler, Jansen et Mero, 1999 ; Mueller et Dato-on, 2008 ; Desasilva, Yordanova et Tarrazon, 2011). L’analyse de l’influence d’un module de formation et de l’éducation entrepreneuriale en général sur le désir d’entreprendre et le déclenchement de l’acte d’entreprendre permet également d’avancer des hypothèses en termes d’efficacité de ces programmes et de transfert de compétences spécifiques (Galand et Vanlede, 2004 ; Nagels, 2005 ; Zhao, Seibert et Hills, 2005 ; Hossain, 2006 ; Barbosa, Gerhardt et Kickul, 2007 ; Boissin, Emin et Herbert, 2007 ; Boissin, Branchet, Albanet et Rossi, 2009 ; Fayolle et Gailly, 2009 ; Hossain et Haider, 2009 ; Jusoh, Zihae Asimiran et Kadir, 2011 ; Saint-Jean et al., 2014).

McGee, Peterson, Hueller et Sequeira (2009) proposent un modèle destiné à mesurer le sentiment d’auto-efficacité entrepreneuriale. Face à la multiplicité des recherches visant à mesurer cet attribut afin de mieux prédire le passage à l’acte entrepreneurial, les auteurs font le constat que de nombreux modèles aux visées, aux dimensions et aux échelles de mesures parfois différentes, orientés tantôt « general self-efficacy » (auto-efficacité générale), tantôt « entrepreneurial self-efficacy » (auto-efficacité entrepreneuriale) existent. Les auteurs proposent un modèle de mesure unifié, principalement orienté « entrepreneurial self-efficacy » et y incluent cinq dimensions spécifiques : searching (recherche d’opportunités), planning (planification), marshaling (contrôle), implementing people (gestion des collaborateurs) et implementing financial (gestion financière) auxquels ils attachent un total de 22 compétences.

1.2.5. Les compétences de l’entrepreneur : pour une approche constructiviste et bidimensionnelle

Les travaux que nous avons présentés se sont focalisés respectivement sur les traits de l’entrepreneur, ses compétences, ses caractéristiques, qualités et attributs personnels. De même, l’identification des compétences de l’entrepreneur revêt une importance spécifique dans le milieu de la formation en entrepreneuriat car travailler sur la base de ces dernières dans un contexte précis permet un meilleur ciblage des contenus de formation, un travail individuel et collectif sur d’éventuelles sources de progrès ainsi qu’une perspective de développement du nombre de créations d’entreprises grâce aux actions de promotion de l’entrepreneuriat. Nous avons présenté la définition de la compétence en nous appuyant largement sur les travaux de Le Boterf, qui considère cette dernière comme une « combinatoire de ressources internes et externes, que l’individu va mobiliser en situation de travail » et l’avons complétée avec la conception de « réservoir » de Dejoux (2001), dans lequel l’individu peut puiser en fonction des situations qu’il a à vivre et des problèmes qu’il doit résoudre.

Nous adhérons totalement à cette définition de la compétence, mais notre approche dans le cadre de ce travail de construction d’un référentiel de compétences sera toutefois plus restrictive. Dans la mesure où nous considérons des visées de management, de formation et d’accompagnement à la création d’entreprise, nous mettrons plus particulièrement l’accent sur les « savoir-faire » et « savoir-être », qui sont deux principales composantes de la compétence. Plus facilement et objectivement repérables, évaluables et valorisables, ces composantes sont de plus spécifiquement adaptées à ces contextes. En ce sens, notre conception de la compétence est constructiviste (elle s’appuie sur la combinaison de ressources) et bidimensionnelle (nous focalisons notre attention sur les savoir-faire et savoir-être).

2. Au Maroc, l’entrepreneuriat et l’entrepreneur sont au coeur des préoccupations

Au Maroc, les données quantitatives disponibles relatives à l’entrepreneuriat sont fournies par l’OMPIC[3]. Elles portent essentiellement sur les statistiques et l’évolution des créations d’entreprises. Les statistiques portant sur les reprises d’entreprises, les taux de mortalité des entreprises et les profils des créateurs ne sont pas disponibles. De même, l’absence d’un observatoire de l’entrepreneuriat conduit à une absence totale de données officielles sur les entrepreneurs (leurs profils, leurs activités, leurs entreprises…). Depuis plusieurs années, nous observons différentes initiatives gouvernementales dont le but est de faciliter les démarches de création d’entreprises : création des centres régionaux d’investissement ; création de l’Agence nationale de la PME ; modernisation de l’OMPIC ; financement des jeunes porteurs de projets grâce à des crédits jeunes promoteurs relayés ensuite par le programme Moukawalati[4] ; promotion de l’action entrepreneuriale dans le milieu de la formation (création de pépinières d’entreprises dans certaines universités marocaines). Dans le domaine de l’entrepreneuriat, il existe donc deux enjeux essentiels au Maroc : développer l’intérêt des jeunes pour la création d’entreprise d’une part, ce qui contribuerait au développement de l’activité économique du pays ; identifier plus précisément la population d’entrepreneurs et ses caractéristiques d’autre part, de manière à agir sur les outils de développement tels que les programmes de formation ou d’accompagnement à la création d’entreprise.

2.1. L’entrepreneur marocain, des caractéristiques encore trop peu identifiées

Dans son livre sur Casablanca, Adam (1968) observe que « c’est l’entrepreneur capitaliste qui a créé, en Occident, l’économie moderne. Du moment qu’il n’optait pas […] pour le socialisme, le Maroc devait avoir sa propre classe capitaliste pour la substituer aux étrangers. Mais la bourgeoisie marocaine n’a pas […] répondu aux espoirs qu’on avait mis sur elle. Riche d’une vieille tradition du négoce, qu’elle a brillamment adaptée aux techniques commerciales modernes, elle a reculé en général devant l’investissement industriel, qui est un placement à long terme, souvent spéculatif, qui avait fait la fortune de beaucoup de ses membres au cours de la Seconde Guerre mondiale. Mais elle n’a pas suivi les leçons de l’Européen dans le domaine de la production, elle a parfaitement imité son comportement consommateur, suivie en cela par la nouvelle classe des hauts fonctionnaires » (Adam cité par Ben Haddou, 1997, p. 62). Aussi, Ben Haddou (1997) souligne qu’« à part une minorité d’hommes très dynamiques, les entrepreneurs marocains ne possèdent pas encore ces qualités (inhérents à l’esprit du capitalisme) parce que derrière eux, il y a une éducation et des habitudes de pensée difficilement conciliables avec l’esprit du capitalisme au sens wébérien du terme » (p. 59).

Les travaux de Tangeaoui (1993) constituent une des principales contributions qui ont formulé la question de l’entreprise et de l’entrepreneur dans son articulation avec la société, le pouvoir et la modernité au Maroc. Voulant s’inscrire dans une perspective historico- critique, elle se démarque des travaux des économistes du développement qui ont mis l’accent de « manière répétitive, sur le rôle prépondérant de l’État, sans pour autant tenter de repérer les nouvelles dynamiques qui se manifestent dans une société marocaine, et d’en saisir les enjeux et les implications » (p. 89). L’auteur émet en outre deux constats principaux : le premier est que les entrepreneurs marocains forment « un groupe social hétérogène » caractérisé par des « origines sociales et familiales diverses » avec « des itinéraires multiples » ; le second consiste à dire que les « choix qu’opèrent ces élites traduisent une aspiration réelle à la modernisation des structures économiques et sociales et des rapports qui les sous-entendent » (p. 91).

Si l’histoire de l’entreprise marocaine est organiquement liée à l’avènement du protectorat selon les catégories décrites par Gallissot (1964), à savoir le « grand patronat » des entreprises multinationales, le « moyen patronat » des chambres de commerce et d’industrie et le « petit patronat », la marocanisation, en 1973, a permis l’engagement de nouveaux entrepreneurs dans le monde de l’économie. Ainsi, après le programme d’ajustement structurel de 1983, le processus de privatisation entré en vigueur depuis 1993 donne un nouveau souffle à la création d’entreprises, alors que la nouvelle politique de modernisation économique du gouvernement d’alternance (1998) était de nature à faire émerger une « nouvelle génération » d’entrepreneurs jeunes et cultivés. Tous ces auteurs mettent en exergue le phénomène « d’entreprise sans entrepreneur » au Maroc qui se réfère à une double réalité : d’un côté, une faible part d’entreprises dirigées par des entrepreneurs, en comparaison avec d’autres catégories de responsables qu’on pourrait désigner par la formule de « managers » ; de l’autre côté, une faible cristallisation de l’esprit d’entreprise au sens dégagé par Schumpeter (1935) qui implique « une démarche de recherche de performance ». En définitive, il semble qu’au vu des données disponibles[5], et à travers les politiques gouvernementales entreprises, qu’il y a bien des acteurs, entrepreneurs, qui commencent à se positionner sur le plan politique/économique local, régional et national. Les seuls travaux ayant eu pour but l’identification des caractéristiques du profil de l’entrepreneur marocain sont ceux d’Affaya et Guerraoui en 2009. Cette enquête, menée sur une centaine d’entrepreneurs marocains dont la majorité (75 %) a moins de 50 ans, fait ressortir un certain nombre déterminant, que nous résumons dans le tableau 1.

Tableau 1

Typologie des comportements de l’entrepreneur marocain selon Affaya et Guerraoui (2009)

Typologie des comportements de l’entrepreneur marocain selon Affaya et Guerraoui (2009)

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Les travaux présentés ci-dessus fournissent une approche à la fois historique et socio-économique de l’entrepreneuriat au Maroc. On comprend bien la difficulté de l’identification de l’entrepreneur au sens « schumpétérien » du terme, profondément ancré dans la recherche de performance. Ces travaux sont de plus essentiellement focalisés sur les traits de personnalité de l’entrepreneur marocain, un parcours spécifique, sa perception de la société marocaine, sa manière d’y inscrire son propre développement, ou encore ses croyances et ses orientations en matière de business. Or qu’en est-il des compétences de l’entrepreneur marocain au sens où nous les concevons ? Force est de constater qu’il n’existe aucun travail visant à les identifier. C’est l’objet de la recherche que nous présentons ci-après.

3. Cadre méthodologique

L’objectif de notre travail vise à faire émerger un référentiel de compétences validé auprès d’un échantillon d’entrepreneurs marocains. Dans cette partie, nous présenterons tout d’abord les spécificités du modèle de compétences retenu pour le questionnement de notre échantillon et justifierons notre choix. Nous décrirons ensuite les caractéristiques de l’échantillon d’entrepreneurs interrogé, avant de préciser nos échelles de mesure.

3.1. Le modèle de compétences initial retenu

Comme nous l’avons spécifié plus haut, nous avons choisi d’utiliser pour notre questionnement un modèle de compétences récemment validé (Loué et Baronet, 2012). Il peut être utile de justifier les raisons pour lesquelles ce référentiel nous a semblé pertinent dans un contexte marocain.

La première raison motivant ce choix est que ce modèle est issu d’un processus complet de validation qualitative et quantitative. La première phase de validation qualitative a été réalisée auprès de 29 entrepreneurs (par entretiens) et la seconde phase, quantitative, auprès de 402 entrepreneurs.

La deuxième raison est que cette validation a eu lieu dans trois pays francophones : France, Algérie et Canada (Québec) et qu’une part d’entrepreneurs a été interrogée dans chacun de ces trois pays. Tous les secteurs d’activités et tous les types d’entreprises ont été intégrés dans cette enquête (seuls les entrepreneurs ayant fondé leur entreprise depuis moins de 5 ans ont été exclus de l’enquête). Les résultats homogènes issus de cette consultation nous ont d’ailleurs permis de plaider pour une approche universelle de ce modèle de compétences. Ce travail nous semble pertinent dans la mesure où il permet de tester et d’avérer la solidité du modèle par rapport à certaines enquêtes précédemment menées à un niveau régional ou national. Le fait, de plus, que ce référentiel ait été validé en pays francophones, dont l’Algérie, nous assure de bonnes perspectives en termes de résultats, car le Maroc développe de toute évidence des pratiques liées aux affaires qui se révèlent proches de celles de ces trois pays.

La troisième raison concerne le choix de ne retenir que les composantes de la compétence plus objectivement évaluables en situation de formation ou de travail, comme les savoir-faire et savoir-être. En effet, certaines compétences valorisées par des études précédentes ont été volontairement exclues de ce modèle, par exemple les « relations interpersonnelles » de Pettersen (2006), les « capacités à travailler dur » de Chandler et Jansen (1992), les « capacités cognitives » de Baum (1995), le « management des opérations » de Belley, Dussault et Lorrain (1998), les « capacités conceptuelles » de Man et Lau (2000) et enfin « l’organisation et le management de l’information » de Boughattas, Bayad et Benedic (2008). Ainsi, les composantes de la compétence difficilement évaluables sont évacuées dans le but de se concentrer sur des capacités plus facilement identifiables en situation, plus objectivement évaluables, et surtout susceptibles de faire l’objet d’une action d’acquisition ou de développement en situation de formation. Ce parti-pris rejoint de plus notre définition de la compétence et la conception de combinatoire qui y est liée. En focalisant notre attention sur les composantes de la compétence de type savoir-faire et savoir-être, nous respectons ainsi l’orientation « management et formation » que nous souhaitons donner à nos travaux. Nous présentons ci-après les caractéristiques de ce référentiel de compétences.

Tableau 2

Matrice de représentation des 44 compétences validées par Loué et Baronet (2012) après rotation Varimax avec normalisation de Kaiser

Matrice de représentation des 44 compétences validées par Loué et Baronet (2012) après rotation Varimax avec normalisation de Kaiser

Les variables retenues dans le modèle de compétences sont celles dont le poids est supérieur à ,500 ; les variables sont classées par ordre décroissant. KMO mesure : ,931 ; test de sphéricité de Bartlett : app. χ2, (df : 903) : 10709,5, p < ,000.

Facteur 1 : détection d’opportunités d’affaires et exploitation ; facteur 2 : gestion financière ; facteur 3 : gestion des ressources humaines ; facteur 4 : commercial et marketing ; facteur 5 : leadership – management ; facteur 7 : marketing stratégique ; facteur 8 : intuition et vision.

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3.2. Description de l’échantillon marocain

L’échantillon interrogé est composé de 179 entrepreneurs marocains issus de l’ensemble des régions du pays.

Type de passation : le questionnaire a été diffusé par approche directe pour 45 % des répondants (réseaux professionnels, club d’entrepreneurs) et par le biais d’internet pour 55 % des répondants (réseaux sociaux, enquête web). Au terme de cette campagne de recueil des données, 224 questionnaires ont été rassemblés et 179 ont été retenus pour l’analyse soit 80 % (un nombre assez conséquent de questionnaires recueillis par le biais d’Internet n’était pas complet, ce qui nous a conduits à les supprimer).

Sexe des répondants : les entrepreneurs interrogés sont en grande majorité des hommes (83 %) et sont âgés de 25 à 44 ans pour 62 % d’entre eux.

Le niveau d’éducation se situe majoritairement à BAC + 3 (24 %) et BAC + 5 (58 %). L’expérience professionnelle des répondants est plutôt bien répartie ; 45 % des individus ont jusqu’à 10 ans d’expérience et 33 % de 10 à 20 ans d’expérience.

Expérience professionnelle : 68 % des personnes interrogées bénéficient d’une expérience d’au moins 10 ans dans leur secteur d’activité.

Concernant l’expérience entrepreneuriale des entrepreneurs interrogés, elle cumule majoritairement moins de 5 ans (67 % des répondants) et de 6 à 10 ans (21 % des répondants). 40 % des entrepreneurs interrogés ont déjà possédé 1 (25 %) ou 2 (15 %) entreprises avant leur entreprise actuelle et 45 % vivent leur première expérience entrepreneuriale.

Nombre d’entreprises possédées/type de propriété : 63 % de notre échantillon possède une seule entreprise actuellement et 30 % entre 2 et 3 entreprises. Le type de propriété est réparti entre une entreprise à propriétaire unique (45 %), une entreprise avec associés (30 %) et une entreprise familiale (25 %). 94 % des entrepreneurs interrogés sont des créateurs et 6 % ont repris une entreprise existante.

Secteur d’activité : les individus interrogés exercent majoritairement dans le secteur de la production industrielle (19 %) ou des services (63 %). Ils ont moins de 10 employés (66 %) ou de 10 à 50 salariés pour 25 % d’entre eux.

Le chiffre d’affaires se situe majoritairement à moins de 5 000 000 dirhams, soit environ 500 000 euros (63 %). Le type de marché de l’entreprise est en grande majorité local, régional ou national (79 %) et 26 % des entrepreneurs déclare exporter une partie de la production.

3.3. Échelles de mesure

L’échantillon d’entrepreneurs a été interrogé par voie de questionnaire. Nous avons repris les 44 compétences du modèle initial pour la construction de ce questionnaire. Le premier axe du questionnement comprend des questions d’ordre biographique : âge, sexe, niveau et domaine d’études, expérience. L’expérience entrepreneuriale et les caractéristiques de l’entreprise possédée sont ensuite abordées : nombre d’entreprises démarrées avant l’entreprise actuelle, nombre d’entreprises possédées actuellement, taille de l’entreprise, secteur d’activité, type de propriété, création ou reprise, marché, chiffre d’affaires, export, innovation.

Un second axe du questionnaire aborde la mesure de l’auto-efficacité entrepreneuriale. Sur ce dernier point les 44 compétences du modèle initial ont été présentées aux répondants, réparties en 8 axes principaux : détection et exploitation d’opportunités, management et leadership, gestion des ressources humaines, gestion financière, commercial-marketing, gestion de soi/organisation, marketing et gestion des activités et intuition-vision. Ces compétences ont été soumises à questionnement à l’aide d’une échelle de Likert à 7 points. La question posée était : « En regardant la liste suivante de compétences, pourriez-vous nous indiquer à l’aide de l’échelle de 1 à 7 jusqu’à quel point vous possédez cette compétence ? Dans cette échelle, 1 veut dire que vous ne possédez pas du tout cette compétence ou qu’elle ne correspond pas du tout à vous et 7 veut dire que vous possédez tout à fait cette compétence ou qu’elle correspond tout à fait à vous en tant qu’entrepreneur ; la valeur 4 signifie que vous possédez plus ou moins cette compétence ». Le questionnaire soumis à notre échantillon de 179 entrepreneurs comportait, au final, 67 items.

Au vu du modèle initial présenté, deux enjeux se posent. Le premier enjeu repose sur les résultats statistiques issus des réponses fournies par les entrepreneurs marocains permettant de valider ou non les compétences du modèle initial. Par conséquent, la question cruciale de la robustesse statistique du modèle marocain par rapport au modèle initial se pose. Le second enjeu concerne la structure interne du modèle de compétences validé au Maroc. En effet, outre la validation de l’ensemble des compétences du modèle de base, la question de la stabilité du modèle de compétence se pose : les axes seront-ils identiques ? Seront-ils répartis de la même manière en termes de poids statistique et donc d’importance au sein du modèle ?

4. Résultats

4.1. Les compétences de l’entrepreneur marocain

L’analyse statistique réalisée sur la base des 179 questionnaires est une analyse en composantes principales, permettant de valider les compétences présentées aux répondants et de les ordonner également en axes principaux et hiérarchisés. Les résultats font ressortir un modèle de compétences d’une bonne fiabilité statistique.

Tout d’abord, les variables dont le poids était inférieur à ,500 ont été supprimées du modèle, tel que préconisé par Hair, Black, Babin et Anderson (2010). En second lieu, les corrélations intervariables sont fortes (> ,300). Ensuite, la mesure de l’adéquation de l’échantillonnage (KMO) fournit un indice très significatif (,926). Enfin, le test de sphéricité de Bartlett est significatif (p < ,05). L’analyse en composantes principales fait ressortir 42 compétences réparties en 7 facteurs, qui expliquent 67,17 % de la variance. Les alphas de Cronbach sont également significatifs, compris entre ,781 et ,866. Tous ces indicateurs permettent de plaider en faveur de la stabilité et de la fiabilité de la représentation statistique des compétences mesurées. Nous présentons ci-après les détails de cette analyse.

Le premier facteur est celui de la gestion des ressources humaines. Il représente 35,48 % de la variance exprimée. Cet axe de compétences regroupe l’évaluation des collaborateurs (performance, compétences, entretien annuel, potentiel…), mais également la définition du contenu des postes, le recrutement, la gestion de la rémunération ainsi que le licenciement des collaborateurs.

Le deuxième facteur est celui des compétences comportementales. Il représente 7,88 % de la variance exprimée et regroupe des compétences traditionnellement reliées à l’entrepreneuriat (flair, vision, créativité) mais également des capacités d’organisation, d’animation, de la rigueur et de persévérance. On perçoit ici l’entrepreneur organisé, animateur et fédérateur d’équipes et doté de capacités créatives et visionnaires.

Le troisième facteur est celui de l’entrepreneuriat ou de la détection d’opportunités d’affaires. Il représente 6,89 % de la variance exprimée et regroupe les compétences liées aux différentes étapes de la création d’activité : détection d’opportunité d’affaire (appréhender le marché, détecter une opportunité d’affaire), élaboration du projet (avoir une vision stratégique, développer un business modèle, développer des partenariats), lancement de l’activité (innovation, attirer les investisseurs, développer des partenariats). Ces différentes étapes peuvent être rapprochées des travaux de Bruyat (1993) sur le processus entrepreneurial : déclenchement du processus entrepreneurial, engagement total du créateur et survie – développement de l’entreprise créée.

Le quatrième facteur est celui des compétences commerciales. Il représente 5,80 % de la variance exprimée. On retrouve ici les compétences traditionnellement imputables à la gestion commerciale : capacité à négocier, argumenter une vente, fidéliser un client, mettre en place une stratégie commerciale…

Le cinquième facteur est celui de la gestion financière. Il représente 4,09 % de la variance exprimée. Sont regroupées dans ce facteur les compétences telles que la gestion de la trésorerie, l’interprétation du bilan, du compte de résultat et du compte de résultat prévisionnel ainsi que la gestion des coûts, des prix de revient et de la marge.

Le sixième facteur est celui de la gestion stratégique. Il représente 3,83 % de la variance exprimée. Il regroupe des compétences d’étude de marché et de veille concurrentielle ainsi que l’analyse et la gestion financière de l’entreprise (ratios, déclarations fiscales). Sur cet axe, l’entrepreneur mobilise des compétences en marketing stratégique mais utilise également des outils financiers pour étayer son analyse et donc affiner sa stratégie.

Le septième facteur est celui du management des équipes. Il représente 3,19 % de la variance exprimée et regroupe des compétences comme la motivation des équipes, l’écoute, l’instauration d’un bon esprit d’équipe et la pratique du management participatif.

Tableau 3

Matrice de représentation des 42 compétences validées auprès des 179 entrepreneurs marocains après rotation Varimax avec normalisation de Kaiser

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4.2. Évolution du modèle de compétences

Le modèle statistique présenté relatif à notre échantillon d’entrepreneurs marocains se révèle donc particulièrement fiable et robuste puisqu’il présente 42 compétences validées, que celles-ci sont réparties en 7 facteurs/axes principaux et que tous les indicateurs liés à l’analyse en composantes principale sont statistiquement homogènes. Ce premier niveau de validation constitue un résultat essentiel, puisque la solidité du modèle statistique est ici confirmée. Le modèle de compétences marocain confirme également le maintien d’une très grande partie des compétences par rapport au modèle initial, ce qui nous permet d’employer le terme de confirmation, ou encore de « validation statistique ».

Outre cette étape de validation statistique du modèle de compétences marocain, les résultats que nous avons présentés peuvent être comparés au modèle initial composé de 44 compétences réparties en 8 facteurs. Nous focaliserons cette analyse sur deux éléments de comparaison. La structure du modèle tout d’abord, le nombre de facteurs ainsi que leur composition ; le poids et la position de chacun des facteurs dans la matrice statistique ensuite, permettant de comparer l’importance de certains axes de compétences, la prégnance de certains par rapport à d’autres.

Le premier élément de comparaison entre les deux modèles est le nombre de compétences validées ; seules deux compétences disparaissent en effet du modèle marocain par rapport au modèle initial : la capacité à être méticuleux et celle à impulser une organisation. Le deuxième élément est la composition des différents axes de compétences. D’un modèle à l’autre, nous constatons que ces axes sont globalement constants (même si certains diffèrent de façon marginale) et que les compétences qu’ils regroupent sont organisées de manière quasi identique.

Le troisième point concerne cette fois la variabilité interne du modèle de compétences marocain. En effet, si le nombre de compétences varie peu d’un modèle à l’autre, et si le nombre de facteurs varie peu également (8 facteurs pour le modèle initial, 7 pour le modèle marocain), force est de constater que la structure interne du modèle marocain tend à différer. Les résultats montrent en effet un poids incontestable des compétences en gestion des ressources humaines et comportementales, qui constituent les deux principaux facteurs de la représentation statistique et qui représentent respectivement 35,48 % et 7,88 % de la variance exprimée. Les compétences en détection d’opportunité d’affaires sont placées en troisième position dans le modèle marocain et représentent 6,89 % de la variance exprimée alors que le modèle initial les positionne en première position et que cet axe représente 34,4 % de la variance exprimée.

Enfin, le quatrième point de comparaison souligne un élément de forte variabilité d’un modèle à l’autre : la variance exprimée des compétences en GRH et en détection d’opportunités d’affaires. Ces deux axes de compétences sont les plus fortement évalués par les entrepreneurs interrogés d’un modèle à l’autre. En clair, les entrepreneurs de France/Algérie/Québec affichent la prédominance des compétences en détection d’opportunités d’affaires (34,4 % de la variance exprimée dans le modèle statistique) alors que les entrepreneurs du Maroc montrent une nette prégnance des compétences en gestion des ressources humaines (35,5 % de la variance exprimée dans le modèle statistique présenté) comparativement aux compétences en détection d’opportunités d’affaires (6,9 % de la variance expliquée). Nous présentons ci-après un tableau comparatif des axes de compétences issus des deux modèles, initial et marocain.

Tableau 4

Comparaison du modèle de compétences marocain avec le modèle initial (Loué et Baronet, 2012)

Comparaison du modèle de compétences marocain avec le modèle initial (Loué et Baronet, 2012)

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5. Apports et limites de notre recherche

5.1. Apports

Le travail que nous avons présenté a permis de valider statistiquement un modèle de compétences auprès d’un échantillon d’entrepreneurs marocains. Il peut s’agir d’un apport considérable, eu égard de la pauvreté constatée de la littérature scientifique relative au profil et aux compétences des entrepreneurs au Maroc.

De par nos résultats, nous montrons d’une part la stabilité statistique du référentiel de compétences validé en premier lieu dans trois pays francophones (France, Algérie et Québec). Les résultats présentés pour l’échantillon marocain dévoilent des compétences réparties de façon sensiblement similaire dans des axes que l’on peut qualifier de quasi-identiques à ceux présentés dans le modèle statistique initial.

Ce premier niveau de comparaison faisant apparaître une homogénéité des modèles statistiques ne doit pas, pour autant, nous faire oublier un certain niveau de variabilité. Nous constatons en effet cette variabilité, car si les compétences sont validées d’un modèle à l’autre dans leur quasi-totalité, il n’en demeure pas moins que certaines dissimilitudes apparaissent lorsque l’on se préoccupe du poids statistique des axes de compétences au sein de chacun des modèles ou même de la répartition des compétences au sein des axes de compétences.

Ceci montre que les entrepreneurs marocains témoignent d’un sentiment d’auto-efficacité qui diffère de par sa force et son intensité sur un certain nombre de domaines de compétences, comme la gestion des ressources humaines, la détection d’opportunité d’affaires et la gestion financière. Le poids de ces axes est apparu de manière différente dans l’analyse en composantes principales réalisée sur l’échantillon marocain par rapport à celle réalisée précédemment sur l’échantillon français, algérien et québécois (les autres facteurs ont un poids sensiblement identique d’un modèle à l’autre). C’est, comme nous le montrons plus haut, sur ces points que les différences apparaissent de manière plus significative. Les raisons de cette variabilité, et notamment le fait que les entrepreneurs marocains n’aient pas placé les compétences en détection d’opportunités d’affaires en première position dans la matrice statistique, peuvent s’expliquer (entre autres) par la faible propension des entrepreneurs marocains à incarner l’esprit d’entreprise qui incarne la recherche de la performance « au sens schumpétérien du terme », ou encore à « incarner les qualités inhérentes à l’esprit du capitalisme » (voir notre partie consacrée à l’entrepreneur marocain et notamment Ben Haddou, 1997). Nous constatons statistiquement cette tendance à privilégier les relations humaines et les compétences comportementales plutôt que la détection d’opportunités d’affaires. Il s’agit donc ici de points de divergences, qui soulignent les différences socio-culturelles d’un environnement par rapport à un autre.

Malgré les points de divergence susceptibles d’être relevés d’un modèle de compétences à l’autre, ces résultats nous permettent de plaider en faveur d’un référentiel de compétences entrepreneuriales à caractère universel, c’est-à-dire adapté et applicable dans des contextes/pays différents. Nous remarquons effectivement une certaine variabilité des résultats d’un modèle de compétences à l’autre, mais celle-ci concerne moins le nombre de compétences validées que le positionnement et le poids de chacun des axes de compétences au sein de l’un et l’autre des modèles statistiques.

Notre travail ouvre également la voie vers plus de rationalisation et moins de subjectivité dans le domaine de l’accompagnement à la création d’entreprise. Au lieu de s’attarder sur les seules attitudes et comportements jugés efficaces dans le domaine de la création d’entreprise, pour devenir entrepreneur ou pour avoir des chances de réussir, les conseillers en création, coaches et formateurs, pourront focaliser leur accompagnement sur des perspectives d’acquisition ou développement de savoir-faire (qui induiront également l’acquisition ou le développement de savoirs théoriques) et savoir-être évaluables de la manière la plus objective qui soit. À terme, en se basant sur un référentiel de compétences validé statistiquement auprès d’un grand nombre d’entrepreneurs, il devient aisé de s’appuyer sur ledit modèle, les compétences qu’il contient et de construire un dispositif pédagogique dont l’objectif serait l’acquisition ou le développement de ces compétences. Cet outil « clés en main » permettrait à tout formateur une évaluation optimisée et objective, la détection ciblée des besoins de formation et la prescription de ces formations au plus près des besoins spécifiques du créateur d’entreprise ou de l’entrepreneur souhaitant développer certaines de ses compétences. Ce dispositif serait également susceptible d’être accompagné ou complété par d’autres pratiques et outils permettant l’optimisation du dispositif de formation ou d’accompagnement : évaluation des besoins individuels de développement de compétences, auto-évaluation, pratique réflexive, formations individuelles ou collectives, coaching, mentorat…

5.2. Limites

Une des limites de notre recherche est d’avoir utilisé un modèle de compétences existant dans le but de le valider au Maroc. Dans la mesure où ce modèle de compétences initial a été soumis à un échantillon conséquent d’entrepreneurs francophones et donc à proximité culturelle forte, nous avons fait le choix de transposer ce modèle plutôt que d’en recréer un de toutes pièces. Ajoutons que ce modèle a précédemment été validé qualitativement et quantitativement, ce qui lui confère une certaine solidité et justifie de ce fait notre choix.

Par ailleurs, les entrepreneurs interrogés ont été questionnés sur les compétences dont ils disposent et non pas les compétences qu’ils mobilisent effectivement dans leurs activités entrepreneuriales. Par exemple, un entrepreneur diplômé d’une école de commerce peut maîtriser un grand nombre de compétences en gestion des ressources humaines, sans toutefois les mobiliser toutes de manière effective dans son entreprise. Cette limite est susceptible d’ouvrir une nouvelle voie de recherche portant sur une analyse comparative entre « compétences acquises » et « compétences réellement mobilisées » par les entrepreneurs. Ce travail peut trouver une légitimité dans le cadre d’une logique d’optimisation et de contextualisation des dispositifs de formation à l’entrepreneuriat.

Une autre limite de ce travail réside dans l’approche méthodologique mobilisée. Celle-ci a permis de confirmer au Maroc un référentiel de compétences initialement validé dans d’autres pays, sans toutefois permettre de faire ressortir d’autres compétences contextuelles (ceci n’était pas le but de la recherche). Une approche qualitative a posteriori pourrait s’inscrire dans une démarche complémentaire en vue de faire émerger d’éventuelles nouvelles compétences.

Enfin, les différences culturelles et autres spécificités liées par exemple au secteur d’activité, à l’activité même de l’entrepreneur ou encore à son expérience seraient susceptibles de faire varier nos résultats. N’oublions pas cependant que nous présentons un référentiel composé de compétences « clés », au sens de Hamel et Pralahad (1990), à savoir celles qui confèrent un avantage concurrentiel, celles qui permettent de se distinguer de la concurrence ou, pour ce qui concerne notre domaine, les « compétences les plus représentatives du métier d’entrepreneur ». L’entrepreneur marocain, comme les autres d’ailleurs, maîtrise un grand nombre d’autres compétences. Notre objectif, ici, n’est pas d’être exhaustif, le modèle que nous présentons doit être considéré comme un « dénominateur commun », une base, un socle sur lequel chacun est susceptible de s’appuyer.

Conclusion et perspectives

Les résultats de notre recherche menée auprès de 179 entrepreneurs marocains nous permettent de dresser plusieurs conclusions et d’entrevoir un certain nombre de perspectives.

Tout d’abord, notre conception de la compétence appliquée à l’entrepreneur ne diverge pas des définitions de la compétence présentées plus haut et de sa conception dynamique, plus particulièrement défendue par Le Boterf. Nous considérons la compétence sous l’angle d’une combinatoire de ressources et intégrons le postulat selon lequel la compétence est contextualisée et contingente. Nous croyons néanmoins à l’émergence et à l’utilité d’un outil qui rassemble les compétences considérées comme les plus essentielles pour l’entrepreneur et qui permette d’optimiser des actions de formation ou d’accompagnement. Enfin, le fait que cet outil soit plus spécifiquement focalisé sur des savoir-faire et savoir-être ne signifie nullement qu’aucun autre type de compétence et qu’aucune autre compétence ne soit nécessaire à l’exercice du métier d’entrepreneur, bien au contraire.

Nous rompons ainsi avec la conception hyper-normative du référentiel de compétences et lui conférons une valeur représentative de l’activité, une « représentation du travail et du métier de l’entrepreneur » qui, sans être exhaustive, a une visée représentative. La question de l’exhaustivité fait d’ailleurs débat lorsque l’on parle de formalisation d’un référentiel de compétences (Minet, 2005). Celle-ci n’est, le plus souvent, nullement recherchée, car impossible. Les auteurs s’accordent en général sur le fait que la question du « maillage, du niveau de détail » du référentiel est importante, et doit faire l’objet d’arbitrages. Alors que, dans le monde de l’entreprise, le référentiel de compétences émane le plus souvent d’observateurs et de praticiens qui analysent et confrontent leur représentation dans le but de produire une « représentation partagée du travail » (Jouvenot, 2005), le référentiel que nous présentons nous est fourni par les intéressés eux-mêmes : les entrepreneurs. Nous utilisons par conséquent une démarche de type « bottom up », à savoir que la structuration de l’outil est produite à partir des individus concernés eux-mêmes et non par l’observation des praticiens. Nous nous appuyons en effet sur le sentiment d’auto-efficacité, émanant de l’individu lui-même au regard de ce qu’il sait faire et de ce qu’il fait au quotidien. De ce fait, toutes les compétences énoncées dans notre questionnaire ont été recueillies initialement par la voie d’entretiens qualitatifs auprès d’un échantillon d’entrepreneurs et ont fait ensuite l’objet d’une validation quantitative (voir notre méthode de collecte des données qualitatives dans Loué et Baronet, 2012).

Concernant les différences de structure entre les modèles de compétences initiaux et marocain, nous pouvons nous appuyer sur les caractéristiques de l’entrepreneur marocain pour comprendre que ce dernier est bel et bien présent au Maroc, que ses caractéristiques sont proches de celles de l’entrepreneur que nous connaissons en occident, mais qu’elles tendent à différer sur certains points, notamment sa propension sensiblement plus faible à s’inscrire dans une démarche de détection d’opportunités d’affaires et de recherche de performance. Ces caractéristiques de l’entrepreneur marocain transparaissent dans le modèle de compétences que nous avons présenté : disparition de la compétence « impulser une organisation » qui apparaît comme centrale en entrepreneuriat ; poids différent des compétences entrepreneuriales au sein du modèle par rapport au modèle initial. C’est, certes un point de divergence, mais c’est également un des points forts de notre travail puisqu’il permet de faire apparaître certaines particularités liées à un environnement socio-culturel et économique spécifique. Ces particularités ne soulignent pas forcément une rupture, mais constituent de toute évidence un point d’observation permettant une meilleure compréhension et appréhension du modèle de compétences.

Nos résultats constituent, au final, des données fiables contribuant à une formalisation du profil et des compétences de l’entrepreneur marocain. Actuellement inexistantes, ces données seront sans doute d’une grande utilité à tout chercheur, pédagogue ou praticien en entrepreneuriat souhaitant travailler sur la question des compétences entrepreneuriales dans un contexte marocain. En considérant le référentiel de compétences comme un outil à partir duquel peuvent être élaborés des outils secondaires, spécifiques au recrutement ou à la formation (Minet, 2005), nous pouvons dégager des pistes d’utilisation de l’outil présenté dans plusieurs domaines en contexte marocain : les programmes de formation tout d’abord, qui peuvent gagner en lisibilité et en clarté s’ils sont construits sur des bases correspondant à la réalité de l’activité d’un entrepreneur et à des besoins avérés du public ; l’accompagnement à la création d’entreprise ensuite, pour laquelle ce type d’outil serait susceptible de clarifier les besoins du créateur d’entreprise ou jeune entrepreneur, de donner lieu à la formalisation d’outils d’auto-évaluation ou encore d’orienter l’individu vers des actions de formation ou de coaching.