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Les représentations entrepreneuriales, un collectif sous la direction de Louis Jacques Filion et Christian Bourion, présente une synthèse magistrale des différentes problématiques associées aux relations entre le projet entrepreneurial en tant que représentation mentale et sa mise en oeuvre dans ce qu’on pourrait appeler « l’univers réel ». La prémisse de départ de l’ouvrage est que les représentations mentales constituent la première étape du processus entrepreneurial. Dans cette perspective, l’opportunité perçue ou construite par l’entrepreneur est d’abord et avant tout une représentation, une vision différente du monde, tel qu’il est ou qu’il pourrait être[1]. Dès lors, la compréhension des représentations mentales devient la porte d’entrée à la compréhension de l’entrepreneuriat en tant que processus émergent. Or, comme le souligne Louis Jacques Filion dans son éditorial, on ne retrouve dans les publications scientifiques que très peu d’études approfondies de ces représentations et de leurs liens avec la mise en oeuvre de projets entrepreneuriaux.
Du point de vue d’un observateur externe, ces représentations peuvent parfois sembler irréalistes, voire chimériques mais, pour leur auteur, elles sont toujours rationnelles, la rationalité étant souvent une question de perspective. Comme le relève Christian Bourion, l’histoire de l’entrepreneuriat abonde d’exemples d’entrepreneurs qui ont changé le monde en proposant des concepts qui, en un premier temps, étaient trop novateurs pour être compris ou acceptés par leur société de référence, généralement parce que leurs représentations mentales étaient trop en avance sur ce que leurs contemporains considéraient comme faisant partie de ce qu’on pourrait appeler « l’univers du possible ».
L’émergence de ces représentations est étroitement liée à l’ontologie de l’acteur entrepreneurial ainsi qu’à son espace de soi, reçu et construit. « No man is an island » disait au xvii e siècle le poète anglais John Donne pour illustrer le fait que les êtres humains ne peuvent prospérer et se développer en vase clos. Dans cette optique, il ne s’agit pas de relancer le vieux débat à savoir si l’on naît entrepreneur ou si on le devient, mais plutôt de reconnaître que l’entrepreneuriat non plus ne survient pas en vase clos. À partir d’un espace de soi reçu, l’entrepreneur se construit, parfois en s’adaptant à son environnement, parfois en le modifiant, mais parfois aussi en allant chercher ailleurs un terreau plus fertile qui lui permettra de se réaliser.
Dans cette optique, la transition entre une représentation mentale novatrice et sa mise en oeuvre dans un projet entrepreneurial réussi présuppose certaines dispositions chez l’acteur entrepreneurial, notamment un minimum de résilience ainsi qu’une certaine capacité de métanoïa, qui lui permettront d’affronter les inévitables difficultés de parcours, d’apprendre de ses erreurs et de réinventer en fonction de circonstances changeantes. Aux savoir-faire et savoir-être traditionnels de l’entrepreneur s’ajoute ainsi un savoir-devenir qui a souvent une influence déterminante sur la viabilité et le potentiel de croissance de l’entreprise. Dans le même ordre d’idées, le potentiel de croissance est également fonction de l’espace de soi que l’entrepreneur veut ou peut laisser aux collaborateurs de haut niveau sans qui la représentation entrepreneuriale de départ pourra difficilement se réaliser.
Dans la suite de l’ouvrage, Frédéric Créplet et Babak Mehmanpazir présentent d’abord une recension des publications parues avant l’an 2000 sur les représentations mentales, pour ensuite illustrer comment le succès de l’entreprise en tant que « processeur de connaissance » dépend largement de sa capacité à générer, recueillir et exploiter les multiples connaissances pertinentes à son champ d’activité. À partir des représentations mentales de plus de 400 entrepreneurs, Marie-Josée Bernard montre comment la capacité de résilience permet à l’entrepreneur d’affronter l’adversité et de se reconstruire en apprenant de ses erreurs. Cette étude permet notamment de mieux comprendre comment certains entrepreneurs finissent par réussir après avoir surmonté de multiples échecs.
Christophe Schmitt et Mohamed Bayad abordent le processus entrepreneurial dans le cadre d’une activité projet « comme une autre » et décrivent des différentes étapes qui marquent la progression du projet entrepreneurial depuis le stade de la représentation mentale jusqu’à celui de la mise en oeuvre. Mathieu Murcherie s’intéresse aux représentations de l’entrepreneur qui se dégagent des travaux des économistes autrichiens en insistant sur le rôle, les motivations et les qualités de l’entrepreneur dans un processus de coopération sociale. Frédérique Cornuau dresse un portrait des entrepreneurs français à partir des représentations des économistes et des statisticiens. Sandrine Berger-Douce traite de la responsabilité sociale des PME dans la perspective d’un cas concret, soit celui de Triselec-Lille, une écoentreprise spécialisée dans le tri et le recyclage des déchets ménagers. Enfin, l’ouvrage comprend également trois récits d’entrepreneurs qui voient leur entreprise comme une famille.
En somme, l’ouvrage souligne que la réalisation d’un projet entrepreneurial est un processus laborieux qui part d’une réalité intérieure souvent très abstraite pour aboutir à des actions concrètes dans l’univers réel. Les différents articles présentés dans Les représentations entrepreneuriales permettent de mieux comprendre les étapes de ce processus en mettant l’accent sur les caractéristiques permettant à l’entrepreneur en devenir d’évoluer, aussi bien en fonction de sa réalité intérieure que des circonstances changeantes de son environnement.
Appendices
Note
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[1]
Dans un éditorial récent, par exemple, le Washington Post attribuait la victoire de Barack Obama tant à sa vision novatrice de l’Amérique du xxi e siècle qu’à la machine électorale rigoureuse mise en place par David Plouffe, son directeur de campagne, pour exploiter l’opportunité perçue par Obama.