Comptes rendus

Louise Cadieux et Bérangère Deschamps (sous la direction de), Le duo cédant repreneur : Pour une compréhension intégrée du processus de transmission / reprise des PME, Québec, Presses de l’Université du Québec, collection « Entrepreneuriat et PME », 2011, 268 p.[Record]

  • Olivier Germain

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  • Olivier Germain
    Département de management et technologie École des sciences de la gestion Université du Québec à Montréal

Cet ouvrage collectif est le fruit d’une rencontre autour d’un vide théorique, comblé par des idées astucieuses. Rencontre, de deux trajectoires individuelles élaborées autour de la transmission et de la reprise de PME, expertises respectives de Louise Cadieux et de Bérangère Deschamps depuis leurs recherches doctorales. Vide théorique, car curieusement ces deux thèmes n’avaient que très peu été mis en relation étroite dans une même conversation. Idées astucieuses, enfin, puisque les deux coordinatrices ont décidé de convier des regards parfois extérieurs à l’examen de l’objet considéré : le processus de transmission/reprise. Le résultat correspond donc à une véritable attente au regard de l’état de la littérature. Il est désormais possible de disposer d’un ouvrage de référence qui accorde une place à des oubliés tels que le salarié, à des formes négligées telles que la reprise interne ou la transmission en entrepreneuriat social, ou bien à des thématiques sous-estimées en situation de reprise comme la créativité ou la régénération. Avant d’en présenter le contenu, il me semble intéressant de souligner qu’en ces temps de financiarisation excessive où le jargon est plus au rachat, au dépeçage, à la scission, à la valeur boursière, il est plaisant de lire un ouvrage qui, à sa manière, réinvestit le management avec des « vraies personnes » et remet la finance au second plan. La perspective défendue par les coordinatrices et qu’elles souhaitent imprimer à l’ouvrage est présentée en début d’ouvrage. Les auteures proposent un processus intégré de transmission/reprise, découpé en quatre phases où les intérêts et points de vue du cédant et du repreneur nécessairement se croisent. Elles établissent ensuite pour chaque phase différents enjeux qui sont autant de possibles embûches sur le parcours des deux protagonistes. Ce dont il est ici question semble plus relever du modèle séquentiel par étapes que du processus. Le projet en partie normatif de l’ouvrage, d’une part, et la recherche d’un compromis entre deux points de vue, d’autre part, nécessitent toutefois cette modélisation simple par étape. Dans tout projet d’élaboration des connaissances, cette démarche de simplification constitue une phase importante, mais appelle souvent par la suite un regain de complexification du modèle. Une première partie traite du management stratégique en situation de transmission/reprise. L’enjeu est crucial dans la mesure où certaines orientations stratégiques peuvent hypothéquer le devenir même de l’affaire, au moins à moyen terme. Dans cette partie, il est question des tensions qui traversent la transmission/reprise de PME entre exploration de voies nouvelles et préservation des acquis. En dessinant les nouveaux contours stratégiques de l’affaire cédée ou reprise, l’identité de l’organisation se transforme. C’est dans ce sens qu’on a pu parler de re-création d’entreprise. Les implications, parfois tardives et silencieuses, de cette transformation identitaire sont importantes, ne serait-ce que dans le processus d’identification des collaborateurs au projet collectif. L. Bégin, D. Chabaud et M. Hannachi traitent des possibilités de régénération stratégique de l’entreprise à l’occasion d’une relève. Ils examinent notamment cette transition entre les deux protagonistes, les freins et les leviers qui rendent plus propice la régénération stratégique. La régénération, si l’on s’en tient aux sources de la métaphore, dénote une forme de retour à la vie, une renaissance. La tentation d’une lecture anthropomorphique des conduites stratégiques des entreprises n’est donc pas loin de l’autre côté de la métaphore et le recours au cycle de vie de l’entreprise renvoie à une lecture évolutionniste de la trajectoire des entreprises. La régénération stratégique constitue précisément ce momentum où les acteurs parviennent à se défaire de la « contrainte de sentier » (dans le vocabulaire évolutionniste) pour imposer leur « choix stratégique » (selon la recherche fondatrice de John Child) aux …