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Introduction

Les travaux traitant de l’Internet et de ses applications dans le domaine des affaires sont nombreux dans la littérature académique et remontent au début des années 1990. Les articles séminaux à propos du commerce électronique sur Internet, par exemple, datent de 1996 (Zwass, 1996) ; depuis, les publications se sont multipliées d’une façon exponentielle et les problématiques traitées ont évolué rapidement. Toutefois, la question de l’adoption des affaires électroniques sur Internet demeure toujours d’actualité même après plusieurs années de l’apparition des premiers articles de recherche dans ce domaine (Hasan, Morris et Probets, 2013 ; Tian, Zhang et Guan, 2013 ; Chen et Zhang, 2013). De plus, il est surprenant de constater qu’aujourd’hui les recherches consacrées aux petites entreprises (PE) dans le domaine des affaires en ligne sont encore peu nombreuses (Asghar, Zhang et Brem, 2013 ; Sila et Dobni, 2012). Pourtant, les initiatives d’adoption de projets Internet peuvent offrir à ce type d’entreprises de nouvelles opportunités en matière de compétitivité et de croissance (Amabile, 2007 ; Amabile et Gadille, 2005). D’un autre côté, la relation entre les initiatives d’adoption des affaires électroniques (e-business) et la performance des petites entreprises n’a pas été suffisamment étudiée malgré son importance (Chen et Zhang, 2013 ; Sila et Dobni, 2012). Si certaines expériences en ligne ont réussi (Kang, 2013 ; Sila et Dobni, 2012), plusieurs autres initiatives dans les petites organisations n’ont pas connu le même essor (Raymond et Bergeron, 2008 ; Nguyen et Mevel, 2007). Les travaux académiques qui ont essayé d’étudier cette question demeurent, étonnamment, insuffisants.

Ainsi, afin de combler cette lacune, ce papier tente d’apporter des éléments de réponse aux interrogations suivantes :

  1. Quels sont les déterminants des initiatives d’adoption des affaires électroniques par les petites entreprises ?

  2. Comment ces initiatives peuvent-elles améliorer la performance des petites entreprises ?

Deux remarques méritent d’être soulignées à ce niveau. Premièrement, il convient de noter que les antécédents et les conséquences de la mise en place d’un projet d’affaires électroniques seront pris en compte dans un même cadre conceptuel pour essayer d’avoir une vision d’ensemble et non fragmentée de la question étudiée. Deuxièmement, différentes initiatives des affaires électroniques seront étudiées afin d’avoir un niveau d’analyse plus fin et dépasser les limites des travaux passés qui ont utilisé un seul terme générique pour désigner différents projets électroniques (Chen et Holsapple, 2013 ; Sila et Dobni, 2012).

Le contenu de cette recherche est organisé comme suit : les premières sections seront consacrées à la revue de la littérature concernant les antécédents et l’impact des initiatives des affaires électroniques dans les petites entreprises. Ensuite, le modèle conceptuel sera présenté et discuté. Dans les sections suivantes, la méthodologie et les méthodes d’analyse de données seront exposées. Les sections suivantes seront consacrées à la présentation et à la discussion des principaux résultats. La conclusion soulignera, enfin, la contribution de cette recherche.

1. Types d’initiatives des affaires électroniques dans les PE

La taille de l’entreprise est un facteur qui peut être associé simultanément à un ensemble d’avantages et d’inconvénients. Par exemple, les grandes organisations possèdent plus de ressources pour le développement de nouveaux projets et se caractérisent par un degré de contrôle plus élevé de leur environnement externe (Damanpour, 1996). D’un autre côté, les petites organisations sont moins bureaucratiques, plus flexibles et offrent généralement un environnement de travail plus convivial (Becheikh, Landry et Amara, 2006). Ces avantages et inconvénients de la taille influencent l’adoption des innovations technologiques au niveau organisationnel. Les grandes organisations ont plus de ressources financières, possèdent des compétences humaines plus importantes et détiennent des capacités techniques plus développées. Ces caractéristiques les placent au premier rang quant à l’adoption des innovations complexes (Dewar et Dutton, 1986). En revanche, la grande taille peut inhiber l’adoption des innovations technologiques dans certains cas, car les grandes firmes sont typiquement plus formalisées, imposent un comportement managérial plus standardisé et se caractérisent par un degré de résistance au changement plus élevé. Les petites organisations, d’un autre côté, peuvent être plus innovantes dans la mesure où elles sont plus flexibles et possèdent une plus grande capacité d’adaptation aux changements (Becheikh, Landry et Amara, 2006). Clairement, les avis des chercheurs concernant la relation « taille – innovation technologique » sont mitigés. Chaque groupe de chercheurs peut se référer à un ensemble de résultats empiriques pour défendre son point de vue.

Afin de dépasser cette contradiction, certains chercheurs ont suggéré de faire la distinction entre les différents types d’innovation technologique qui peuvent être divisés en innovations radicales et innovations incrémentales (Dewar et Dutton, 1986 ; Damanpour, 1996). Les innovations radicales sont celles qui produisent des changements importants dans les activités de l’organisation et représentent un grand écart par rapport aux pratiques existantes. Elles sont plus originales, plus complexes et génèrent plus d’incertitudes que les innovations incrémentales. Vu ces caractéristiques, les innovations radicales sont plus facilement adoptées par les grandes entreprises ; par contre, les innovations incrémentales sont plus simples, peu complexes et moins coûteuses. Elles sont, donc, plus facilement mises en place par les petites et moyennes entreprises.

Les affaires électroniques sont considérées comme des innovations technologiques dans de nombreux travaux de recherche (Barnes et Hinton, 2012 ; Li et Xie, 2012). Toutefois, leurs initiatives d’adoption diffèrent du point de vue complexité technique et impact managérial (Chen et Zhang, 2013 ; Sila et Dobni, 2012). Dans cette recherche, trois initiatives seront retenues en s’inspirant des travaux de Raymond et Bergeron (2008) : la communication électronique (e-communication), le commerce électronique (e-commerce) et la veille électronique (e-intelligence).

L’initiative de communication électronique représente la simple utilisation du site Web pour faire de la publicité et fournir des informations à propos de l’entreprise et ses produits et/ou services. C’est la forme la plus simple des affaires sur Internet.

L’initiative de commerce électronique représente l’utilisation du site Web pour vendre les produits et/ou services de l’entreprise via l’acceptation des commandes en ligne et le paiement électronique. D’autres fonctionnalités comme le suivi de la commande en ligne peuvent être intégrées à cette initiative.

L’initiative de veille électronique représente l’utilisation du site Web pour collecter des informations à propos des clients et prospects, leurs caractéristiques individuelles, leurs attentes (réclamations, suggestions…) ainsi que leurs comportements d’achat et/ou de navigation. Ces informations serviront à alimenter une base de données clients qui va être utilisée pour proposer des offres plus adaptées aux clients et mettre en place des actions commerciales plus ciblées.

Les deux dernières initiatives (commerce électronique et veille électronique) sont plus complexes et plus coûteuses (Raymond et Bergeron, 2008). Elles s’apparentent davantage à des innovations radicales plutôt qu’incrémentales vu qu’elles peuvent être à l’origine de plusieurs changements dans les processus de commercialisation et de gestion de la relation client.

2. Théories de l’adoption des affaires électroniques par les PE

Plusieurs théories relatives à l’adoption des innovations technologiques ont été mobilisées par les chercheurs pour expliquer le comportement d’adoption des affaires électroniques (Barnes et Hinton, 2012 ; Li et Xie, 2012) ; parmi lesquelles on peut citer la théorie de la diffusion des innovations de Rogers (1995), la théorie de l’action raisonnée, la théorie du comportement planifié, le modèle d’acceptation de la technologie et la théorie unifiée de l’acceptation et de l’utilisation de la technologie.

Chaque théorie privilégie une orientation spécifique et se focalise sur une dimension bien particulière. Cette diversité a amené certains chercheurs (Barnes et Hinton, 2012) à classer les théories de l’adoption des affaires électroniques en trois grandes catégories : les théories orientées technologie, les théories orientées organisation et les théories orientées individus.

Dans cette recherche, le cadre théorique TOE « Technologie-Organisation-Environnement » développé par Tornatsky et Fleischer (1990) est choisi comme cadre théorique de référence pour au moins deux raisons. La première tient au fait qu’il offre une vision plus large du phénomène de l’adoption dans la mesure où il englobe trois dimensions importantes : la technologie, l’organisation et l’environnement (Sila et Dobni, 2012). La deuxième raison est l’utilisation massive de ce cadre théorique par plusieurs chercheurs pour expliquer l’adoption des affaires électroniques dans le contexte spécifique des petites organisations (Al-Qirim, 2007 ; Raymond, Bergeron et Blili, 2005 ; Scupola, 2003).

Le cadre théorique TOE identifie trois catégories de facteurs qui influencent l’adoption des innovations : le contexte technologique, le contexte organisationnel et le contexte environnemental.

Le contexte technologique met en avant le rôle joué par les caractéristiques de la technologie dans l’explication du comportement d’adoption (Al-Qirim, 2007 ; Del Aguila-Obra et Padilla-Meléndez, 2006). Dans le domaine des affaires sur Internet, parmi les facteurs[1] les plus étudiés, on trouve : l’avantage relatif perçu, la complexité perçue et la compatibilité perçue. Une synthèse de la littérature menée par Al-Qirim (2006, 2007) a montré que l’avantage relatif perçu est le facteur d’adoption le plus significatif dans le cas des petites entreprises.

Le contexte organisationnel s’intéresse, quant à lui, aux caractéristiques de l’organisation qui peuvent faciliter ou, au contraire, freiner l’adoption des innovations technologiques (Li et Xei, 2012 ; Al-Qirim, 2007 ; Del Aguila-Obra et Padilla-Meléndez, 2006). Au sujet des affaires en ligne, plusieurs facteurs organisationnels ont été étudiés comme le rôle de la direction (Sila et Dobni, 2012 ; Seyal et Noah Abd Rahman, 2003), la taille de l’organisation (Lertwongsatien et Wongpinunwatana, 2003), les ressources financières et technologiques (Grandon et Pearson, 2003) et la nature de l’activité de l’entreprise (Raymond, Bergeron et Blili, 2005 ; Raymond, 2001). Parmi ces caractéristiques, l’implication du dirigeant était le facteur organisationnel le plus significatif (Sila et Dobni, 2012 ; Al-Qirim 2006, 2007). En effet, plusieurs travaux[2] ont montré que le dirigeant joue un rôle déterminant dans la mise en place des e-projets dans les petites et moyennes entreprises.

Enfin, le contexte environnemental englobe divers éléments de l’environnement externe (concurrents, clients, partenaires d’affaires, État, médias, etc.) qui peuvent influencer l’adoption des innovations technologiques (Al-Qirim, 2007 ; Chong et Pervan, 2007 ; Beck, Franke et König, 2007 ; Del Aguila-Obra et Padilla-Meléndez, 2006). La pression concurrentielle est souvent le facteur qui revient le plus dans les travaux se rapportant aux petites entreprises (Al-Qirim, 2007 ; Chong et Pervan, 2007 ; Scupola, 2003 ; Ching et Ellis, 2004 ; Grandon et Pearson, 2003). De ce fait, la pression exercée par les concurrents sera retenue dans cette étude comme le troisième facteur explicatif des initiatives d’adoption des affaires électroniques par les PE.

3. Théorie de l’alignement stratégique et performance des PE

Le modèle d’alignement stratégique d’Henderson et Venkatraman (1993) se base sur la recherche de cohérence entre les domaines suivants : la stratégie d’affaires, l’organisation, la stratégie des technologies d’information (TI) et les systèmes d’information. Henderson et Venkatraman considèrent que le manque d’alignement entre la stratégie d’affaires et la stratégie TI explique, du moins en partie, pourquoi les investissements en technologies de l’information n’ont pas créé de la valeur pour certaines firmes. Par contre, d’autres travaux ont montré que les entreprises qui ont su assurer une certaine cohérence entre la dimension stratégique et la dimension technologique ont pu améliorer leurs performances.

À titre d’exemple, Chan, Huff, Barclay et Copeland (1997) ont montré que l’alignement entre la stratégie d’entreprise et la stratégie TI est un facteur significatif en matière de prédiction de la performance. Kearns et Lederer (2003) ont trouvé également que l’alignement stratégique des TI améliore la compétitivité et crée un avantage concurrentiel pour les firmes (diminution des coûts, amélioration de la différenciation des produits, création de barrières à l’entrée pour les concurrents, etc.). Pareillement, Croteau et Raymond (2004) ont trouvé, en menant une étude auprès de 104 entreprises canadiennes de 250 employés et plus, que le co-alignement (alignement des compétences stratégiques et des compétences en TI) explique une proportion importante de la performance organisationnelle (croissance et rentabilité).

En ce qui concerne les technologies d’Internet, certains travaux ont montré que la cohérence entre la stratégie d’entreprise et la stratégie Internet est associée positivement à la performance. À titre d’exemple, Apigian, Ragu-Nathan et Kunnathur (2005) ont constaté, en menant une étude empirique auprès de 250 entreprises aux États-Unis, que la stratégie Internet peut avoir un effet positif significatif sur la performance si elle est en cohérence avec la stratégie globale de l’entreprise. De même, les résultats d’une étude réalisée par Hafeez, Keoy et Hanneman (2006) ont montré que l’alignement entre la stratégie d’affaires et la stratégie Internet influence la réussite d’adoption des affaires électroniques.

Dans le contexte des petites entreprises, d’autres travaux, bien qu’ils soient relativement moins abondants, ont mis en avant que la cohérence entre le domaine stratégique des affaires et le domaine technologique est considérée comme un antécédent du succès des TI (Bergeron, Raymond et Rivard, 2001 ; Hussin, King et Cragg, 2002). À titre illustratif, Daniel (2003) a montré, suite à une étude effectuée auprès de 678 PME, que plus le domaine d’Internet est intégré avec le domaine stratégique, plus les chances des petites firmes d’améliorer leurs performances augmentent. Plus récemment, Monnoyer-Longé et Madrid (2007) ont constaté que l’intégration du site Web dans la stratégie et l’organisation des PME est considérée comme un facteur clé de succès des e-projets. De même, Raymond, Bergeron et Ben Hamouda (2007) ont trouvé, après avoir effectué une étude auprès de 107 entreprises de différents secteurs, que la cohérence entre les affaires électroniques et la stratégie de la PME est associée à une meilleure performance.

En se basant sur ces travaux, la théorie de l’alignement stratégique sera retenue dans cette étude dans la mesure où la recherche de cohérence entre le domaine stratégique et le domaine technologique pourrait expliquer la réussite des initiatives des affaires électroniques.

4. Modèle conceptuel de la recherche

En prenant appui sur le cadre théorique TOE « Technologie-Organisation-Environnement », développé par Tornatsky et Fleischer (1990) et en se basant sur une synthèse de la littérature développée précédemment à propos des affaires électroniques, trois facteurs (l’avantage perçu, l’implication de la direction et la pression concurrentielle) ont été retenus comme antécédents des initiatives d’adoption. L’avantage perçu est lié au contexte de la technologie, l’implication de la direction représente le contexte organisationnel et la pression concurrentielle est associée à la dimension environnementale.

En se référant également à la théorie de l’alignement stratégique, telle qu’elle a été appliquée dans le domaine des affaires en ligne, deux facteurs influençant la performance des initiatives d’adoption ont été retenus, à savoir : la cohérence stratégique et l’intégration technologique. Ces deux facteurs représentent deux formes d’alignement. La première concerne le fait d’aligner la stratégie e-business sur la stratégie d’entreprise. La seconde représente le fait d’aligner la plateforme électronique sur la technologie d’information existante dans l’entreprise.

De nombreux chercheurs (Chong et Pervan, 2007 ; Zhu, Kraemer et Xu, 2006 ; Del Aguila-Obra et Padilla-Meléndez, 2006) ont mentionné qu’il arrive souvent que l’entreprise échoue à développer les compétences nécessaires pour intégrer avantageusement son e-projet dans l’organisation et ses processus internes. Dans ce cas, plusieurs défauts d’alignement surgissent à différents niveaux de l’organisation et empêchent l’entreprise de tirer profit de ses projets électroniques (Zhu, Kraemer et Xu, 2006).

D’un autre côté, les initiatives des affaires électroniques sur Internet diffèrent du point de vue complexité technologique (Chen et Holsapple, 2013 ; Sila et Dobni, 2012). Alors que certaines initiatives sont plus simples comme la communication électronique, d’autres sont en revanche, plus complexes et plus difficiles à mettre en place comme le commerce électronique ou encore la veille électronique.

Certains chercheurs ont mentionné que la performance d’un projet sur Internet dépend du type de l’innovation adoptée et de ces caractéristiques distinctives (Chen et Holsapple, 2013 ; Sila et Dobni, 2012). De ce fait, l’utilisation d’une mesure agrégée pour la performance des affaires électroniques peut être problématique dans la mesure où chaque initiative a sa propre logique et a un impact qui lui est spécifique (Chen et Holsapple, 2013).

Dans cette recherche, cette logique a été adoptée pour expliquer l’impact de trois initiatives différentes. La figure 1 présente le modèle conceptuel de cette recherche qui relie quatre blocs de variables : les facteurs d’adoption, les initiatives des affaires électroniques, la performance et les facteurs d’alignement. Les définitions des concepts du modèle sont présentées dans le tableau 1.

Figure 1

Modèle conceptuel : initiatives d’adoption des affaires électroniques et performance des PE

Modèle conceptuel : initiatives d’adoption des affaires électroniques et performance des PE

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Tableau 1

Définition des concepts du modèle de recherche

Définition des concepts du modèle de recherche

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4.1. Implication du dirigeant

Le dirigeant des petites entreprises possède un pouvoir de décision important lui permettant de stimuler les changements organisationnels (Thong, 1999). En effet, plusieurs travaux ont souligné l’importance de l’implication du dirigeant dans l’adoption des projets Internet dans le contexte des petites et moyennes entreprises (Al-Qirim, 2007 ; Seyal et Noah Abd Rahman, 2003 ; Lertwongsatien et Wongpinunwatana, 2003). À titre d’exemple, Seyal et Noah Abd Rahman ont trouvé que le soutien de la direction est la variable qui possède le poids le plus important dans l’explication du comportement d’adoption du commerce électronique. De même, Lertwongsatien et Wongpinunwatana (2003), en réalisant une autre étude auprès de 386 PME, ont trouvé que l’adoption du projet Internet est associée positivement à l’implication de la direction.

Dans le cadre des petites entreprises, le dirigeant a un rôle important dans la mesure où il a un pouvoir considérable. C’est lui qui décide en matière de stratégie, de structure organisationnelle et d’allocation des ressources (Becheikh, Landry et Amara, 2006 ; Helfer, Kalika et Orsoni, 2008 ; Poisson, Su et Gasse, 2007). De ce fait, l’implication du dirigeant peut s’avérer donc indispensable à l’adoption de toute initiative en matière des affaires électroniques.

D’où les hypothèses suivantes :

  • H1 : l’implication du dirigeant influence positivement l’adoption de l’initiative de communication électronique ;

  • H2 : l’implication du dirigeant influence positivement l’adoption de l’initiative de commerce électronique ;

  • H3 : l’implication du dirigeant influence positivement l’adoption de l’initiative de veille électronique.

4.2. Pression concurrentielle

Pour les petites entreprises, la pression des concurrents peut exercer une influence sur leur comportement d’adoption des innovations technologiques. Quand les concurrents mettent en place des projets sur Internet, les petites et moyennes entreprises peuvent suivre cette tendance par crainte d’être en situation de désavantage concurrentiel. Plusieurs travaux ont montré la pertinence de la pression concurrentielle comme facteur significatif en matière d’adoption des affaires électroniques par les PME (Chong et Pervan, 2007 ; Al-Qirim, 2007 ; Scupola, 2003 ; Ching et Ellis, 2004 ; Grandon et Pearson, 2003). À titre d’exemple, Scupola a trouvé que le contexte concurrentiel joue un rôle clé dans l’adoption des e-projets. De même, Ching et Ellis, après avoir conduit une recherche exploratoire sur 84 PME, ont trouvé que la pression exercée par l’environnement concurrentiel influence d’une manière significative la décision d’adoption du commerce électronique.

Ainsi, le fait d’avoir plusieurs concurrents présents sur le Web et mettant en place différentes initiatives d’affaires électroniques sur Internet pourrait inciter les retardataires à se lancer dans ce domaine.

D’où les hypothèses suivantes :

  • H4 : la pression concurrentielle influence positivement l’adoption de l’initiative de communication électronique ;

  • H5 : la pression concurrentielle influence positivement l’adoption de l’initiative de commerce électronique ;

  • H6 : la pression concurrentielle influence positivement l’adoption de l’initiative de veille électronique.

4.3. Avantage perçu

Plusieurs travaux ont montré que l’avantage perçu est un déterminant significatif de l’adoption des projets électroniques (Zhu, Kraemer, Xu, 2006 ; Lee et Cheung, 2004 ; Lee, 2004 ; Ching et Ellis, 2004). En effet, lorsque l’innovation technologique est perçue comme présentant un avantage par rapport aux pratiques existantes, ceci peut faciliter son adoption au niveau organisationnel (Rogers, 1995). Une synthèse de la littérature menée par Al-Qirim (2006, 2007) a montré que dans le contexte des petites entreprises, l’avantage perçu est le facteur explicatif d’adoption le plus présent dans la littérature. En effet, si les initiatives des affaires électroniques peuvent procurer un avantage valorisable aux yeux des dirigeants, alors l’adoption de telles initiatives sera plus facile pour les petites entreprises.

D’où les hypothèses suivantes :

  • H7 : l’avantage perçu influence positivement l’adoption de l’initiative de communication électronique ;

  • H8 : l’avantage perçu influence positivement l’adoption de l’initiative de commerce électronique ;

  • H9 : l’avantage perçu influence positivement l’adoption de l’initiative de veille électronique.

4.4. Impact d’adoption des initiatives des affaires électroniques

L’impact d’adoption des différentes initiatives électroniques mises en place par les petites entreprises est analysé en se référant à trois types de performance : la performance communicationnelle, la performance commerciale et la performance relationnelle. Chaque type de performance est associé à une initiative électronique spécifique telle qu’elle est présentée dans le modèle de recherche plus haut. De nombreuses études ont souligné que l’impact d’adoption dépend de la nature des projets électroniques et de leurs niveaux d’utilisation (Kang, 2013 ; Sila et Dobni, 2012 ; Teo, 2007 ; Beck, Franke et König, 2007 ; Zhu et Kraemer, 2005 ; Apigian et al., 2005 ; Amabile et Gadille, 2005).

D’où les hypothèses suivantes :

  • H10 : l’initiative de communication électronique a un impact positif sur la performance communicationnelle ;

  • H11 : l’initiative de commerce électronique a un impact positif sur la performance commerciale ;

  • H12 : l’initiative de veille électronique a un impact positif sur la performance relationnelle.

D’un autre côté, plusieurs chercheurs ont montré que l’impact positif des initiatives électroniques dépend également de la présence de deux compétences au niveau organisationnel : la cohérence stratégique et l’intégration technologique (Chong et Pervan, 2007 ; Zhu, Kraemer et Xu, 2006 ; Del Aguila-Obra et Padilla-Meléndez, 2006). Ces deux facteurs reflètent le degré d’alignement entre le domaine des affaires et le domaine d’Internet aussi bien sur le plan stratégique que sur le plan technologique.

Dans le contexte des petites entreprises, certains travaux ont montré que la cohérence entre la stratégie d’affaires et la stratégie Internet est considérée comme un antécédent du succès des affaires électroniques (Raymond, Bergeron et Ben Hamouda, 2007 ; Monnoyer-Longé et Madrid, 2007 ; Amabile et Gadille, 2005 ; Daniel, 2003). De même, l’intégration technologique a été identifiée comme un déterminant de la performance du commerce électronique dans d’autres travaux (Zhu et Kraemer, 2002, 2005).

La cohérence stratégique peut être associée à différentes initiatives en ligne, car ce qui est important est la recherche de cette harmonie entre les stratégies en ligne et hors ligne. En revanche, l’intégration technologique est associée à des initiatives qui sont plus complexes techniquement et donc nécessitent un effort supplémentaire en matière d’intégration des systèmes électroniques et traditionnels.

De ce fait, la cohérence stratégique peut influencer positivement la performance communicationnelle, la performance commerciale et la performance relationnelle. D’un autre côté, l’intégration technologique devrait avoir un impact positif sur la performance commerciale et la performance relationnelle, car ces deux types de performance sont liés à des initiatives plus complexes.

D’où les hypothèses suivantes :

  • H13 : la cohérence stratégique a un impact positif sur la performance communicationnelle ;

  • H14 : la cohérence stratégique a un impact positif sur la performance commerciale ;

  • H15 : la cohérence stratégique a un impact positif sur la performance relationnelle ;

  • H16 : l’intégration technologique a un impact positif sur la performance commerciale ;

  • H17 : l’intégration technologique a un impact positif sur la performance relationnelle.

5. Méthodologie et design de la recherche

Notre recherche se déroule selon un protocole qui combine plusieurs méthodes de recherche selon une logique de méthodologie pluraliste. Cette recherche s’appuie successivement sur l’analyse de trois cas d’entreprises, sept entrevues avec des experts et une enquête par questionnaire auprès d’un échantillon de convenance de 53 petites entreprises tunisiennes. Les études de cas et les entrevues avec les experts constituent le volet qualitatif, alors que l’enquête par questionnaire constitue le volet quantitatif. Ce protocole permet la triangulation des données en se basant sur le recoupement des données quantitatives et qualitatives (Mingers, 2001 ; Dubé et Paré, 2003).

Tout d’abord, trois entreprises « clic et mortier »[3], localisées dans une même région géographique[4] et ayant un effectif inférieur à 50 employés ont été choisies. Ces entreprises ont été sélectionnées à partir d’une liste de plusieurs centaines de petites entreprises ayant adopté des initiatives électroniques.

Notre instrument principal pour la collecte des données est un guide d’entretien semi- structuré. Ces données ont été complétées par le recueil des documents (rapports d’entreprise, fiches techniques, consultation du site Web, etc.) et les notes du journal de recherche. Sept entretiens semi-directifs d’une durée moyenne de deux heures ont été réalisés avec cinq responsables qui sont concernés par des projets électroniques. Des prises de notes ont été enregistrées lors des visites des locaux et pendant les entretiens, puis retranscrites et classées par catégories selon le cadre conceptuel préconisé plus haut. Une analyse thématique du contenu a été réalisée et la triangulation a été effectuée par le recoupement des différentes informations recueillies. Une démarche de comparaison inter et intra-cas a été menée afin d’approfondir notre analyse.

Ensuite, cinq entretiens semi-directifs, en face à face, d’une durée moyenne de 90 minutes ainsi que deux entretiens libres d’une durée moyenne de 60 minutes ont été réalisés avec des experts en affaires électroniques. Le matériel verbal recueilli, basé sur des notes enregistrées manuellement lors des rencontres, a été soumis à une analyse thématique de contenu.

Enfin, nous avons utilisé une enquête quantitative auprès de 53 PE tunisiennes qui ont adopté différentes initiatives en ligne sur Internet. Un questionnaire a été élaboré pour mesurer les variables du modèle conceptuel. Les items de mesure utilisés sont présentés en annexe 1. L’approche PLS a été mobilisée et le logiciel SmartPLS 2.0 a été utilisé pour tester nos hypothèses de recherche.

Notre unité d’analyse est la petite entreprise tunisienne qui a une présence physique et qui est, en plus, engagée dans l’une des initiatives des affaires électroniques suivantes : communication électronique, commerce électronique ou veille électronique. Ces trois initiatives peuvent être présentes en même temps si l’entreprise développe un projet évolué renfermant des fonctionnalités de communication, de paiement en ligne et d’intelligence économique.

Sur la base d’une liste renfermant plus de 300 petites et moyennes entreprises, 53 questionnaires auto-administrés, utilisables et répondant à nos critères de sélection prédéfinis plus haut, ont été finalement collectés. 77 % des répondants sont des dirigeants, des directeurs marketing ou des responsables commerciaux ; 15 % sont des responsables administratifs (qualité, personnel, approvisionnement…) ou financiers et 8 % sont des responsables d’informatique. L’échantillon est composé de 77 % d’entreprises de services et 23 % d’entreprises industrielles. Dans cette recherche, toutes les mesures sont extraites des travaux passés et adaptées, si nécessaire, au contexte de cette étude. Elles sont multi-items, de type réflexif, mesurées sur une échelle de Likert à sept points (voir Annexe 1).

La modélisation par équations structurelles avec l’approche PLS a été retenue comme méthode d’analyse de données.

Elle a l’avantage de tester plusieurs relations causales d’un même modèle, n’exige pas la multinormalité et n’impose pas une taille très importante de l’échantillon (Henseler, Ringle et SinKovics, 2009 ; Wetzels, Odekerken-Schröder et Oppen, 2009). L’approche PLS a l’avantage également de tester aussi bien le modèle de mesure (la qualité des instruments de mesure) que le modèle de structure (hypothèses de la recherche). La procédure utilisée pour évaluer le modèle de mesure (outer model) et le modèle de structure (inner model), (Henseler, Ringle et SinKovics ; Wetzels, Odekerken-Schröder et Oppen, 2009) est présentée dans le tableau 2. Le tableau 3 présente quant à lui une synthèse des trois méthodes de recherche utilisées.

Tableau 2

Procédure d’évaluation des modèles de mesure et de structure avec l’approche PLS

Procédure d’évaluation des modèles de mesure et de structure avec l’approche PLS

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Tableau 3

Synthèse de trois méthodes de recherche utilisées

Synthèse de trois méthodes de recherche utilisées

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6. Résultats des études de cas et des entrevues avec les experts

6.1. Implication du dirigeant

Dans les trois cas étudiés, nous avons trouvé que le dirigeant a joué un rôle très important dans l’adoption des différentes initiatives électroniques. Les dirigeants des trois petites entreprises ont été les initiateurs et les preneurs de décision dans les trois cas étudiés. Ce sont eux qui ont déterminé le budget, estimé les ressources nécessaires à déployer et choisi les sous-traitants (agences de développement des projets Internet).

De même, l’analyse a montré que le dirigeant a été impliqué dans les différentes étapes de la mise en place des projets sur Internet. En effet, dans les trois cas, on a observé que les dirigeants ont rendu des visites à maintes reprises aux agences spécialisées dans la création des sites Web pour échanger des idées, demander des modifications ou encore proposer des améliorations du contenu ou du design. Dans le cas de l’entreprise (C), on a remarqué que le dirigeant a été impliqué également dans des activités de suivi (mise à jour du contenu, développement des fonctionnalités…) et de coordination entre les processus physiques et électroniques.

Les entretiens menés auprès des experts en affaires électroniques confirment les résultats des études de cas. Ils ont souligné que le dirigeant dans les petites entreprises tunisiennes joue un rôle important dans l’adoption de toute initiative en ligne, allant de la mise en place d’un simple projet de communication électronique jusqu’à l’implémentation d’initiatives plus complexes de commerce électronique ou de veille. Même dans le cas de l’adoption d’un simple site Web, le dirigeant de la petite entreprise intervient personnellement pour donner son avis sur le design et le contenu. D’un autre côté, les experts ont souligné que dans le contexte tunisien, les initiatives de commerce sur Internet ne sont pas encore très développées et peu de petites entreprises se sont engagées dans des projets réellement novateurs. Ceci est expliqué selon eux par le coût de ces projets d’une part, et l’absence de beaucoup d’expériences très réussies dans ce domaine, d’autre part.

6.2. La pression concurrentielle

Les cas des entreprises étudiées ont révélé que la pression exercée par les concurrents n’a pas le même effet sur le comportement d’adoption des affaires électroniques. En effet, dans le cas de l’entreprise (C), le projet de commerce électronique a été mis en place dès le début des années 2000. Cette entreprise a été pionnière dans ce domaine. La décision d’adoption n’a pas été prise sous l’influence de la concurrence. Par contre, cette entreprise a privilégié d’être plutôt proactive et de devancer les concurrents tunisiens dans son domaine d’activité, même si cette décision comportait à l’époque un certain niveau de risque.

Dans les deux autres cas, le souci de la concurrence est présent, mais comme ces entreprises étaient aussi parmi les premières entreprises dans leurs secteurs d’activités à adopter des projets Internet, on n’a pas pu vraiment détecter une certaine pression de la part de la concurrence pour mettre en place ces e-projets. En revanche, le fait de devancer la concurrence et de se démarquer des principaux concurrents était cité comme source de motivation pour l’adoption d’initiatives différenciées sur Internet.

Les entrevues menées auprès des experts ont révélé deux comportements différents des petites entreprises quant à leur relation avec la concurrence. Les experts en affaires électroniques ont souligné l’existence de deux types d’entreprises : les innovateurs et les retardataires. Les innovateurs adoptent les premiers les innovations technologiques et prennent une part de risque, alors que les retardataires attendent un peu et étudient les expériences des autres avant de se lancer dans de nouvelles expériences. Les entreprises innovatrices sont plutôt proactives et les entreprises retardataires subissent l’influence des concurrents innovateurs si leurs expériences ont réussi. Les experts ont mentionné que l’étude de l’effet de la concurrence sur le comportement d’adoption des initiatives électroniques n’est pas simple. Beaucoup de paramètres liés à la concurrence sont à prendre en considération comme la complexité du projet électronique à mettre en oeuvre, les spécificités du secteur d’activité, le type de la clientèle et l’activité d’exportation des entreprises.

6.3. Avantage perçu

L’analyse des trois cas a montré que les entreprises mettent en place un projet Internet, car elles perçoivent un avantage à l’adoption. Toutefois, la nature et le degré d’importance de cet avantage perçu varient. Pour les deux entreprises A et B qui ont mis en place des initiatives de communication électronique, l’avantage perçu se limitait au fait de véhiculer une bonne image et de faire de la publicité. À titre d’exemple, les personnes interrogées ont souligné que dans les foires, le fait d’avoir un site Web permettait de valoriser l’entreprise (véhiculer l’image d’une entreprise innovante) et offrait l’opportunité de faire de la publicité pour la firme et ses produits avec un coût raisonnable.

D’un autre côté, le cas de l’entreprise (C), qui a développé un projet renfermant des fonctionnalités de commerce en ligne et de veille électronique, est différent des autres. Cette entreprise a élaboré son projet Internet, car elle est convaincue qu’il présente une nouvelle source davantage concurrentielle. Les bénéfices perçus par le dirigeant de l’entreprise (C) sont plus variés et englobent, notamment, l’augmentation du chiffre d’affaires, l’amélioration de la part de marché, l’expansion géographique et l’amélioration de la relation client.

Ces observations ont été confrontées à l’entrevue réalisée auprès des experts en affaires électroniques. Ces derniers confirment la présence de deux catégories d’entreprises. La première catégorie concerne les entreprises qui donnent au projet électronique une portée stratégique dans la mesure où il peut être à l’origine d’un vrai avantage concurrentiel. Ces entreprises développent des e-projets évolués et coûteux de type commerce électronique et/ou de veille électronique. Dans ce cas, les bénéfices espérés peuvent dépasser le cadre de la communication et la publicité pour toucher l’amélioration de la performance commerciale et relationnelle.

En revanche, la deuxième catégorie d’entreprises adopte des initiatives de communication électronique avec la mise en place d’un site Web informationnel qui vient s’ajouter aux autres moyens traditionnels de communication. Ces entreprises n’accordent qu’une importance tactique au projet Internet et les bénéfices recherchés se limitaient, dans ce cas de figure, à l’amélioration de la notoriété et l’image de marque ainsi que le soutien de l’effort de prospection de l’entreprise.

6.4. Impact d’adoption du commerce électronique

L’analyse des cas a montré que l’impact d’adoption varie fortement selon les entreprises. En effet, pour l’entreprise (B), le site Web a été conçu, dès le départ, pour servir de catalogue en ligne. Il représente une initiative de type « communication électronique ». Ainsi, les principaux bénéfices qui ont été tirés par cette entreprise gravitaient autour des aspects suivants : faciliter le contact avec des clients étrangers, soutenir l’effort de prospection et améliorer l’image et la notoriété de l’entreprise. Dans le cas de l’entreprise (A), l’impact positif est nettement meilleur pour un projet Internet plus sophistiqué par rapport à l’entreprise (B). En fait, cette entreprise a pu établir de nouveaux contacts avec des clients et prospects étrangers et a même commencé à développer quelques initiatives d’exportation. Enfin, pour l’entreprise (C), la création de valeur est encore plus significative, mais avec un projet d’affaires électroniques plus complexe et plus coûteux (e-paiement/e-intelligence). Certains résultats positifs sur le plan commercial et relationnel (produits plus personnalisés, chiffre d’affaires à l’export en évolution, nombre de clients étrangers en augmentation, partenaires d’affaires plus diversifiés, etc.) ont été enregistrés.

Ces constatations ont été confrontées aux avis des experts. Ces derniers ont mentionné que les bénéfices réalisés par les PE diffèrent d’une façon très importante. On peut aller d’une absence totale d’impact positif à la réalisation de bénéfices très significatifs.

Les experts ont souligné que le fait d’avoir un projet bien conçu en ligne sur Internet ne suffit pas pour réaliser des résultats positifs. C’est une condition nécessaire, mais qui reste insuffisante. Par exemple, l’amélioration du référencement, le suivi de la mise à jour et la réponse rapide aux courriels sont des tâches relativement simples, mais qui ont souvent beaucoup d’importance. De plus, les experts ont mis en exergue que la cohérence entre la stratégie d’entreprise et la stratégie Internet ainsi que la coordination entre les activités électroniques et physiques jouent un rôle crucial. Selon eux, beaucoup d’initiatives électroniques ont échoué faute d’une intégration stratégique et fonctionnelle suffisante. Ces remarques rejoignent également les observations dans les petites entreprises étudiées. En effet, il a été constaté que l’impact positif le plus élevé a été réalisé dans l’entreprise (C) qui a réussi un certain niveau d’alignement stratégique et d’intégration technologique (applications Internet/applications informatiques internes). Par contre, l’impact le moins important a été enregistré dans l’entreprise (B) qui se caractérisait par un manque de cohérence entre ses composantes stratégiques et technologiques.

7. Résultats de l’étude quantitative

Pour le modèle de mesure, la fiabilité et la validité convergente sont vérifiées pour nos instruments de mesure. Le composite reliability (cr) de chaque construit de notre modèle est supérieur à 0,7[5], les contributions factorielles (loadings) sont supérieures à 0,7 (à l’exception de deux items) et statistiquement significatives. La variance moyenne extraite (AVE) de chaque construit dépasse 50 %. La validité discriminante est également vérifiée. En fait, les racines carrées de l’AVE sont supérieures aux corrélations entre les variables latentes d’une part et les loadings sont plus élevés que les cross loadings, d’autre part. Quant à l’évaluation du modèle de structure, trois critères ont été utilisés : le coefficient de détermination R2, la significativité des coefficients des chemins et l’indicateur d’ajustement global du modèle GoF. Le coefficient de détermination R2 représente le pourcentage de variance expliquée pour chaque variable latente endogène. La significativité des coefficients des chemins est liée à la significativité des coefficients des relations causales évaluée par une procédure de bootstrap.

L’indicateur d’ajustement GoF donne une évaluation globale du modèle testé compte tenu de toutes les variables.

Les résultats sont présentés à la figure 2. Les hypothèses vérifiées sont représentées sous forme de flèches en ligne continue. Les flèches en pointillé indiquent l’absence d’une relation causale statistiquement significative. Les paramètres du modèle sont associés à des valeurs du test t de Student. Des valeurs t de Student supérieures à |2,58| et |1,96| indiquant des paramètres significatifs au seuil de 1 % et 5 %, respectivement. Les coefficients de détermination R2 dans le modèle varient de 0,22 à 0,45. L’évaluation globale du modèle est satisfaisante dans la mesure où l’indicateur d’ajustement global GoF est égal à 0,49, une valeur considérée comme importante (dépassant la valeur référence qui est de l’ordre de 0,36).

Figure 2

Test des hypothèses

Test des hypothèses
*

Paramètre significatif au seuil de 5 % correspondant à une valeur t de Student supérieure à |1,96|.

**

Paramètre significatif au seuil de 1 % correspondant à une valeur t de Student supérieure à |2,58|.

La flèche en pointillé indique l’absence d’une relation statistiquement significative.

-> See the list of figures

8. Discussion des résultats

Les différentes méthodes de recherche mobilisées (études de cas, entrevues avec des experts et enquête par questionnaire) ont démontré que l’implication du dirigeant dans les petites entreprises influence positivement toute initiative d’adoption des affaires électroniques. Ce résultat n’est pas en fait surprenant et il a d’ailleurs été mis en relief dans des travaux passés (Sila et Dobni, 2012 ; Al-Qirim, 2007 ; Seyal et Noah Abd Rahman, 2003 ; Lertwongsatien et Womgpinunwatana, 2003). Il explique l’importance du dirigeant dans les petites organisations en matière de prise de décision et de provocation des changements. En fait, le rôle du dirigeant dans les PE consiste à allouer les ressources nécessaires, à sensibiliser les employés, à communiquer sur les objectifs poursuivis de chaque initiative et à dépasser les contraintes de la mise en place des e-projets. Les expériences réussies dans ce domaine se caractérisent par une forte implication du dirigeant dans des activités de coordination des processus traditionnels et électroniques de la petite entreprise.

D’un autre côté, les résultats de l’enquête par questionnaire ont montré que la pression exercée par les concurrents n’a aucun effet significatif sur l’adoption des différentes initiatives des affaires électroniques. Ce résultat est un peu surprenant surtout en présence d’autres travaux qui ont montré l’influence de l’environnement concurrentiel sur l’adoption des technologies d’Internet (Chong et Pervan, 2007 ; Al-Qirim, 2007 ; Scupola, 2003 ; Ching et Ellis, 2004 ; Grandon et Pearson, 2003). L’explication peut résider dans le fait que beaucoup d’entreprises se lancent dans des projets Internet non pas sous la pression des concurrents, mais plutôt par conviction. Une conviction guidée par une forte implication de la part du dirigeant. D’ailleurs, une étude (Beck, Franke et König, 2007) réalisée auprès de 903 entreprises dans quatre pays : la France, le Danemark, l’Allemagne et les États-Unis, a montré que 39,2 % seulement des entreprises considèrent que la présence des principaux concurrents sur le Web est un stimulant significatif de leur utilisation du commerce électronique. Dans tous les cas, l’analyse de l’influence de la concurrence sur l’adoption des différentes initiatives électroniques nécessite plus d’approfondissement, surtout si l’on se réfère aux remarques des experts rencontrés qui ont souligné qu’il faut analyser l’impact concurrentiel en tenant compte de beaucoup de paramètres comme la spécificité du secteur d’activité, le type de la clientèle et le degré d’ouverture des PE aux marchés étrangers. De plus, des travaux récents (Sila et Dobni, 2012) ont trouvé que l’influence de la pression concurrentielle diffère selon les initiatives de commerce électronique adoptées par les PME.

L’impact de l’avantage perçu sur l’adoption des affaires électroniques est mitigé. Les études qualitatives menées (études de cas et entrevues avec les experts) ont mis en exergue que les petites entreprises adoptent un projet Internet, car elles considèrent qu’il présente un certain avantage pour eux. Toutefois, l’importance de cet avantage varie selon le type d’initiative adoptée (communication électronique, commerce électronique ou veille électronique). Les travaux passés ont montré que l’avantage perçu influence positivement la décision d’adoption du commerce en ligne (Zhu, Kraemer, Xu, 2006 ; Lee et Cheung, 2004 ; Lee, 2004 ; Ching et Ellis, 2004). Néanmoins, il importe de souligner que différentes mesures de l’avantage perçu ont été utilisées, ce qui rend difficile la comparaison des résultats des différents travaux. Dans le cadre de notre étude quantitative, l’avantage perçu a été mesuré en se référant à la création d’un avantage concurrentiel. Par conséquent, on a trouvé que l’entreprise qui considère que l’initiative électronique représente pour elle une nouvelle source de création d’un avantage concurrentiel a adopté seulement une initiative de type veille électronique. Ce résultat n’a pas été vérifié pour les deux autres initiatives, peut-être parce qu’elles sont plus facilement imitables et plus utilisées. En conséquence, l’utilisation d’un site Web pour collecter des informations à propos des clients et prospects et leurs comportements d’achats en ligne peut être une source de compétitivité pour la petite entreprise si elle réussissait à mettre en place un e-projet d’intelligence économique supportant des applications permettant de mieux connaître les clients et donc, de leurs proposer des offres plus personnelles et mieux adaptées à leurs besoins.

Les différentes méthodes de recherche mobilisées ont montré que les initiatives des affaires électroniques n’ont pas le même impact et ne produisent pas les mêmes effets. La communication électronique a un effet positif sur la performance communicationnelle qui se traduit globalement par une amélioration de l’image de l’entreprise. De même, l’initiative de veille électronique a un impact positif sur la performance relationnelle qui reflète la capacité de l’entreprise d’être encore plus proche de sa clientèle et son aptitude à mieux les servir. Ces résultats rejoignent ceux d’autres travaux qui ont mis en exergue la présence d’une relation positive entre l’adoption des e-projets et l’amélioration de la performance des entreprises (Chen et Zhang, 2013 ; Kang, 2013 ; Sila et Dobni, 2012).

Toutefois, l’étude quantitative n’a pas montré un effet positif significatif de l’initiative de commerce électronique sur la performance commerciale. Ce résultat surprenant traduit le fait que le paiement électronique sur Internet même s’il représente une initiative assez développée, ne permet pas à lui seul d’augmenter le nombre des clients et le volume des ventes. D’ailleurs, les études de cas et les entrevues réalisées dans cette recherche ont montré que la vente en ligne sur Internet ne pourrait produire des effets commerciaux positifs qu’en présence de certaines conditions liées à la réactivité en ligne, au suivi des opérations électroniques et surtout à la coordination des processus hors ligne et en ligne. Ceci pourrait expliquer pourquoi certaines entreprises n’ont pas pu avoir un retour positif de leur investissement dans ce domaine.

Cette recherche a montré également que la cohérence stratégique, qui reflète la capacité d’entreprise d’aligner sa stratégie d’affaires avec sa stratégie sur Internet, a un effet positif significatif important sur l’amélioration de la performance communicationnelle, la performance commerciale et la performance relationnelle. Ce résultat qui a été démontré dans d’autres travaux (Zhu et Kraemer, 2002, 2005) souligne l’importance d’avoir une vision globale harmonieuse et non fragmentée du projet électronique. Chaque initiative a sa propre logique, s’inscrit dans une orientation déterminée et a des effets spécifiques. Il n’est pas utile par exemple de mettre en place des initiatives coûteuses et complexes si les conditions du succès ne sont pas réunies.

Enfin, l’enquête par questionnaire a montré que l’intégration technologique n’a pas d’effet positif significatif sur la performance commerciale. Ceci pourrait supporter l’idée citée précédemment que la focalisation sur l’aspect technologique et technique dans les initiatives de vente en ligne ne pourrait pas avoir un effet significatif sur la performance commerciale. En revanche, l’étude quantitative a montré que l’intégration technologique a un effet positif significatif sur la performance relationnelle. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que la présence d’une architecture technologique globale intégrée permet une meilleure gestion électronique de la relation client. La convergence de la technologie Internet et des systèmes d’information internes favorisent la centralisation des données et l’archivage des expériences en ligne des clients. Cette capacité d’intégration permettra ainsi une meilleure compréhension des besoins des acheteurs et une connaissance plus développée de leurs comportements multicanaux. Des offres plus adaptées et une assistance personnalisée peuvent alors être proposées aux clients fidèles qui achètent souvent en ligne.

Conclusion

Cette recherche s’inscrit dans la lignée des travaux qui traitent l’adoption des affaires électroniques par les petites entreprises. Certains travaux ont été menés dans ce domaine. Cependant, ce travail de recherche présente des éléments nouveaux par rapport aux études passées. Premièrement, un modèle conceptuel intégrant aussi bien les antécédents que les conséquences de l’adoption a été testé en utilisant plusieurs méthodes de recherche (études de cas, entrevues avec des experts et enquête par questionnaire). Deuxièmement, les affaires électroniques n’ont pas été traitées ici comme une innovation générique. Des initiatives électroniques différentes (communication électronique, commerce électronique et veille électronique) reflétant différents niveaux d’adoption ont été étudiées. Troisièmement, trois types d’impacts (communicationnel, commercial et relationnel) ont été examinés afin de mieux étudier l’amélioration de la performance des petites entreprises suite à la mise en place de ces projets sur Internet.

Les résultats ont montré que chaque initiative électronique est adoptée selon certaines conditions et produit des effets spécifiques. Les résultats ont montré également que l’adoption de toute initiative performante dans ce domaine dépend de l’implication du dirigeant et de la cohérence stratégique. Certaines initiatives comme la veille électronique nécessitent en plus une intégration technologique réussie.

Le plus important, c’est d’avoir un projet Internet qui s’inscrit dans une logique d’ensemble et qui est en cohérence avec les orientations stratégiques et les ressources humaines et technologiques de la petite entreprise. Une initiative de type « communication électronique » peut être très réussie si elle répond aux objectifs de notoriété et d’image. Par contre, une initiative de commerce électronique peut ne pas produire des effets commerciaux positifs si elle n’est pas soutenue par la direction, souffre d’un manque de ressources et ne s’inscrit pas dans une stratégie organisationnelle et technologique réfléchie et cohérente.

Il importe de souligner enfin qu’il serait intéressant dans les recherches futures de poursuivre cette orientation qui regroupe les entreprises par type d’innovation ou par niveau d’utilisation afin de mieux comprendre les différents comportements des petites entreprises vis-à-vis des affaires électroniques. Si certains facteurs d’adoption ont été traités dans ce travail, d’autres méritent également d’être étudiés. De même, il serait utile de tester le modèle de cette recherche avec des échantillons plus importants et des contextes différents. Un travail de comparaison serait utile et permettra de mieux approfondir les résultats de cette recherche.