Comptes rendus de lecture

Entrepreneur et esprit d’entreprise – L’avant-gardisme de Jean-Baptiste Say, Gérard MINART, Paris, L’Harmattan, Collection L’Esprit économique, Série Krisis, 2013, 169 p.[Record]

  • Michel Marchesnay

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  • Michel Marchesnay
    Labex Entrepreneuriat, ERFI, Montpellier

Say a conduit une carrière et une vie professionnelle en trois dimensions, exigeant de sa part de répondre à trois « soucis » : respectivement, de clarté, en tant que journaliste, puis de pragmatisme, en tant qu’entrepreneur, et, enfin, de pédagogie, en tant qu’« enseignant-chercheur ». Il n’est pas fortuit que G. Minart ait été lui-même ces « trois patrons », selon sa propre expression, à savoir une activité de journaliste (rédacteur en chef, éditorialiste), puis de manager (vice-président du directoire de la Voix du Nord) et enfin d’auteur, essentiellement de biographies, activité dans laquelle il combine clarté et érudition (comme l’atteste la précieuse bibliographie en fin d’ouvrage). L’auteur peut à bon droit être considéré comme un spécialiste de Jean-Baptiste Say, tant en ce qui concerne sa vie que ses oeuvres. Cet ouvrage est en effet le deuxième qu’il lui consacre, après celui dédié plus spécialement à son parcours personnel et à sa contribution à la pensée économique (Jean-Baptiste-Say, maître et pédagogue de l’École française d’économie politique libérale. Paris, Éditions de l’Institut Charles-Coquelin, 2005), de sorte que les deux contributions s’avèrent étroitement complémentaires. L’intérêt que porte G. Minart à Say s’inscrit dans un ensemble de publications sur des personnages marquants de l’« entre-deux-siècles », entre la révolution jacobine et la période post-napoléonienne, notamment Pierre Daunou (L’anti-Robespierre. Privat, 2001), et Les opposants à Napoléon – dont Say – (Privat, 2003), sur Frédéric Bastiat (Le croisé du libre-échange. L’Harmattan, 2004), sur Armand Carrel (L’homme d’honneur de la liberté de la presse. L’Harmattan, 2011) et Gustave de Molinari, malheureusement méconnu des spécialistes d’entrepreneuriat (Pour un gouvernement à bon marché dans un milieu libre. Institut Charles-Coquelin, 2012). On ajoutera un ouvrage sur l’« actualité de Jacques Rueff » (Éditions de l’Institut Charles-Coquelin, 2007), dont le plan Rueff-Armand contribua à débloquer (partiellement) la société française, et qui reste, hélas, d’une grande actualité. Plutôt qu’une partition en grands chapitres, G. Minart a préféré une série de contributions (15 au total) qui sont autant d’éclairages sur le positionnement de Say quand à l’identification de l’entrepreneur. L’auteur s’appuie, pour l’essentiel, sur le Traité d’économie politique de 1803, lequel fit l’objet de nombreuses rééditions, impliquant autant de révisions, à mesure que la révolution industrielle (manufacturière) se développait. L’auteur présente d’abord, et successivement, le chef d’entreprise comme un créateur d’« utilité », d’« incertitude » et de « revenus », en positionnant Say par rapport à ses prédécesseurs (Cantillon, Turgot, et, bien sûr, Smith, dont il sera un émule de plus en plus critique, à mesure qu’il se rapproche des saint-simoniens). G. Minart insiste particulièrement sur le rôle fondateur de l’entrepreneur et de ses pratiques, tel qu’il est décrit par Cantillon, mais aussi, ce qui est moins connu, sur les apports de Turgot concernant les classifications d’entrepreneurs. Ensuite, il développe certaines observations contenues dans le Traité (de 1803, puis des éditions ultérieures, jusqu’à 1823). Ainsi Say souligne le rôle du « savant » dans le progrès technique (annonçant son rôle au Conservatoire national des Arts et Métiers, créé sous la Révolution), l’influence civilisatrice de la production, conforme à l’idéal républicain hérité des Lumières. Un troisième groupe de considérations a trait au rôle de l’entreprise dans une économie de l’offre. Say considère en effet que l’expansion de l’entreprise est limitée par le « marché », c’est-à-dire la demande des classes montantes (la petite bourgeoisie). G. Minart s’interroge alors sur le rôle « destructeur » de l’entrepreneur (au sens schumpétérien), ainsi que sur les facteurs favorables (l’« écosystème ») à l’épanouissement de l’entrepreneuriat. On rappellera que Say a stigmatisé les « dégâts …