Comptes rendus de lecture

Repenser l’entreprise. Une théorie de l’entreprise fondée sur le Projet, Alain DESREUMAUX et Jean-Pierre BRÉCHET, Presses universitaires du Septentrion, 2018, 208 p.[Record]

  • Christophe Schmitt

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  • Christophe Schmitt
    Professeur des Universités, Titulaire de la chaire Entreprendre, Université de Lorraine

Dans la continuité de leurs travaux, Alain Desreumaux et Jean-Pierre Bréchet proposent une théorie de l’entreprise fondée sur le Projet. À travers cet ouvrage, les auteurs nous donnent à voir près de vingt ans de réflexion sur le sujet. L’objectif de cet ouvrage est double. Il s’agit dans un premier temps de s’interroger sur la (les) finalité(s) de l’entreprise. Comme le résument bien les auteurs, il serait bien légitime de se poser la question suivante : pourquoi les entreprises existent-elles ? Le second temps correspond à leur volonté de se libérer de la pensée dominante qui s’est développée dans les recherches sur les organisations en général et en science de gestion en particulier : la théorie de l’agence étayée par le modèle de la grande entreprise. Ils proposent, dans ce sillage, une théorie plus à même de refléter l’évolution des entreprises dans le temps à travers une théorie de l’entreprise fondée sur le Projet. La réflexion proposée par Alain Desreumaux et Jean-Pierre Bréchet ne doit pas être vue comme une synthèse des travaux existants sur le fondement de l’entreprise, mais bien comme une contribution à part entière. À travers cet ouvrage, ils rappellent combien l’entreprise est complexe et montrent que bien des réponses apportées jusqu’aujourd’hui ne proposent qu’une approche partielle de l’entreprise (théorie de l’agence, théorie de la propriété, théorie des compétences, théorie de l’apprentissage, etc.). Les auteurs, à travers leur proposition de théorie de l’entreprise fondée sur le Projet, oeuvrent en fait à répondre à trois types de questions : pourquoi les entreprises existent-elles ? Qu’est-ce qu’elles font ? Comment le font-elles ? Ces trois questions doivent être envisagées de façon concomitante et non de façon séparée comme le font traditionnellement les théories classiques. Sans vouloir décrire les cinq chapitres qui composent cet ouvrage, attardons-nous plutôt sur les concepts qui composent la théorie proposée de l’entreprise fondée sur le Projet. Le premier concept est naturellement le concept de Projet. Alain Desreumaux et Jean-Pierre Bréchet inscrivent leur réflexion dans la lignée des travaux de Jean-Pierre Boutinet sur le Projet. Le Projet ne saurait se résumer qu’à sa dimension technique ; il inclut aussi la dimension individuelle, la dimension sociétale et la dimension existentielle. L’originalité des travaux proposés dans cet ouvrage repose notamment sur une épistémologie de l’action collective. Comme nous avons pu l’évoquer à différentes reprises (L’Agir entrepreneurial et La Fabrique de l’entrepreneuriat), il est nécessaire de (re)discuter le statut de l’action dans nos recherches et de considérer que l’action ne pourrait être confinée à la conséquence d’une décision comme nous l’ont enseigné les théories classiques, notamment celles provenant de l’économie. Cette action collective est au coeur des pratiques dans l’entreprise. Prenant pour tremplin les travaux de la régulation sociale de Jean-Daniel Reynaud, les auteurs voient que l’action collective est régie par des règles formelles (régulation de contrôle) et des règles informelles (régulation autonome), issues de l’interaction entre les acteurs de l’entreprise. Dans cette perspective, le Projet doit être envisagé comme une action collective organisée autour de règles. Le Projet est de ce fait un construit collectif. Le deuxième concept renvoie à la subjectivité du Projet. Les auteurs parlent « d’une théorie subjectiviste ». Il s’agit d’aller plus loin que de considérer qu’au niveau de l’entreprise, il existe des représentations différentes en fonction des acteurs. La question est surtout de savoir comment prendre en considération cette subjectivité. Les auteurs proposent dans la veine des travaux de Simon de parler de rationalité limitée et donc située, afin d’inscrire l’action collective dans l’ici et le maintenant et non dans une perspective absolue et déconnectée. Il ne s’agit pas de vouloir …

Appendices