Éditorial

Risque, comportement entrepreneurial et financement des entrepreneures : pour une déconstruction des mythes liés au genre[Record]

  • Nazik Fadil,
  • Josée St-Pierre and
  • Moujib Bahri

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  • Nazik Fadil
    Professeure en finance à l’EM Normandie, EM Normandie, Laboratoire Métis, CAEN, France

  • Josée St-Pierre
    Professeure titulaire en finance, Université du Québec à Trois-Rivières, Institut de recherche sur les PME, TROIS-RIVIÈRES, Canada

  • Moujib Bahri
    Professeur titulaire en finance, Université TÉLUQ, MONTRÉAL, Canada

Les activités entrepreneuriales assurent le développement économique et social des différentes régions et sont indispensables pour la création ou le maintien des emplois. Pour réaliser ces activités, une large diversité de ressources est requise, qu’elles soient humaines, technologiques, informationnelles ou financières. Or, ces dernières ne sont pas accessibles à tous les entrepreneurs (Rao, Kumar, Chavan et Lim, 2023), notamment selon leur âge (Blaseg, Cumming et Koetter, 2021), leur expérience (Tessier et Ramadan, 2020), leur origine ethnique (Malki, Uman et Pittino, 2022) et leur genre (Zhang, Hewa Wellalage et Fernandez, 2022). Dans ce dernier cas, bien que les femmes soient fortement encouragées à s’engager dans des activités entrepreneuriales, plusieurs études récentes montrent que l’accès au financement demeure problématique pour les entrepreneures (Comeig, Holt et Jaramillo-Gutierrez, 2022 ; Villaseca, Navio-Marco et Gimeno, 2020). Pour obtenir du financement, l’entrepreneur doit montrer au bailleur de fonds qu’il sera capable de respecter les exigences contractuelles. Cela implique que l’entreprise sera rentable, que l’incertitude de ses revenus sera faible, qu’elle disposera de liquidités suffisantes ou de garanties tangibles en cas de turbulence environnementale. En principe, ces critères ne semblent pas liés au profil du propriétaire-dirigeant, notamment à son genre. Pourtant, les données collectées depuis plusieurs décennies dans de nombreux pays, qu’ils soient développés, en développement ou en émergence, reconnaissent au genre du propriétaire-dirigeant des attributs qui influencent l’accès au financement externe (Malmstrom, Johansson et Wincent, 2017 ; Okesina, 2022), ce qui peut entraîner des conséquences sur leurs décisions de croissance, d’innovation, d’internationalisation, voire de partir en affaires ! La prise de risque des entrepreneures a longtemps été considérée comme un handicap par les bailleurs de fonds externes, y voyant une limite sur la génération de profits futurs et sur la compétitivité des entreprises qu’elles dirigent. Les entrepreneures seraient moins « aventurières » que les hommes (Comeig, Holt et Jaramillo-Gutierrez, 2022 ; Neneh, 2019) et plus réticentes à saisir des opportunités favorisant la croissance. L’attitude des entrepreneures face au risque est significativement associée à leur intention et action entrepreneuriales. Cette intention est elle-même conditionnée par une bonne connaissance des rudiments de la gestion financière, qui accroît le sentiment d’autoefficacité, la confiance dans leur réussite et, en conséquence, leur aptitude à s’engager dans des décisions risquées, dont celle de créer une entreprise (Yoopetch, 2021). Selon une revue systématique de la littérature basée sur 4 520 publications autour du financement des femmes entrepreneures, Villaseca, Navio-Marco et Gimeno (2020) soulignent l’existence de biais liés au genre aussi bien du côté de l’offre que de la demande. Par exemple, après la crise financière de 2008, les entrepreneures ont moins sollicité le financement bancaire que leurs collègues masculins, même si leur taux de succès était plus élevé (Cowling, Marlow et Liu, 2020). Notons aussi l’existence de plusieurs travaux qui n’ont pas trouvé de lien significatif entre le genre et le financement (Giudici, Guerini et Rossi-Lamastra, 2020). Ceci s’explique par l’imbrication de nombreux facteurs de contingence liés aux caractéristiques de l’entreprise, de l’environnement, des bailleurs de fonds et d’autres caractéristiques de l’entrepreneur qui peuvent vraisemblablement conditionner la décision de financement. Par ailleurs, pour faire face au problème de l’écart financier – finance gap – démontré dans certains pays développés (Giudici et McCahery, 2019) et ceux en développement (Veiga et McCahery, 2019), plusieurs auteurs évoquent l’importance des liens sociaux pour faciliter l’accès aux ressources financières. Ces liens se construisent de différentes façons tout au long de la vie de l’entreprise et selon le profil des entrepreneurs. L’appartenance à un ou des réseaux sociaux peut se faire à travers la famille ou les amis (Hampton, McGowan et Cooper, 2011), les activités professionnelles (Wang, 2019), les …

Appendices