Abstracts
Résumé
Tom Johnson est un compositeur né à Chicago mais résidant en France, où il connaît une relative notoriété, grâce notamment au succès de ses opéras. Son cas est pourtant intéressant en tant que manifestation anachronique de la simplicité en musique — au sens donné à ce terme par les théories de la Complexité ou du Chaos. Élève de Morton Feldman, admirateur de Satie et de Cage, après avoir participé activement à la vie de l’école de New York par ses comptes rendus dans la célèbre revue The Village Voice, il a poussé la logique minimaliste dans l’un de ses ultimes retranchements. En effet, sa conception post-duchampienne de l’objet trouvé s’applique en particulier aux formules mathématiques qu’il musicalise de la façon la plus stricte, sans adjonction aucune de sentiment, sans interprétation, avec une dimension qui peut être ludique tout de même. Protestant pratiquant, Tom Johnson refuse l’auréole de compositeur, et lui préfère l’humble statut de « trouveur ». Le déterminisme implacable de ses trouvailles sonores, leur mécanique horlogère et désincarnée, contredisent bien des réflexes d’auditions et des habitudes esthétiques. Ainsi la « voix du Village » sonne-t-elle étrangement « simple » dans le fatras grandiloquent de l’intellectualisme européen.
Abstract
Tom Johnson is a Chicago-born composer now living in France, where he enjoys a certain celebrity, thanks in part to the success of his operas. His case is interesting, however, as an anachronistic manifestation of simplicity in music—in the meaning intended by the complexity or chaos theories. A pupil of Morton Feldman as well as an admirer of Satie and Cage, he participated actively in the life of the New York school through his reviews in the well-known magazine The Village Voice, pushing the logic of minimalism to its ultimate entrenchments. Indeed, his post-Duchamp conception of the found object applies in particular to the mathematic formulae he puts into music in the strictest way, without any addition of feeling, without interpretation, yet with a dimension that could be called playful. A practising Protestant, Tom Johnson refuses the halo effect of being labelled a composer and prefers the humble status of “finder.” The unrelenting determinism of his sonic finds, their disembodied, clock-like mechanism go against many a listening reflex and many aesthetic tendencies. Thus can the “voice of the Village” be said to sound strangely “simple” in the grandiloquent jumble of the European intellect.
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Appendices
Notes
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[1]
Pour en savoir plus, voir Stévance 2009 et Bosseur 2000.
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[2]
Voir sa définition du minimalisme dans Bosseur 1992, p. 91.
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[3]
« Let the music do what it wants to do » (Feldman cité par Johnson). Spaces (1969) est une « musique tranquille » où l’influence de Morton Feldman est clairement perceptible. Voir Johnson 1999.
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[4]
« Hypnotic is probably the best word for this music, because it comes closest to describing the effect that it has on the listener […]. The music of the New York Hypnotic School is easier to hear than much contemporary music » (Johnson 1989a).
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[5]
Né en 1942 à Newark dans le New Jersey, Morrow est compositeur et producteur à Manhattan au moment de l’article de Tom Johnson. Il dirige alors la New Wilderness Foundation, spécialisée dans la musique expérimentale, l’environnement sonore, les compositions texte-musique. Il poursuit aujourd’hui ses activités dans le cadre des Charlie Morrow Productions LLC, à découvrir sur : <http://http://www.cmorrow.com>.
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[6]
Iannis Xenakis, ingénieur et architecte, a notamment développé la « musique stochastique ». André Riotte, ingénieur en électronique, a longtemps enseigné la formalisation de la musique à Paris 8 et à l’IRCAM.
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[7]
Il cite la musique silencieuse (1897) d’Alphonse Allais, marche funèbre constituée de six portées vides. Nous n’avons pas pu le vérifier.
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[8]
Texte qui utilise d’ailleurs le mot compter et ses dérivés de façon très répétitive.
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[9]
Selon le sens attribué par Becker 1988.
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[10]
On est en effet en droit de se demander si Tom Johnson, à défaut d’être compositeur, serait plus un « instaurateur de conceptualité en musique » ; pour se faire une opinion, je renvoie le lecteur au livre de Sophie Stévance (Stévance 2009, p. 206-214).
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[11]
Parmi ses pièces sacrées, Organ and Silence (1999) pour orgue, « collection de 28 pièces courtes dans un style minimal et méditatif avec beaucoup plus de silence que de son » peut être jouée dans le cadre de la liturgie.
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[12]
Feuille jointe à la partition.
Références
- Becker, Howard. 1988. Le Monde de l’Art. Paris : Flammarion.
- Bosseur, Jean-Yves. 1992. Vocabulaire de la musique contemporaine. Paris : Minerve.
- Bosseur, Jean-Yves. 2000. John Cage. Paris : Minerve, 2e éd.
- Darbon, Nicolas, et Tom Johnson. 2003. Entretien privé. Paris : Résidence du compositeur.
- Darbon, Nicolas. 2007. Musica Multiplex. Dialogique du simple et du complexe en musique contemporaine. Paris : L’Harmattan, coll. « Sémiotique et philosophie de la musique ».
- Éditions 75. Catalogue des oeuvres de Tom Johnson. En ligne, <http://www.editions75.com/French/catalogfrench.html>, consulté le 12 octobre 2009.
- Johnson, Tom. 1982. Counting Duets. Paris : Éditions 75.
- Johnson, Tom. 1986. Rational Melodies n° 3, pour n’importe quel instrument ou groupe d’instruments, transposable à tout octave. Paris : Éditions 75.
- Johnson, Tom. 1986a. The Chord Catalogue. Paris : Éditions 75.
- Johnson, Tom. 1989. « Morton Feldmans Voices and Instruments II », article datant du 22 février 1973. Dans The Voice of New Music: New York City, 1972–1982: A Collection of Articles Originally Published in The Village Voice. Pays-Bas : Het Apollohuis. En ligne, <http://www.editions75.com/Books/TheVoiceOfNewMusic.PDF>.
- Johnson, Tom. 1989a. « La Monte Young, Steve Reich, Terry Riley, Philip Glass », article datant du 7 septembre 1972. Dans The Voice of New Music. Pays-Bas : Het Apollohuis. Réédité à Paris, Éditions 1975. En ligne, <http://www.editions75.com/Books/TheVoiceOfNewMusic.PDF>.
- Johnson, Tom. 1989b. « Pauline Oliveros and Philip Corner : Meditation Music », article datant du 24 mai 1976. Dans The Voice of New Music. Pays-Bas : Het Apollohuis. En ligne, <http://www.editions75.com/Books/TheVoiceOfNewMusic.PDF>.
- Johnson, Tom. 1989c. « Pauline Oliveros Meditates », article datant du 10 octobre 1977. Dans The Voice of New Music. Pays-Bas : Het Apollohuis. En ligne, <http://www.editions75.com/Books/TheVoiceOfNewMusic.PDF>.
- Johnson, Tom. 1989d. « Victor Grauer : A Long Hum Drone Hum Hum », article datant du 14 décembre 1972. Dans The Voice of New Music. Pays-Bas : Het Apollohuis. En ligne, <http://www.editions75.com/Books/TheVoiceOfNewMusic.PDF>.
- Johnson, Tom. 1989e. « Charlie Morrow Composes by Numbers », article datant du 31 mars 1975. Dans The Voice of New Music. Pays-Bas : Het Apollohuis. En ligne, <http://www.editions75.com/Books/TheVoiceOfNewMusic.PDF>.
- Johnson, Tom. 1995. « I want to find the music, not to compose it », (« Ich möchte die Musik finden... »), Positionen n° 23. Repris sous forme d’entretien dans Revue et corrigée n° 35, mars 1998. En ligne, <http://www.editions75.com/Articles/I%20WANT%20TO%20FIND%20THE%20MUSIC.pdf>.
- Johnson, Tom. 1999. « Explaining my Music : Keywords ». En ligne, <http://kalvos.org/johness4.html>.
- Johnson, Tom. 2001. « Found Mathematical Objects », samedi 13 janvier 2001, séminaire « Musique, mathématiques et philosophie », site Internet d’Entretemps : <http://www.entretemps.asso.fr>, p. 17 de la version imprimée, inédit.
- Johnson, Tom. 2004. « Music Metaphysics ». Kunst Musik, Schriften zur Musik als Kunst n° 2, Cologne. En ligne, <http://www.editions75.com/Articles/Music%20Metaphysics.pdf>.
- Stévance, Sophie. 2009. Duchamp, compositeur. Paris : L’Harmattan, coll. « Sémiotique et philosophie de la musique ».