Notes de lecture

WALKER, Margaret Urban. 1998. Moral Understandings. A Feminist Study in Ethics. New York, Routledge. CLEMENT, Grace. 1996. Care, Autonomy and Justice. Feminism and the Ethic of Care. Boulder, Co., Westview Press. LAMB, Sharon. 1996. The Trouble with Blame. Victims, Perpetrators and Responsibility. Cambridge, MA, et Londres, G.-B., Harvard University Press. [Record]

  • Johanne Charbonneau

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  • Johanne Charbonneau
    INRS-Urbanisation, Culture et Société

L'originalité des approches théoriques nord-américaines qui s'intéressent au concept de responsabilité tient, en particulier, à la participation active des féministes aux débats sur les limites des théories philosophiques classiques sur la morale et l'éthique. Les féministes font la promotion d'approches pragmatiques qui valorisent la multiplication des points de vue plutôt que l'adoption d'une position distanciée, transcendante, et prétendument neutre, sur des objets qui situent, d'emblée, les agents dans des processus dynamiques d'interaction, comme c'est le cas pour les questions d'obligation, de devoir et de responsabilité. Depuis les travaux de Gilligan (1982) sur l'éthique de la sollicitude, la présence des féministes a favorisé la reconnaissance de la pertinence de tels objets de réflexion, qui viennent d'abord interpeller les femmes dans la sphère privée des responsabilités familiales quotidiennes. Fortement marqués par leur intérêt premier pour l'analyse des rapports sociaux, les travaux des féministes se sont orientés de façon à proposer une lecture toujours plus approfondie et complexe de ce qui fait le propre des interactions humaines. Ces réflexions oscillent ainsi de la sphère privée à la sphère publique. L'ouvrage de Walker se situe tout à fait dans cette lignée. Insatisfaite des théories morales universalistes et formalistes, cette philosophe propose une approche pragmatique, constructiviste et interactionniste qui s'articule précisément autour de la notion de responsabilité. Walker insiste d'abord sur la nécessité d'appuyer la réflexion théorique sur des recherches empiriques approfondies, une démarche qui favorise le dialogue entre la philosophie et les sciences sociales. Selon elle, il n'y a de définition de « la responsabilité » que par la « pratique concrète des responsabilités ». Celles-ci sont, par définition, de nature diverse et font l'objet d'une négociation continue, qui va se conclure par le choix de les assumer ou de les rejeter. Aussi l'observateur doit-il tenir compte du point de vue, non seulement de celui qui doit faire le choix de la responsabilité, mais aussi de celui qui formule l'attente de la réponse et recevra cette dernière. Chaque décision de responsabilité se réalise dans son contexte spécifique. S'il y a toujours obligation de « répondre », la nature de la réponse n'est pas prédéfinie. L'analyse des expériences empiriques permettra d'identifier les critères du choix devant lequel est placé celui qui est interpellé par une attente de responsabilité : clarté de la situation, possibilité d'action unilatérale ou coordonnée, limitation des options possibles, probabilité que l'action soit efficace, absence d'autres demandes concomitantes aussi exigeantes, etc. Cette étude du cas par cas n'exclut cependant pas l'influence de facteurs sociaux sur les représentations individuelles de ce qu'est, par exemple, un « besoin » ou une « vulnérabilité ». Mais, ici, les ressources en présence et les règles préétablies — même celles qui encadrent le refus de répondre — ne sont que le point de départ d'un processus où s'engage chaque acteur dans la création de son propre parcours de responsabilité, au cours de sa vie. Le travail de sélection des engagements contribue ainsi à définir l'identité de chacun. L'ouvrage de Walker est organisé en trois parties principales. Dans les premiers chapitres, sa critique du modèle théorique et juridique de l'éthique formaliste la conduit vers la présentation de son propre modèle d'analyse « expressive-collaborative ». Le coeur de l'ouvrage est consacré à la description de la nature et de l'épistémologie des pratiques de responsabilités. En troisième partie, l'auteur approfondit son modèle en y associant d'autres concepts tels que l'identité, l'autonomie ou la position sociale. Les propositions théoriques de Walker rejoignent d'autres réflexions actuelles des sciences sociales, sur le rôle de l'acteur dans la responsabilité de la définition de sa propre existence, mais aussi celles qui présentent une vision morcelée, …

Appendices