Abstracts
Résumé
Cette contribution met en lumière de nouvelles relations entre État et société civile dans les politiques migratoires locales et, plus particulièrement, dans les politiques d’insertion sociale et économique. À partir d’enquêtes de terrain ethnographiques menées dans trois agglomérations françaises, les auteurs mettent à jour un mouvement d’institutionnalisation progressive de l’action bénévole au sein de l’action publique. Les terrains d’enquête sont des « dispositifs d’insertion » initiés par l’État et confiés à des associations, visant à l’insertion sociale de migrants européens précaires identifiés comme « Roms », vivant en habitat précaire. L’article propose une analyse en deux temps. Un premier temps revient sur le choix des services de l’État de confier à des tiers « opérateurs » la mise en oeuvre de « dispositifs d’insertion », en fixant des orientations notamment en matière de mobilisation de bénévoles. Un second temps concerne les modalités pratiques de cette institutionnalisation du bénévolat dans la réponse publique. L’hypothèse développée en filigrane est celle d’une politique migratoire qui se construit en partie sur des stratégies de canalisation, de mise à distance et d’institutionnalisation d’une action bénévole dépolitisée.
Mots-clés :
- politiques publiques,
- travail social,
- intermédiation sociale,
- action collective et associations,
- travail bénévole et travail militant,
- carrières militantes,
- carrières professionnelles,
- migration,
- politiques migratoires,
- gouvernance locale
Abstract
This paper highlights new relations between state and civil society in the case of French local migration policies towards, and more specifically social inclusion policies. It is based on a multi-site ethnographic fieldwork in three cities. It shows a progressive institutionalization of voluntary action in public policy. We studied “insertion devices” (services for integration and active labour market policies) enacted by the State and contracted out to associations, having precarious European migrants — labelled as “Rom” and living in inadequate housing —, as target groups. The article proposes a two-step analysis: a first step that goes back to the choice of state services to entrust third-party “operator” by setting up “inclusion service”, by defining the role of each stakeholder, particularly volunteer individuals or organizations; a second time that concerns the choices made by these operators in terms of recruitment and selection of volunteers according to different criteria. The hypothesis developed through the article concerns the fact that migration policies are partially built on strategies of channelling, distancing and institutionalizing a depoliticized non-profit intervention.
Keywords:
- public policies,
- social work,
- mediation,
- collective action,
- associations,
- volunteer work and activism,
- militant careers,
- migration policies,
- local governance
Appendices
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