Recensions

Pierre de Cointet, Maurice Blondel. Un réalisme spirituel. Saint-Maur, Socomed Médiation-Éditions Parole et Silence ; Toulouse, Éditions du Carmel (coll. « Centre Notre-Dame de Vie », série « Humanités », 1), 2000, 280 p.[Record]

  • Daniel Moreau

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  • Daniel Moreau
    Université Laval, Québec

Dans un contexte culturel où la philosophie perd ses fondements métaphysiques au profit d’une auto-affirmation du nihilisme, Pierre de Cointet juge qu’une analyse de la pensée du philosophe français Maurice Blondel (1861-1949) s’avère d’une haute pertinence. Cet auteur a en effet longuement réfléchi sur les implications métaphysiques de l’existence concrète de l’être humain, tâchant de montrer que cette dimension, loin d’être un univers d’abstractions, lui donnait au contraire dynamisme et sens. L’être humain, selon lui, est habité par un « élan spirituel » (p. 10) l’arrachant à son expérience sensible immédiate pour le pousser dans le questionnement face à l’univers, et sur le sens de sa propre vie. Pierre de Cointet considère que pour retrouver une portée et un sens à l’existence humaine, il est nécessaire de dégager le caractère métaphysique de cet élan si concret qui la définit. D’où l’importance de présenter à nouveau aujourd’hui la pensée blondélienne, nous dit-il, en la proposant comme un « réalisme spirituel », angle par lequel elle peut s’insérer dans le débat actuel. Pour cela, il retient particulièrement la Trilogie, ouvrage où la thématique de l’élan spirituel est bien développée. Le livre se divise en huit chapitres. Le premier met en question l’affirmation de l’inutilité de la métaphysique dans une démarche philosophique. Confrontant le nihilisme, l’auteur demande si la « banqueroute ontologique » (p. 21) qu’il affiche est réellement fondée, ou si elle ne repose pas plutôt sur un refus de la connaissance, au profit d’une affirmation absolue de soi. Il montre que selon Blondel, l’« élan » qui nous habite ne peut être inerte. L’être humain participe de toute manière à l’existence de l’univers, et ne peut rester indifférent devant son mystère, culminant dans celui de sa propre existence. Il ne peut qu’embrasser cette cause, puis chercher à comprendre, ou encore refuser l’entreprise et s’enfermer en lui-même. Mieux encore : l’égoïsme de la seconde option affiche clairement un « amour absolu de l’être » contre le néant (p. 29), ce qui continue d’être un dépassement de l’ordre empirique (p. 23). Bref, la question métaphysique est toujours posée, avec une option précise, et le nihilisme lui-même désire et affirme l’être (cf. p. 30). C’est assez dire que l’« élan spirituel » qui habite l’homme est éminemment concret et incontournable, aux yeux de Blondel. La bonté de l’être y est toujours affirmée d’emblée. Dans cette foulée, les deuxième et troisième chapitres entreprennent de développer la thématique du concret. Pierre de Cointet tâche d’expliciter les analyses blondéliennes sur le questionnement métaphysique de l’être humain face au monde concret. La pensée suppose d’emblée l’« être » comme son objet. Et dans la vie réelle, il s’agira forcément d’un être singulier concret. Le défi de la philosophie est donc de rester dans le réel par l’expérience, d’éviter de se perdre dans des « notions abstractivement réifiées » (p. 38). Cependant, le défi est complexe car ces êtres concrets sont inachevés et en devenir, en perpétuel mouvement de perfectionnement. Selon Blondel, puisque le sujet humain pensant fait lui-même partie du tableau, inachevé notamment dans son perfectionnement, cela exigera l’introduction dans la métaphysique de la dimension subjective elle-même, en plus de la dimension objective du monde (cf. p. 40). L’on voit ainsi davantage comment la métaphysique se manifeste intimement dans cet « élan intérieur et vif » qui pousse l’homme à comprendre le monde. « L’idée blondélienne du concret — précise l’auteur — nous oriente […] à la fois vers le donné dans son existence singulière et vers la vie humaine en quête d’un sens à sa vie et au monde. » Ce sont là les …