Recensions

Henri Laux, Le Dieu excentré. Essai sur l’affirmation de Dieu, Paris, Beauchesne Éditeur (coll. « Le grenier à sel »), 2001, 128 p.[Record]

  • Jean-Pierre Fortin

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  • Jean-Pierre Fortin
    Université Laval, Québec

En se situant aux confins de la philosophie et de la théologie, Henri Laux tente de présenter, dans ce livre, une nouvelle façon d’aborder l’une des questions les plus fondamentales, sinon la plus essentielle entre toutes : la question de Dieu. Sans dénigrer le mode de l’argumentation logique, il propose dans une optique de renouvellement du questionnement, d’ouverture, de considérer la question de Dieu du point de vue de son affirmation par l’être humain en tant que parole, car il s’agit, comme l’exprime fort bien le sous-titre du livre, d’un essai sur l’affirmation de Dieu. À partir d’une étude de cette expérience de la parole humaine que tous les êtres humains partagent, éprouvent en commun, l’auteur tente d’établir si l’activité et l’expérience de la parole comportent en elles-mêmes une dimension absolue, c’est-à-dire si la parole présente une exigence indéniable d’absolu. Le livre se déploie en cinq chapitres qui étudieront chacun un aspect de la vie humaine prise comme parole. D’abord il est question du verbe au sens usuel du terme, à savoir l’usage courant que nous faisons du langage dans la communication concrète avec autrui. Déjà dans l’expression langagière, et c’est là ce que l’auteur nous amène à constater, il y a implication de l’ultime, car il faut se prononcer à son sujet. La parole est révélation, manifestation de la pensée même en exercice, car celle-ci en est une « qui débat, rend compte, explore et cherche la cohérence du discours, qui convoque à des affirmations justes, vérifiées […] » (p. 21). Si elle cherche le vrai, la pensée discerne, discrimine les discours, afin d’en mieux éclairer la réalité, elle se veut donc une exigence de vérité. Il s’ensuit que « considérée comme exigence vis-à-vis de nous-mêmes, la raison doit se risquer dans le consentement donné à tel discours » (p. 21). Dès le discours, il est impossible de ne pas se prononcer, car tout considérer à distance, sans opérer de discernement, de jugement portant sur telle ou telle affirmation quant à la nature réelle des choses, revient à suspendre son jugement rationnel. Une telle suspension consiste soit en un désistement de l’activité intellectuelle sur le réel, ou plus profondément, sur un certain jugement proféré sur le réel, car il est impossible de s’abstenir de juger du réel, sans avoir décidé de le faire, et toute décision ne saurait s’effectuer sans critère et donc discernement. Ainsi, penser est déjà s’engager. « […] le discours sur Dieu est impossible si la raison ne se risque pas à parler. […] Le risque à prendre est que ma raison devienne mienne ; elle l’est quand elle s’engage » (p. 21-22). D’autre part si la raison discerne parmi les discours, alors elle pose des questions, questions qui exigent des réponses. D’où il suit que « le discours peut être compris selon une deuxième manière, comme une réponse : maintenant une responsabilité est engagée » (p. 22). Le mot le dit, répondre implique répondre de ce que l’on répond, d’où l’implication inévitable de la personne même qui formule cette réponse, en ce sens que personne ne peut obliger qui que ce soit à penser quoi que ce soit et donc que ce que chacun pense le définit et l’exprime lui. Ainsi, « si le discours sur Dieu est une réponse, on veut dire qu’il y a à répondre à une question en posant une affirmation, et qu’il y a à répondre de cette question : une responsabilité est en cause. Ce discours ne contraint pas, il oblige. […] Obliger autrui, c’est lui faire percevoir du plus intérieur de lui-même l’urgence qu’il y a à poser …